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la Russie. Il nous suffit d'avoir tracé ici un tableau rapide des injustices que la Prusse a éprouvées de la part de la France depuis la paix de Tilsit.

sys

tème continental.

SECTION IV.

Système continental et autres conséquences immédiates de la paix de Tilsit.

Origine du La ruine de la monarchie prussienne devoit nécessairement entraîner la perte de l'indépendance du nord de l'Allemagne, et opérer à la longue une révolution rétrograde dans les mœurs, les lumières et les sciences. Cet avenir se présentoit en perspective aux patriotes éclairés; mais le vulgaire, qui ne s'occupe que du présent, étoit moins frappé de cette crainte qu'il ne souffroit d'un résultat immédiat que la paix de Tilsit avoit produit, et qui, en imposant aux habitans d'une grande partie de l'Europe des privations pénibles, sans leur offrir aucun dédommagement, détruisoit la fortune des uns sans enrichir les autres, et prolongeoit pour les peuples les maux de la guerre bien au-delà de la signature de la paix. Le projet d'une monarchie universelle, masqué sous le titre de système fédératif de l'Europe, fut mûri dans la tête de Buonaparte à l'époque de la paix de Presbourg. Celle de Tilsit engendra le système continental. Après l'avoir nommé plusieurs fois dans le cours de ce chapitre, nous croyons devoir le développer ici.

On a décoré du titre de système continental l'ensemble de ces mesures tantôt injustes et vexatoires, tantôt folles et extravagantes, par lesquelles le chef d'un gouvernement qui n'avoit pas de marine, espéra ruiner le commerce et la puissance maritime de l'Angleterre, en empêchant qu'aucune production du sol et de l'industrie de ce pays et de ses colonies ne fût introduit sur le continent de l'Europe, depuis Lisbonne jusqu'à Pétersbourg, depuis Cadix jusqu'à Constantinople, «système qui, aux dépens de l'indépendance, du bien-être, des droits et de la dignité de tous les états du continent, et par la violation de toutes les propriétés publiques et particulières, devoit anéantir le commerce du monde, dans le vain espoir d'arracher un résultat qui, si heureusement il n'eût pas été impossible, eût, pour de longues années, plongé l'Europe dans la misère, la foiblesse et la barbarie '. »

Le premier acte qui établit le système continental est un décret que Buonaparte rendit, le 21 novembre 1806, à Berlin, ce qui fait qu'on l'appelle communément le décret de Berlin, dénomination sous lequel il est devenu fameux. Cette pièce, à l'existence de laquelle nos neveux auront de la peine à ajouter foi, est

Expressions de M. de GENTZ. Voyez le manifeste de l'Autriche du 12 août 1813, dans mon Recueil de pièces officielles, Vol. I, pag. 89.

Décret de Beriin.

trop remarquable pour n'être pas textuelle

ment insérée ici.

Napoléon, empereur des François, roi d'Italie,
Considérant,

1.° Que l'Angleterre n'admet point le droit des gens suivi universellement par tous les peuples policés;

2.° Qu'elle répute ennemi tout individu appartenant à l'état ennemi, et fait en conséquence prisonniers de guerre, non seulement les équipages des vaisseaux armés en guerre, mais encore les équipages des vaisseaux de commerce et des navires marchands, et même les facteurs de commerce et les négocians qui voyagent pour leurs affaires de négoce;

3.° Qu'elle étend aux bâtimens et marchandises de commerce et aux propriétés des particuliers le droit de conquête, qui ne peut s'appliquer qu'à ce qui appartient à l'état ennemi;

4.° Qu'elle étend aux villes et ports de commerce non fortifiés, aux hâvres et aux embouchures de rivière le droit de blocus, qui, d'après la raison et l'usage de tous les peuples policés, n'est applicable qu'aux places fortes;

Qu'elle déclare bloquées des places devant lesquelles elle n'a pas même un seul bâtiment de guerre, quoiqu'une place ne soit bloquée que quand elle est tellement investie qu'on ne puisse tenter de s'en approcher sans un danger imminent;

Qu'elle déclare même en état de blocus des lieux que toutes ses forces réunies seroient incapables de bloquer, des côtes entières, et tout un empire;

5. Que cet abus monstrueux du droit de blocus n'a d'autre but que d'empêcher les communications entre les peuples, et d'élever le commerce et l'industrie de l'Angleterre sur la ruine de l'industrie et du commerce du continent;

6.° Que tel étant le but évident de l'Angleterre, quiconque fait sur le continent le commerce des marchandises angloises, favorise par là ses desseins, et s'en rend le complice;

7.° Que cette conduite de l'Angleterre, digne en tout des premiers âges de la barbarie, a profité à cette puissance au détriment de toutes les autres;

8.° Qu'il est de droit naturel d'opposer à l'ennemi les armes dont il se sert et de le combattre de la même manière qu'il combat, lorsqu'il méconnoît toutes les idées de justice et tous les sentimens libéraux, résultat de la civilisation parmi les hommes:

Nous avons résolu d'appliquer à l'Angleterre les usages qu'elle a consacrés dans sa législation mari

time.

Les dispositions du présent décret seront constamment considérées comme principe fondamental de l'Empire, jusqu'à ce que l'Angleterre ait reconnu que le droit de la guerre est un et le même sur terre que sur mer; qu'il ne peut s'étendre ni aux propriétés privées, quelles qu'elles soient, ni à la personne des individus étrangers à la profession des armes, et que le droit de blocus doit être restreint aux places fortes réellement investies par des forces suffi

santes.

Nous avons en conséquence décrété et décrétons ce qui suit:

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