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» Et ce moyen âge, si décrié par les uns et tellement exalté par les autres, ne nous offre-t-il pas, lui aussi, le modèle d'une ère d'unité ? L'État et l'Église se prêtaient un mutuel appui, et les plus grands rois, tel que saint Louis, étaient les plus fervents chrétiens; les Thomas d'Aquin conciliaient avec les dogmes de la religion les vérités et les erreurs des ignorantes sciences de leur tems; les temples qu'imaginait l'architecture étaient d'admirables symboles de la foi de tous, et les poëtes, du moins en Allemagne, chantaient avec une touchante naïveté la sainte Vierge, ou mettaient en action dans des épopécs chevaleresques les plus intimes vérités de l'Évangile. Aujourd'hui, tout est désuni et brisé; les rouages de la société crient ou tournent seuls; les membres se séparent du tronc, comme s'ils pouvaient vivre de leur propre vie; la pensée une a disparu. Il s'agit de la retrouver. Le monde politique peut être sauvé de l'anarchie par l'autorité d'un seul; le monde intellectuel ne le peut être que par la conviction, qui est la vraie autorité souveraine. Revenir par elle à l'unité, tel est, nous semblet-il, l'énigme de notre tems et le mot de l'avenir.

» C'est donc à résoudre cette énigme et à frayer le chemin à la science de l'unité, que nous voudrions avant tout concourir par la publication de ce livre. Comme dans le domaine de l'intelligence la grande lutte de notre siècle est celle de la Science et de la Religion, les principaux efforts des hommes de l'unité doivent tendre à réconcilier ces deux adversaires par une paix qui respecte la liberté de l'un et de l'autre, et qui soit avantageuse à tous les deux. Le Peuple Primitif est une tentative d'accorder la Révélation et la Mythologie, de même que dans notre Histoire de la Terre nous essayons, après beaucoup d'autres, de concilier la Géologie et la Revélation. Une brochure, à laquelle nous mettons la dernière main, présentera l'accord de la Révélation et de l'Astronomie. Ce sont là des matériaux pour nos Deux Cités, dont le premier livre tente l'union de la Révélation et de la Philosophie, et les suivants celle de la Révélation et de l'Histoire. Convaincre les esprits indécis ou égarés que l'unité, qui est le critère de la vérité, ne se trouve que dans le Dieu de l'Évangile, parce que seul il est à la fois sagesse et sainteté, lumière et force, et prouver qu'à ce but conduit, par

une nécessité logique, la vraie méthode de la philosophie, celle de l'assimilation, qui est la synthèse de la déduction et de l'induction, et que nous nommerions la conduction; dérouler les fastes de l'histoire en les expliquant à la triple et une lumière de la révélation d'Eden, de celle de Sinaï et de celle de Golgotha, et démontrer comment les destinées de l'humanité sont tout lumière avec le Christ et tout ténèbres sans lui; tenter ainsi d'amener, et par les faits de l'histoire et par les raisonnements de la philosophie, notre siècle à respecter, à aimer, à saisir l'Évangile de paix qui se résume dans ces mots : Un monde qui se perd, un Dieu qui sauve ! Voilà l'œuvre de notre vie. Elle dépasse infiniment nos forces, nous ne le savons que trop; mais échouer dans une telle entreprise est encore un gain (X).

» Dans la première Partie, nous tentons de ramener à leur idée fondamentale et originaire les croyances, les légendes, les symboles, les mythes, les divinités et les principaux rites des peuples païens, anciens et modernes, sauvages et civilisés. Nous reconstruisons ainsi la religion du peuple Primitif, savoir sa théologie, sa doctrine des Intelligences célestes, sa cosmogonie, son système du monde et ses intuitions de la nature, ses traditions historiques en tant qu'elles ont fait partie de sa foi, ses vues sur la fin de l'homme et sur celle du monde, sa philosophie de l'histoire, qui, sous la forme des dynasties des dieux et des âges du monde, résumait toutes ses croyances, et enfin ses institutions ecclésiastiques et son culte.

» La seconde Partie contient, au point de vue historique, l'étude

(X) Nous donnons à ces paroles notre assentiment et le juste tribut d'éloges qu'elles méritent. Mais tout le monde remarquera ici une lacune. Pour conserver intact le Dieu de l'Évangile, et cet Évangile de paix, il faut une autorité qui interprète les interprétations particulières et ramène à l'unité les sens divers de chaque raison individuelle. Voilà pourquoi Jésus-Christ à établi son Église et c'est aussi pour cela qu'il n'y a de vérité possible que dans cette société. Loin d'elle il n'y a que le sens particulier, le sens païen, le sens sauvage; tout homme qui se sépare d'elle, refait dans sa personne l'histoire des peuples primitifs séparés de la tradition pure et entière, conservée chez le peuple juif. A. B.

spéciale des traditions humanitaires des Hébreux, des Chaldéens, des Phéniciens, des Égyptiens, des Chinois, des Hindous et des Perses, des Phrygiens et des Grecs. Le mythe de Bacchus et celui d'Hercule, qui sont, à deux points de vue différents, un abrégé de l'histoire sainte des Grecs, attireront tout particulièrement notre attention.

>> Nous traiterons, dans une troisième Partie, qui sera bien moins volumineuse que les deux précédentes, de la langue, de l'écriture, de l'astronomie, du système métrique et des coutumes du peuple Primitif.

»De ces trois Parties celle qui est, à nos yeux, la plus importante, est la deuxième, parce que les traditions de chaque grande nation, au lieu d'y être dispersées dans cent chapitres différents, y sont, au contraire, groupées en un seul tableau, et qu'elles y sont étudiés dans leur ordre historique. Les premiers mythes qu'on interprète, forcent en quelque manière l'explication des mythes qui suivent immédiatement, et la chaîne des énigmes à résoudre se convertit en une chaîne de preuves qui se soutiennent les unes les autres. Aussi aurions-nous aimé à commencer la publication de cet ouvrage par l'Histoire; mais notre marche aurait été entravée à chaque pas par de longues discussions sur l'interprétation du langage symbolique que parlent les peuples anciens dans toutes leurs traditions. Il fallait donc que l'Histoire cédât le pas à la Religion, qui seule donne la clef de tous les symboles. La religion antique a d'ailleurs tiré des principaux événements de l'humanité Primitive une grande partie de ses croyances, de ses fêtes, de ses emblèmes, et il y avait pour nous plus d'un avantage à présenter d'abord notre système d'interprétation dans son ensemble, avant d'en poursuivre l'application dans les détails des mythologies 'nationales. >>

FRÉDÉRIC DE ROUGEMONT.

Et maintenant, que l'on compare cette doctrine sur l'origine du dogme et de la morale parmi les hommes, avec celle de la Civiltà cattolica qui dit: Il est faux que la parole soit nécessaire pour le premier développement des idées religieuses et morales;

Avec celle du P. Gratry, qui dit que l'homme possède naturellement un sens divin par lequel il arrive à la connaissance de Dieu;

Avec celle de tous les Malebranchistes et de tous les Rationalistes qui proclament que l'homme apprend les connaissances dogmatiques et morales, enseignées en philosophie, par les idées innées, par une intuition directe ou indirecte de Dieu, etc.

Que nos lecteurs comparent, à présent, la valeur et les preuves des deux méthodes.

A. BONNETTY.

Archéologie chrétienne.

DÉCOUVERTE DE LA BASILIQUE ET DU TOMBEAU

DE SAINT ALEXANDRE Ier, PAPE,

MORT EN 117 ou 119.

Au moment où se fait de plus en plus sentir, parmi les chrétiens, la nécessité de l'autorité des Pontifes romains pour conserver la pureté et l'unité des doctrines, on voit en même tems se développer et se prouver de plus en plus leur histoire. Il y a à peine un an nous racontions la découverte du corps et du tombeau de S. Corneille, pape en 251, et de S. Eusèbe, pape en 310, et nous en donnions les inscriptions authentiques1. Voilà qu'aujourd'hui nous avons à annoncer la découverte de la basilique et du tombeau d'un pape plus ancien encore, de S. Alexandre, 6 pape après S. Pierre, mort en 117. En voici le détail que nous empruntons à un rapport de M. le chevalier Visconti publié dans les numéros 289 et 290 du Journal de Rome, et dans le numéro du 20 janvier dernier (t. Ix, p. 238), de la Civiltà cattolica.

Un des lieux les plus vénérés de Rome jusqu'au 9e siècle fut le tombeau du Pape S. Alexandre, et ceux de S. Evence et de S. Théodule, qui souffrirent le martyre avec lui. La trace de ce tombeau se perdit avec le tems. Quand le savant Bosio publia le fameux ouvrage qui tira tant de monuments vénérables de leurs ruines, et qui fit renaître aux yeux de l'Europe catholique étonnée la Rome souterraine presque inconnue, et une partie de la Rome du moyen âge, il plaça lui-même le tombeau du glorieux Pontife sur la voie Nomentane, à deux milles de Rome, au delà du terrain de SainteAgathe in Petra aurea; il ne tint pas compte du témoignage d'Anastase le Bibliothécaire 2, des actes des martyrs, où la piété d'une illustre dame romaine, du nom de Severina, envers les précieuses dépouilles des confesseurs de la foi, est attestée dans des termes

1 Voir le numéro de février 1854 dans notre tome 1x, p. 104 et 107. 2 Voir le texte d'Anastase et, dans les notes, les divers textes des actes de ces martyrs, dans l'édition de Migne, t. 127, p, 1147 de sa Patrologie.

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