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» d'autrui? .....Cette réciprocité constante du droit et du devoir » implique la notion de l'obligation; elle n'en diffère pas. Dire » que la notion du droit ne va pas sans la notion du devoir, c'est » dire que je me sais obligé par le droit d'autrui, et que je sens >> en même tems que mon droit oblige autrui. Je ne fais pas du >> droit ce que je veux... J'ai mes autres idées à ma merci,... celle» ci ne me quitte point; elle ne dépend pas de moi; elle est en » moi, que je le veille ou que j'y résiste, et elle y reste.... Get » hôte intérieur est un maître, et si je ne le subis pas tel qu'il est, » je comprends aussitôt que je ne suis plus qu'un révolté. Or, » cette chose que j'appelle non pas mon droit, mais le Droit, et >> non pas seulement le Droit, mais le Droit et le Devoir, c'est la >> Justice 1. »

Je ne parle pas de cette définition du devoir l'obligation de respecter le droit d'autrui. Nous ne savons ce qu'on pensera, dans le monde philosophique, de cette nouveauté. On pourra l'accuser de réduire toutes les vertus à une seule, la justice, et d'engloutir tous les devoirs dans ceux que nous prescrit cette vertu, et ce ne sera pas à tort. On pourra peut-être y voir un germe de Socialisme, et la conjecture sera fondée. Mais nous allons retrouver cette définition plus tard. Arrêtons-nous, pour le moment, aux dernières paroles de M. Simon : le droit et le devoir, c'est la justice. Et où en est la preuve ? Où est-elle dans le passage cité ? Le droit implique le devoir, qui le nie? Le devoir implique l'obligation, qui le nie encore? Mais qu'est-ce que cela prouve? Que la justice est obligatoire? Tout le monde en convient. Que le droit et le devoir, c'est la justice? Pas le moins du monde : le devoir déborde le droit et la justice; il s'étend bien au delà des règles de la justice et du droit. Car si tout droit implique un devoir, tout devoir n'implique pas un droit correspondant; il y a d'autres vertus que la justice, et d'autres devoirs que ceux qu'elle prescrit.

Quand il y aurait identité entre ces trois termes, droit, devoir et justice, que s'ensuivrait-il encore, M. Simon? Que la justice étant synonyme du devoir, serait obligatoire par elle-même ? Non; car le devoir ne se suffit pas à lui-même il faut savoir d'où il 1 Le Devoir, p. 253 et 254.

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vient. Il faudrait donc se demander d'où vient que la justice est obligatoire. Au lieu de cela, que faites-vous? Rien de ce qui pourrait prouver votre thèse; vous nous décrivez longuement le caractère obligatoire de la justice que personne ne conteste, quand vous devriez nous en donner et l'origine et la raison. Vous oubliez donc qu'il s'agit du fondement de la morale, c'est-à-dire du fondement du droit, du devoir et de la justice, Vous oubliez donc que vous avez dit : « L'idée de la justice est l'unique fondement » de la science morale. » Vous oubliez que vous devez prouver qu'elle suffit à elle seule pour fonder la morale et créer l'obligation. Eh quoi! M. Simon, nous promenerez-vous jusqu'aux dernières lignes de votre livre sans nous donner de preuves? Et oserez-vous bien, après toutes ces assertions gratuites tirer la conclusion suivante: «Reconnaissons donc dans l'idée de la justice » une idée qui naît nécessairement dans tous les esprits; qui em» porte avec elle l'idée d'obligation et de SOUVERAINETÉ 1 .....» En vérité, il faut avoir bien compté sur la bienveillance de ses lecteurs, ou sur leur légèreté, pour prendre de pareilles hardiesses avec eux, surtout dans un ouvrage philosophique, composé, diton, pour opposer une digue au scepticisme qui nous envahit. Belle et forte digue, en vérité? et capable d'arrêter le torrent!

2o M. Simon n'a donc pas prouvé la première partie de sa thèse, savoir que l'idée de la justice est obligatoire, et obligatoire d'ellemême. A-t-il prouvé la seconde, où il prétend qu'elle l'est seule : « L'idée de la justice est l'unique fondement de la science mo» rale? » Il ne l'a pas même essayé. Il aura cru sans doute qu'il lui suffisait d'avoir prouvé qu'elle nous apparaît invinciblement obligatoire, et que cette assertion une fois établie, sa thèse était prouvée. Mais c'est une illusion. On peut accorder à M. Simon que l'idée de la justice est obligatoire par elle-même, sans qu'il en puisse conclure qu'elle est l'unique fondement de la morale. En prouvant qu'elle est obligatoire, il la sépare bien des autres idées de la raison qui n'ont aucun rapport avec l'ordre moral; mais il ne la sépare pas des autres idées morales, telles que l'idée du Bien,

1 Le Devoir, p. 256.

l'idée d'Ordre, l'idée du Vrai, l'idée de la Charité, etc., qu'il n'ignore pas avoir été érigées par certains philosophes en règle morale. Et, certes, à aussi bon droit que M. Simon; car s'il suffit d'être pour l'homme la source de devoirs moraux, ou pour parler le langage inexact de M. Simon, d'être obligatoire, pour avoir droit à se voir proclamer fondement de la morale, toutes ces idées que nous venons de citer peuvent prétendre, au même titre que la justice, à cet honneur. Le Bien n'est-il pas obligatoire? ou du moins, ne l'est-il pas souvent? L'Ordre n'est-il pas obligatoire ? Le Vrai, obligatoire; la Charité, l'amour de Dieu obligatoires, les conventions, les lois humaines, l'intérêt même, en certaines limites, obligatoires? Voilà donc autant de fondements différents pour la morale. Pourquoi donc M. Simon a-t-il répudié tous ces éléments ? Pourquoi n'a-t-il pas, fidèle au drapeau de l'Éclectisme, uni et fondu en un système toutes ces idées diverses, puisque toutes ont le caractère qui a suffi à M. Simon pour arrêter son choix sur la justice? C'est peut-être qu'elle seule est absolue, et absolument obligatoire, tandis que les autres ne sont pas toujours obligatoires? Pourquoi ne pas le dire alors? C'est peut-être que la justice contient tous ces éléments? Nous l'allons voir tout à l'heure; et du reste M. Simona eu tort de garder sur les motifs de sa préférence un silence blàmable, et qui nous autorise à dire qu'il n'a pas donné l'ombre d'une preuve de la thèse qu'il s'était posée; car tous les développements de M. Simon se réduisent à cette affirmation laconique le devoir c'est la justice. Le croira qui voudra; surtout le prouvera qui pourra.

L'abbé A. BIDARD.

Traditions anciennes,

DÉCOUVERTE ET EXPLORATION

DU

SERAPEUM, TEMPLE DU DIEU APIS

ET TRANSPORT A PARIS D'UN GRAND NOMBRE D'ORNEMENTS de ce temple, ET MÊME DES OSSEMENTS DE Ce dieu.

Les abonnés des Annales ont déjà eu quelques détails sur la destruction du Serapeum et sur les discussions que fit naître la forme de croix (la croix ansée égyptienne), que l'on trouva dans ses fondements 1. C'est en l'année 389, par l'ordre des empereurs Valentinien et Théodose, que ce temple fut détruit. On peut en voir les détails dans Rufin, Socrate et dans le païen Eunape de Sardes, que Baronius a réunis dans son Histoire ecclésiastique. Maintenant que les restes de ce temple viennent d'être découverts, et qu'un grand nombre de monumens qui s'y trouvaient encore sont arrivés à Paris, les lecteurs des Annales seront bien aises d'en connaître les circonstances, en attendant que nous leur donnions la liste de ces vieilles reliques païennes qui pourront avoir quelque importance.

Nous n'ajouterons qu'une chose, c'est que quelques auteurs ont prétendu que Sérapis, le sauveur de l'Égypte, n'était autre chose que le Joseph de

notre Bible.

L'article de M. de Saulcy, que nous transcrivons ici, a été publié dans le Constitutionnel des 9 et 10 décembre dernier.

A. B.

Tout le monde à entendu parler vaguement des fouilles fructueuses, entreprises il y a quatre ans, au nom du gouvernement français, dans le Serapeum de Memphis. On sait et l'on répète que ces fouilles ont amené de merveilleuses découvertes; mais personne

1 Voir dans les Annales l'article intitulé: Du monogramme du Christ, et des signes de croix trouvés sur des monuments païens avant JésusChrist, t. 1, p. 191 (3a série).

jusqu'ici ne pourrait dire en quoi consistent ces découvertes. Estce donc qu'elles ne peuvent intéresser que le monde officiel des savans? Vraiment il n'en est rien. Qu'on prenne la peine de lire. ce qui va suivre, et l'on y trouvera d'étranges révélations touchant la vie et la civilisation de l'antique Egypte. Tant de gens parlent, à dire d'experts du présent et même de l'avenir, qu'il est bien permis de parler un peu du passé. Qui sait? peut-être quelquesuns de mes lecteurs y trouveront-ils plus de plaisir qu'ils n'en attendent. En tous cas, ils sont assurés de rencontrer la plus scrupuleuse exactitude dans l'exposé des faits, car ils m'ont été racontés avec la plus rare complaisance par le directeur des fouilles lui-même. Je suis donc en mesure d'offrir ici une sorte de procèsverbal capable d'intéresser les simples curieux, tout aussi bien que les érudits.

1. Mission de M. Mariette en Egypte pour rechercher les manuscrits coptes.

Aujourd'hui il n'est plus permis d'ignorer que la langue des Pharaons s'est conservée dans l'idiome copte, qui, bien qu'il ait, à ce qu'on croit, cessé d'être parlé par le vulgaire, est encore employé dans la liturgie de la race cople, race qui descend en droite ligne de l'ancienne nation égyptienne. Pour parvenir à pénétrer un peu avant dans la connaissance des écritures hiéroglyphiques dont les premiers déchiffremens ont été dus au génie de l'un de nos compatriotes (tout le monde a déjà nommé l'illustre Champollion), il est de la dernière importance de recueillir avec le plus grand zèle les textes coptes échappés au naufrage des siècles. Chacun, en effet, de ces textes, peut et doit infailliblement nous apporter de nouveaux élémens indispensables pour arriver à la solution du problème. Depuis bien des années déjà les érudits de toutes les nations avaient compris la valeur des conquêtes de ce genre, et les manuscrits coptes avaient été recherchés avec ardeur. Les couvens de la vallée des lacs de Natron, et notamment celui de Saint-Macaire, devaient infailliblement contenir des trésors de cette antique littérature. De nos jours lord Prudhoe, le premier, se mit en quête, accompagné d'un homme de cœur et de savoir, Linant-Bey, Français fixé depuis un grand nombre d'années en Egypte et toujours prêt à faire dignement à ses compatriotes les

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