déductive; la statistique vient, en effet, l'étayer de sa toute-puissance. Ainsi, dans le département des Vosges, tandis qu'en l'année 1875, sur un total de 609.317 francs de prestations, les exécutions en nature s'élevaient à 550.502 francs (soit une proportion de 90%) et qu'en 1903, cette proportion s'élevait encore à 70%, elle est descendue successivement à 64% et 63% en 1905 et 1906, pour tomber, en 1907, à 54%. Il est donc bien vrai de dire que la taxe vicinale tend à la diminution progressive de la libération en travail et constitue ainsi une amélioration très appréciable du régime de la prestation. Ces avantages découlent immédiatement de ceux énoncés plus haut. Puisque, d'une part, les femmes, les enfants, les vieillards, les forains, exonérés de la prestation par la loi de 1836, sont imposables à la taxe vicinale et qu'à raison soit de leur habituelle ou naturelle inaptitude aux travaux manuels, soit de leur éloignement du lieu des travaux, ces divers contribuables se libéreront généralement en argent; puisque, d'autre part, les petits contribuables, dégrevés, ne sont admis à s'acquitter en nature que si leurs cotes. sont au moins égales à 1 franc, il est aisément concevable que le chiffre des libérations en espèces est, en définitive, considérablement accru du fait de l'adoption de la taxe vicinale. En sorte que le service vicinal dispose, avec ce régime, de ressources en argent plus élevées qu'avec la prestation. Ainsi, dans le département de la Haute-Marne, le nouveau système a donné, en 1904, 55% de ressources en argent alors que la prestation n'en a procuré que 28 % (1). Or, nul ne conteste plus, à présent, qu'avec des ressources en argent, on obtienne plus et de meilleur travail qu'avec le système de la prestation. Au surplus, la difficulté de déterminer la quotité de travail qui serait à exécuter pour l'acquit de telle ou telle petite cote de taxe vicinale conduira presque toujours les municipalités à préférer le (1) Rapport de M. l'agent voyer en chef de la Haute-Marne au conseil général de ce département (Rapport supplémentaire de la session d'avril 1907, p. 185). système des tâches à celui des journées; et si l'on considère que le système des tâches donne un rendement infiniment plus élevé que le régime des journées, on n'hésitera pas à reconnaître la supériorité économique de la taxe vicinale sur la prestation. Il n'est pas jusqu'au recensement rigoureux des contributions directes servant de base à la taxe vicinale qui n'ait pour effet d'augmenter la productivité de cette taxe. Enfin, en plaçant les communes dans la nécessité de racheter la prestation individuelle avant la prestation réelle, la loi de 1903 a manifestement entendu favoriser la suppression de la première. Or, la prestation individuelle est non seulement la forme la plus critiquable de la prestation, par le caractère corporel que comporte son acquittement en nature, mais elle est aussi d'une déplorable improductivité. La taxe vicinale apporte donc encore, à ce double point de vue, de sérieuses améliorations au régime de la prestation. Ainsi, concluent les adeptes de la législation de 1903, sous quelque rapport qu'on se place, la taxe vicinale est éminemment préférable à la prestation; elle constitue un progrès immense sur cette dernière. Sans doute, il serait présomptueux de voir en elle la panacée à tous les maux légués à la prestation par son ancêtre la corvée; sans doute encore, elle n'est pas sans contenir des imperfections; mais, ces imperfections, au surplus assez peu nombreuses et de minime importance, ne sauraient être mises en parallèle avec les améliorations considérables que la réforme de 1903 a apportées au régime antérieur et qui doivent rallier, autour de cette réforme, tous ceux qui s'intéressent, sans préoccupation étrangère, à l'avenir de la vicinalité française. (A suivre.) Georges Roy, Docteur en droit, Rédacteur à la préfecture des Vosges. LE RÉGIONALISME ET LA RÉFORME ADMINISTRATIVE (Suite) (1) Telles sont les conséquences vers lesquelles doit tendre le mouvement décentralisateur en France. Mais, nous l'avons dit, ce mouvement ne peut s'accomplir d'un seul coup. Nous ne sommes pas au lendemain d'une Révolution. C'est en pleine paix, par la volonté réfléchie du Parlement, que la transformation de nos institutions doit s'opérer. Des transitions sont à ménager. Il appartiendra aux assemblées provinciales de hâter le mouvement, non par une impatience brouillonne, mais par la sagesse et la prudence de leurs décisions. Nous supposons donc arrêtée la carte des régions. Les assemblées provinciales, composées des membres des conseils généraux, se réunissent au chef-lieu de la région. De quoi vont-elles s'occuper? Quel sera leur premier budget? L'administration régionale pourrait entrer en possession des édifices départementaux: hôtels de préfecture et de sous-préfectures, palais de justice, écoles normales d'instituteurs, casernes de gendarmerie, prisons, et son premier budget comprendrait ainsi les dépenses des services d'État auxquelles les départements ont l'obligation de faire face. Ces dépenses étant proportionnellement (1) Voir le numéro de mars 1913, t. I, p. 257. les mêmes dans tous les départements, il serait tout indiqué d'y faire face par l'emprunt de un ou deux centimes additionnels aux budgets départementaux qui seraient déchargés d'autant. La mesure serait même à l'avantage des petits départements. Recevant les allocations inscrites au budget de l'État à titre de fonds d'abonnement des préfectures, et sous-préfectures, l'administration régionale pourrait aussi arrêter le cadre de ses services. En même temps, les conseils régionaux seraient appelés à reviser la carte cantonale, qui a besoin d'être refaite depuis que les villes se sont peuplées au détriment des campagnes. Ce serait un premier pas. La capacité régionale s'affirmerait ensuite par un double mouvement de translation des affaires décentralisées et d'absorption des affaires locales qui gagneraient à être discutées dans une sphère élargie. Les départements, à quelques exceptions près, sont de consistance et de fortune trop réduites pour gérer utilement, à ne considérer que l'intérêt et la prospérité publiques, certains services qui leur ont été dévolus, les chemins de fer d'intérêt local par exemple. Pour la même raison, les conseils généraux ne peuvent fonder ces institutions dont on vante l'utilité et le succès à l'étranger. Dans l'ordre de l'assistance publique, ce sont des écoles de réforme pour les enfants assistés, des asiles spéciaux pour le traitement qu'exigeraient certaines maladies mentales, des hospices de vieillards, etc... Ce seraient encore, dans l'ordre de l'enseignement, des écoles agricoles, professionnelles, de beaux-arts. En un mot, l'élargissement du territoire départemental peut seul entraîner l'élargissement tant souhaité du principe d'action locale que renferme en elle-même la loi du 10 août 1871. Cette loi a été considérée à juste titre comme le monument le plus élevé de l'idée décentralisatrice au cours du dernier siècle, mais que deviennent, en présence des besoins nouveaux, les excellentes intentions de ses auteurs? A ce mouvement de bas en haut, correspondrait un mouvement de haut en bas, consistant dans la remise aux administrations régionales des services qui se trouvent, bien à tort, dans le domaine de l'État. En premier lieu, les services de l'Assistance publique, sur lesquels il n'est pas nécessaire que le Gouvernement conserve la haute main, au point où il a porté son action. Le partage des dépenses du service des enfants assistés entre l'État, les départements et les communes ne correspond à aucun principe déterminant; c'est un arrangement financier que le temps a consacré et qu'on a, d'ailleurs, aggravé au détriment de l'État, pour couvrir une extension de l'assistance (Loi sur les enfants moralement abandonnés). La répartition des dépenses de l'assistance médicale et de l'assistance aux vieillards, infirmes et incurables, est établie également entre l'État, les départements et les communes, mais sur d'autres bases, conçues d'après un principe, erroné à nos yeux, et dont, dans tous les cas, l'application ne paraît pas avoir donné satisfaction. On a bien spécifié que l'assistance qu'on instituait à l'état de droit pour les pauvres était en soi une charge communale, mais on a prétendu associer, dans une sorte de mutualité les communes riches et pauvres dans la personnalité du département, et de même, les départements riches et pauvres dans la personnalité de l'État. C'était couvrir une législation de tendance étatiste du masque de la décentralisation. On ne pouvait faire autrement, c'est la seule bonne raison. La reconnaissance du droit aux secours, succédant légalement à la simple faculté, est un effort de civilisation auquel il ne faut pas renoncer; ce droit à l'assistance est consacré par des voies de recours prévoyant l'appel d'une décision municipale devant une commission cantonale, et en second ressort devant une commission supérieure; la procédure est normale. Il convient aussi de garder les règles du domicile de secours et les conditions d'exercice d'un domicile de secours départemental en faveur des indigents qui n'ont pas un temps de résidence suffisant pour créer à la commune une obligation à leur égard. Mais ces principes essentiels réservés, il faut reconnaître que le régime financier des lois d'assistance ne se justifie en aucune façon et que même il conduit à des résultats abusifs; la progression inattendue des dépenses ne justifie que trop cette assertion. Nous pourrions même ajouter, si la démonstration ne devait nous entraîner trop loin, que les règles d'appli- · cation des barèmes ont donné lieu à de nombreuses difficultés, dans tous les cas à un abus énorme de paperasseries et que le mode de répartition des dépenses, s'appuyant nécessairement sur un élément sommaire, la valeur du centime, est loin d'être parfaitement équitable. UarM |