Page images
PDF
EPUB

être ce Khabach? C'est jusqu'à présent un mystère, et je me bornerai à dire que MM. de Rougé et Mariette sont à peu près certains qu'il s'agit d'un personnage postérieur à Darius I". Peut-être est-ce un satrape ou vice-roi qui aura gouverné l'Egypte sous la dynastie des Achéménides. Les trois autres sarcophages portant des inscriptions, offrent les cartouches d'Amasis, de Cambyse (qui y serait attendu? et enfin d'un Ptolémée.

9. Découverte du nom de Cambyse.

Déposition au Louvre des ossements

du bœuf Apis qu'il frappa de son épée.

Depuis quelques années, Cambyse, que l'on avait regardé comme le profanateur obstiné de tous les sanctuaires de l'Égypte, Cambyse qui frappa de son épée le bœuf Apis que l'on intronisait à Memphis, a été réhabilité par M. Letronne d'abord, et ensuite par M. Ampère. Une statue naophore du musée du Vatican, déjà signalée par Champollion et dont une phrase importante fut expliquée par M. Ampère, nous apprend que Cambyse s'était fait initier, à Saïs, aux mystères du culte égyptien, et qu'il y avait en personne accompli les cérémonies du culte de la déesse Neith. Mais, sur cette statue, les cartouches nom et prénom ne se trouvaient pas accolés, et ceux qui persistaient à nier, timidement il est vrai, la découverte de Champollion, pouvaient, à la rigueur, exprimer quelques doutes sur les faits de l'histoire de Cambyse révélés par les textes hiéroglyphiques de la statue naophore. Aujourd'hui, cette ressource, déjà bien affaiblie par la traduction complète que M. de Rougé nous a donnée des textes de cette statue précieuse 1, leur est définitivement enlevée, car le sarcophage de la tombe d'Apis donne les cartouches nom et prénom de Cambyse très-régulièrement accolés. Le prénom choisi par Cambyse, se lisait bien réellement Ramesout, ainsi que l'avait annoncé M. de Rougé. C'est encore là une question tranchée par la découverte

1 L'explication des inscriptions de cette statue du Musée du Vatican a été donnée par M. de Rougé, dans les Annales, sous le titre : Explication d'une inscription prouvant que les anciens Égyptiens ont connu la génération du Fils de Dieu, ou Mémoire sur une statuette naophore, etc. T. I, p. 345 (4 série).

de M. Mariette. Puisque nous parlons de Cambyse, ajoutons un détail assez piquant. Le bœuf Apis qui fut frappé par ce monarque, à son retour de l'expédition d'Ethiopie, ne mourut pas de sa blessure, car il vécut encore huit années, et ne mourut qu'en l'an 4 de Darius. Quelques-uns de ses ossements ont été retrouvés dans le sarcophage que Darius leur avait consacré; M. Mariette les a recueillis, et ils seront exposés au Louvre.

10. Découverte de trois chambres complétement intactes. la momie d'un homme Apis.

--

Découverte de

Dans la partie la plus ancienne de la tombe d'Apis, de très-remarquables découvertes ont été dues à un accident qui date vraisemblablement de l'époque la plus recule. Voici ce dont il s'agit. En un point du souterrain, la roche, d'une nature plus friable qu'ailleurs, s'était écroulée, et, dans sa chute, elle avait écrasé trois chambres. Comme il n'était pas certain que tout eût péri lors de cet accident, dont la date était d'ailleurs inconnue, M. Mariette a pris le parti de détruire les roches éboulées par la mine, et il a ainsi trouvé trois chambres entièrement vierges de toute profanation. Par un hasard providentiel, l'éboulement, dans une des chambres, n'avait pas tout écrasé et avait laissé un certain espace intact. M. Mariette y trouva une momie humaine, dont la partie supérieure avait été respectée, tout le reste du corps ayant été broyé par la chute du plafond. Cette momie avait la face couverte d'un masque formé d'une feuille d'or, et elle portait au cou deux admirables chaînes en or d'un travail exquis, et dans lesquelles étaient enfilées des amulettes en quartz rouge, en feldspath et en serpentine. Sur la poitrine était placé un charmant épervier d'or aux ailes éployées. Autour de la momie, le sol était jonché de statuettes funéraires. Toutes les inscriptions de ce caveau sépulcral étaient du nom d'Osiris-Apis, exactement comme cela avait lieu lorsqu'il s'agissait d'un boeuf, et cependant ici le prétendu Osiris-Apis était un homme d'un âge avancé, à en juger par l'état de ses dents qui étaient usées! Etait-ce là un tombeau mystique d'Osiris? L'homme enterré sous ce nom avec tant de luxe, avait-il, par un concours de circonstances qu'il n'est pas possible d'apprécier, joué le rôle divin que jouait l'Apis lui-même, et,

[ocr errors]

comme l'Apis, arrivé au terme de la vie qui lui était permise, cet homme avait-il été noyé dans le Nil, pour recevoir ensuite les honneurs funèbres réservés à un dieu? Ce sont là des questions que j'aime mieux poser que résoudre. Hâtons-nous d'ajouter que, cette fois encore, les légendes dédicatoires sont toutes rédigées au nom du prince Scha-en-Djom, fils du grand Sésostris.

L'étude détaillée de l'enceinte intérieure du Serapeum a fait reconnaître à M. Mariette un assez grand nombre de chambres à l'usage des prêtres, et de petites chapelles particulières. Partout où il a cherché à vérifier le fait que lui avait fait entrevoir sa première trouvaille de figures en bronze, notre savant explorateur en a reconnu la justesse: ainsi toutes les murailles et les dallages mêmes bâtis dans l'enceinte sacrée, avaient été pour ainsi dire sanctifiés par la présence d'amas de divinités de bronze cachées dans les fondations.

Il est bon de faire observer que, dans toute l'étendue de l'enceinte sacrée, il ne s'est pas trouvé un seul mot écrit en grec. Le souterrain était donc resté exclusivement égyptien.

11. Découverte d'un temple grec d'Esculape. · Tradition encore vivante sur la tombe de Joseph. M. Mariette renonce avec regret à rechercher ce Autre tradition sur le lieu du Nil où Moise fut sauvé des

tombeau. eaux.

Lorsque les fouilles intérieures furent terminées, M. Mariette transporta ses ouvriers au commencement de l'allée de sphinx, et là il reconnut que l'endroit marqué par le docteur Lepsius, comme présentant une pyramide ensablée, contenait en réalité un temple grec, que certains papyrus grecs, de l'époque des Ptolémée, désignent sous le nom de temple d'Esculape. Coïncidence curieuse : les mêmes papyrus désignent en avant de ce temple un bois d'acacias épineux, et ce bois y existe toujours !

Lorsqu'il fallut mettre en ce point la main à l'œuvre, M. Mariette eut à combattre la répugnance la plus marquée de la part de ses ouvriers arabes. Ce lieu était connu d'eux sous le nom de Essign-Ioucef (la prison de Joseph), et ils lui expliquèrent qu'il ne leur était pas permis d'y fouiller pour la raison suivante : « Dans le tems passé, lui dirent-ils, un certain cheikh loucef

» Ibn-Yakoub (Joseph fils de Jacob), a été mis en prison dans cet >> endroit pour certaines affaires qu'il avait eues à Memphis. » Comme c'était un juste, sa prison a toujours été respectée de» puis, et les chrétiens surtout l'avaient en grande vénération. Ils » ont tracé des croix sur ses murs, croix que nos pères y ont vues » souvent. Sous terre, tu trouveras le tombeau du cheikh-loucef, >> au point où tu vois cet oualy, que nous avons construit en son >> honneur ; il n'est pas permis de troubler le repos d'un homme » de Dieu. »

Cette histoire était bien faite encore pour piquer la curiosité de M. Mariette. Il assembla donc les cheikhs de Sakkarah, et s'engagea devant eux à faire construire à ses frais un cénotaphe bien plus beau que celui qui était enterré, s'il parvenait à le découvrir. Malheureusement, il y avait, en ce point, de telles quantités de sable mouvant à écarter, que la fouille dut être abandonnée.

M. Mariette n'hésite pas à croire que la tradition qui lui fut transmise a quelque fondement; et, à ce sujet, il nous apprend que parmi les Arabes de Sakkarah, la tradition des faits bibliques est, pour ainsi dire, vivante, et aussi juste d'ordinaire que je l'ai trouvée moi-même parmi les Bédouins des déserts de la Judée et de l'Arabie Pétrée. Ainsi, dans les villages voisins du Caire, et placés sur les bords du fleuve, jeunes et vieux montrent le même point de la rive du Nil, comme étant celui où Moïse enfant fut trouvé sur les eaux. Tous encore désignent unanimement le village moderne de Besetein comme étant le lieu de rendez-vous que choisirent les juifs à leur sortie d'Égypte. Ce qui est certain, c'est qu'en ce point existe toujours un immense cimetière, lieu de rendez-vous des juis de nos teins. Besetein n'est qu'à une lieue du Caire, entre cette ville et Memphis, sur la rive orientale du Nil, et au pied de la chaîne du Mokattam.

F. DE SAULCY, membre de l'Institut.

PARIS. IMP. DE H. VRAYET DE SURCY ET ce, Rue de Sevres, 37.

DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE.

Numéro 64.

Avril 1855.

Origines chrétiennes.

LE PEUPLE PRIMITIF,

SA RELIGION, SON HISTOIRE ET SA CIVILISATION,

PAR FRÉDÉRIC DE ROUGEMONT ‘,

AVEC CETTE ÉPIGRAPHE :

Malgré la diversité des langues, il n'y a qu'une Tradition.

Etsi in mundo loquela dissimiles, virtus Traditionis una.

2o ARTICLE 1.

(TERTULLIEN.)

Dans notre précédent cahier, nous avons fait connaître l'ensemble majestueux de l'ouvrage de M. de Rougemont, et nous lui avons donné les éloges presque exclusifs qu'il mérite. Le plan, en effet, est magnifiqne, conçu avec une grande intelligence, et offrant le thème de toutes les améliorations à introduire dans l'enseignement de l'histoire. Quant à l'exécution, tout en reconnaissant l'excellence des travaux de l'auteur, nous devons à nos lecteurs de leur signaler deux défauts dans ce précieux ouvrage. Le premier c'est que M. de Rougemont appartient à la religion Protestante, sans que nous puissions dire laquelle; or, comme la tradition mène directement à l'Eglise catholique, M. de Rougemont a été forcé de prévenir le jugement direct de ses lecteurs, par des considérations et des remarques qui sont en opposition ouverte avec tout le reste de son livre et avec les faits. Il nous dira sans doute, qu'il n'a pu (ni voulu) renoncer à son Eglise en écrivant son livre. Oui, mais il pouvait bien ne parler en général que de la religion chrétienne,

1 Voir le 1er article au no précédent, ci-dessus p. 165.

Ive SÉRIE. TOME XI.

N° 64; 1855. (50° vol. de la coll.) 16

« PreviousContinue »