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COMPTE-RENDU A NOS ABONNÉS.

Nous croyons pouvoir dire, sans exagération et sans vanité, que peu de nos volumes ont renfermé des documents plus importants que ceux qui sont entrés dans ce 11° volume. Et, en effet, nous sommes assurés que nos abonnés auront remarqué, tout d'abord, les découvertes que M. l'abbé Brasseur de Bourbourg et M. de Rougemont nous ont communiquées sur le monde ancien.

M. l'abbé Brasseur vient de lever un nouveau coin de ce voile qui recouvre à peine l'histoire de toute la première origine et du développement successif de l'humanité. Jusqu'à ce jour, on n'avait eu nu soin de lever ce voile. L'esprit humain, imbu des fausses doctrines philosophiques Grecques et Indiennes, courbé sous le joug des méthodes Cartésiennes et Malebranchistes, plus rationalistes plus personnelles encore que celles des Grecs et des Indiens, n'avait cherché son histoire et son passé que dans lui-même; il avait même supprimé et caché toute la base historique qui fait le fond des principales doctrines de Platon et d'Aristote, Oh! honte, au lieu de ces belles paroles histoire, traditions, souvenirs, traces, les chrétiens avaient mis à la place: idées innées, conceptions, intuitions personnelles; c'est-à-dire que chaque homme se fesait un Dieu, une Humanité à son image, sans tenir nul compte de la réalité. Nos lecteurs savent que, malheureusement, il ya encore bien des professeurs et bien des écrivains catholiques qui tiennent le même langage. Mais tous leurs efforts sont vains. La vieille humanité se réveille; il s'est fait, depuis 50 ans, plus de découvertes sur l'histoire et les traditions des peuples, qu'il ne s'en était fait depuis la dispersion de Babel. On sait maintenant que si quelques faits bibliques ont été altérés, dénaturés, aucun ne s'est perdu entièrement; les nations les plus séparées, les peuples les plus sauvages ont conservé dans leurs hiéroglyphes, ou dans leurs souvenirs généalogiques, toutes les histoires principales de la Bible et de l'humanité. Voilà que M. l'abbé Brasseur, interrogeant avec soin et talent les archives des peuples américains, nous y montre en grand nombre de souvenirs authentiques et précieux. En vain l'ignorance, ou plutôt l'orgueil espagnol, a voulu étouffer à jamais la mémoire du peuple qu'il est allé subjuguer ; par une

providence miraculeuse, les principaux documents de cette vieille histoire du monde dit nouveau, ont été conservés; voilà les travaux du chan. Ordonnez retrouvés; voilà toute la théogonie des tzendales avec son Dieu unique, voilà l'homme formé de terre, l'Adam biblique ; voilà le Déluge et quelques détails nouveaux à ajouter à ce qui s'est passé pendant ce grand événement. On voit là des dates, des calculs difficiles à expliquer, à concilier, mais que la science europénne saura coordonner, sans nul doute. Comme nous l'avons dit, un grand travail se fait dans ce moment sur la langue et les hiéroglyphes mexicains. De même qu'on l'a fait pour l'Égypte, on l'éxécute en ce moment pour le Mexique; on fait des dictionnaires et des grammaires, dont nous parlerons dans les prochains cahiers, car nous avons encore trois lettres de M. l'abbé de Bourbourg, que nous reproduirons ou analyserons dans nos prochains cahiers. Ce sont les plus belles découvertes qui aient été faites dans les derniers tems, et elles doivent entrer de droit dans les Annales de philosophie, qui sont le recueil le plus complet de tout ce que les sciences humaines renferment de preuves et de découvertes en faveur du Christianisme, comme le porte leur titre même.

Après les travaux de M. de Bourbourg, il convient de placer ceux de M. de Richemont, qui en sont le complément et la conséquence. Car, outre les hommes laborieux qui s'attachent à un peuple, ou à une tradition, en suivent les généalogies et les ascendances jusqu'aux tems les plus reculés, il faut qu'il y ait encore des esprits qui, s'emparant de toutes les études isolées, les condensent, les élaborent et les offrent réunies dans un seul cadre. Or, c'est précisément ce qu'a fait M. de Rougemont. L'introduction que nous avons publiée dans notre cahier de mars est un des plus inagnifiques panoramas historiques de toute la vie de l'humanité. Bien aveugles sont ceux qui ne saisissent pas l'immense avantage qu'il y a à offrir cet ensemble aux élèves qui apprennent l'histoire, plutôt que de leur faire étudier les histoires spéciales de la Grèce et de Rome qui embrouillent plutôt et faussent les idées des enfants sur l'histoire de l'humanité. Nous avons fait quelques critiques de cet ouvrage, mais cela ne doit nullement nous empêcher d'en reconnaître la grande utilité, et nous regrettons qu'aucun prêtre, aucun professeur, aucun écrivain catholique, n'entre dans la même voie.

Comme explication et comme complément de ces deux auteurs, nous devons signaler les notes que M. de Paravey y a ajoutées; il y a toujours à apprendre quelque chose dans les articles de M. de Paravey, et ses travaux méritent toujours l'attention et les réflexions des vrais savants.

- C'est aussi vers le même but, quoique atteignant une époque moins éloignée, que se rapportent les travaux par lesquels M. de Sauley nous a fait connaître les curieuses découvertes faites en Egypte dans le fameux Serapéum, centre du culte du Dieu Apis. L'Egypte tient à la Bible par des liens très-étroits; Misraim était petit fils de Noé; la civilisation de ce pays touche au déluge et aux premiers patriarches; longtems des savants anti-bibliques l'ont fait parler contre la Bible. Mais en vain ces arabes ont levé la main contre leurs frères; Ismaël est fils d'Abraham, le père des croyants; tout ce qu'il peut dire ne peut qu'attester l'existence de son père qui est le nôtre. Aussi, la vraie science, la vraie chronologie, la vraie histoire de l'Egypte, ne peuvent être que conformes à la Bible. Tout monument que l'on a prétendu faire parler contre la Bible, s'est trouvé menteur jusqu'à ce jour, et il en sera de même à l'avenir. Et ce sont les savants incrédules eux-mêmes qui nous rendent le service de se démolir les uns les autres. Regardons-les agir.

Tels sont les travaux d'érudition proprement dite; on voit que les Annales ne manquent pas à leur mission qui est celle de faire converger vers la confirmation de notre foi toutes les sciences; elles n'y manqueront pas plus dans la suite que par le passé, afin que leurs lecteurs puissent dire d'elles ce que le psalmiste dit de la beauté israëlite qui enlève les depouilles de l'ennemi : Et spcciei domûs dividere spolia.

Mais dans ce siècle raisonneur, éclectique, rationaliste, illuminé, il est un danger signalé spécialement par les Pères du concile d'Amiens, et plus spécialement par Celui qui est placé par Dieu lui-même pour spéculateur dans la maison d'Israël, afin de signaler à tous les périls imminents, et d'en indiquer les remèdes. Ce danger, ce sont les doctrines philosophiques qui ont cours dans nos écoles et dans nos livres, c'est le RATIONALISME, en un mot. De là un devoir imposé aux Annales ainsi qu'à tous les recueils 1 Psau., LXVII, 13.

philosophiques, celui de chercher et de poursuivre cet ennemi patent et déclaré. Cette doctrine est trop répandue et a envahi trop d'esprits pour qu'elle ne soit pas, de manière ou d'autre, entrée dans notre camp, comme un ennemi perfide, et c'est ce que s'efforcent de signaler les Annales.

Dans ce volume, nos abonnés auront distingué les articles de M. l'abbé Bidard sur le livre du Devoir, de M. Jules Simon. Nous avons choisi ce livre et lui avons consacré cinq articles pour deux raisons: la première parce que c'est à peu près, en ce moment, le drapeau rationaliste le plus apparent. celui qui, à ce titre, a été couronné par l'Académie et exalté par tous les échos rationalistes; la deuxième, parce que c'est ce même livre, critiqué par le savant évêque de Poitiers, qu'une revue catholique, le Correspondant, est venue recommander à ses catholiques lecteurs, comme offrant une morale très-pure et tout à fait chrétienne'. Cela est déplorable.

M. l'abbé Bidard est du nombre de ces jeunes prêtres qui ont puisé dans leurs études théologiques plus de théologie que de philosophie. Il a prouvé clair comme le jour que les principes mêmes sur lesquels s'appuie le livre du Devoir sont (peutêtre à l'insu de son auteur) essentiellement antichrétiens; ce serait la destruction même de la révélation chrétienne, la suppression non-seulement de notre Église. qui serait inutile, mais encore de notre Dieu, puisque nous pourrions, suns son enseignement extérieur, nous créer un code de morale, et par conséquent un symbole. En émettant une assertion aussi anti-catholique, et en publiant les articles, où il a laissé attaquer, sans les nommer, sans indiquer scrupuleusement les volumes et les pages, où il a laissé attaquer, dis-je, les évêques et les auteurs catholiques, qu'il a voulu flétrir du nom de traditionalistes, le Correspondant a jeté la division dans le camp des apologistes catholiques, tous unis jusqu'à ce moment. Il a augmenté cette division et donné la main aux philosophes éclectiques, en essayant de ternir dans ses pages la gloire toute chrétienne des de Maistre et des de Bonald.

On assure en ce moment que des directeurs nouveaux vont prendre la responsabilité du Correspondant, qui chancelle sur ses 1 Voir le 1er article, ci-dessus. p. 63.

bases essentielles. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de ces changements, s'ils ont licu.

Les mêmes raisons qui ont rendu nécessaires les articles de M. l'abbé Bidard sur M. Jules Simon, nous ont dirigé, nous-même, dans notre polémique avec la Civiltà cattolica. Si jamais un écrivain a combattu à contre cœur un adversaire, c'est bien ce qui nous est arrivé à son égard, et à l'égard de son confrère, son prédécesseur et son guide, le P. Chastel. Mais qu'on le remarque bien, ces honorables écrivains n'avaient été ni provoqués, ni attaqués; ce sont eux qui, après avoir été protégés et défendus pendant 30 ans, par leurs apologistes catholiques, à peine, grâce à cette défense, sont-ils arrivés à prendre un peu de consistance, qu'ils se sont mis à attaquer les apologistes mêmes, et à vouloir ruiner les principes des de Maistre et des de Bonald, qui avaient donné une si grande prépondérance aux apologistes catholiques. Tandis que le chef des catholiques signale le Rationalisme comme le fléau de l'Eglise et de l'Etat, eux s'égosillent à signaler le Traditionalisme à l'animadversion générale, à la grande satisfaction de tous les Rationalistes, dont ils partagent et propagent les doctrines, presque mot à mot. Nous espérons avoir mis cette vérité dans tout son jour, en mettant sous les yeux de nos lecteurs les programmes et les leçons de M. Cousin, à côté des doctrines de la Civiltà cattolica. Nous avons cité aussi de longs extraits des conciles, des Pères et des souverains pontifes. Tout cela a été fait avec loyauté et vérité. La Civiltà et le P. Chastel attaquent sans citer, sans vouloir admettre de réponse. Pour nous, nous avons publié en entier la malheureuse dissertation où elle nous veut prouver que la parole n'est pas nécessaire pour le premier développement des idées religieuses et morales.

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Nos lecteurs sont en état de prononcer par eux-mêmes; qu'ils jugent entre nos adversaires et nous.

Nous n'avons pas besoin de rappeler ici longuement les trois articles que nous avons consacrés dans ce volume à Santeul, ou plutôt aux hymnes des Bréviaires de Rome, de Paris et de Cluny. De nombreuses lettres nous ont remercié de ces recherches qui n'avaient jamais été faites d'une manière aussi complète et qui don

Voir l'allocution du 9 décembre dans notre tome x, p. 493.

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