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Regina cœli lætare
Salve, regina

S. Grégoire 1.

Pier, de Compostel ".

Complies

id.

Tel est le Bréviaire romain, telles en sont les hymnes; on voit comment il nous offrait une suite non interrompue de cantiques depuis les plus anciens Pères jusqu'aux docteurs les plus savans et les plus vénérés du moyen âge. M. Jullien a assez prouvé que s'ils manquaient quelquefois au mètre, c'est que nos docteurs avaient préféré le chant à la quantité, dans une chose qui devait être chantée, non mesurée. Pour les harmonies du chant, il y en avait qui étaient tellement magnifiques, que les novateurs même avaient été obligés de les admettre, malgré les défauts du mètre, dans leurs bréviaires.

Dans le prochain cahier, nous donnerons les hymnes des Bréviaires de Harlay et de Cluny.

A. BONNETTY.

1 Chantée par les anges, d'après une tradition antique rapportée par Sigonius (Regn. Itali., 1. 11), par Canisius (de B. Virg. l. ult., c. 22), Navarrus (De orat. c. 19) dit que ce fut à Roncavalle; par Durand, l. vi, c. 89. S. Grégoire aurait ajouté : ora pro nobis Deum, etc.

2 D'après Durand (Ration., 1. IV, pap. 22); Herman Contract, d'après Trithemius (De viris illus. Bened., 1. 11, c. 84). S. Bernard y a ajouté : O Clemens, a pia, o dulcis virgo Maria (Chron. Spiren., 1. xII).

Polémique philosophique.

EXAMEN DU LIVRE INTITULÉ
LE DEVOIR

PAR M. JULES SIMON,

ANCIEN MAÎTRE DES CONFÉRENCES DE Philosophie à l'École normale.

Dans sa séance du 24 août 1854, l'Académie française décerna ex æquo un prix de 3,000 fr. à l'ouvrage du P. Gratry: De la connaissance de Dieu (2 vol. in-8°); et à celui de M. Simon : Du devoir (vol. in-8°). L'ouvrage de M.Simon avait paru en 1853, et une 2e édition en avait été faite in-12 en 1854. « La liste définitive des ouvrages couronnés, dit une Revue, est le pro>> duit d'une transaction laborieuse, et nous offre avec des noms étonnés de se » trouver ensemble, une image fidèle des divisions de notre siècle et de l'an>> tagonisme des esprits 1. » Un des prélats les plus distingués de notre France qualifiait ainsi cette œuvre de transaction:

<«< D'illustres assemblées, satisfaites d'elles-mêmes, pourvu qu'elles aient >> laissé poindre leur opposition aux pouvoirs terrestres, s'appliquent à ob» server d'ailleurs la neutralité entre le parti de Dieu et le parti du mal; par » de soigneuses combinaisons, retenues d'un régime malheureux que Dieu a » châtié de son fouet vengeur, on trouve le correctif diligemment placé à côté >> de tout suffrage dont pourrait s'effaroucher l'impiété ; la philosophie chré» tienne, qui montre de son doigt le chemin du ciel, reçoit la couronne ex » æquo avec la morale naturaliste, qui n'aboutit qu'à ces vertus dont l'enfer » est plein 2. »

Ce jugement, qui est un avertissement pour tous les professeurs et tous les livres qui enseignent la morale naturaliste d'Aristote ou de M. Jules Simon n'a pas eu l'adhésion d'uu journal catholique. Le directeur du Correspondant, M. Lenormant, exprime ainsi son opinion sur Mgr Pie et sur l'œuvre de M. Simon:

Mais ce qu'il y a de déplorable, et ce qui nous décide surtout à parler, » c'est l'erreur que Mgr de Poitiers a commise quand il a dit que le P. Gra» try et M. Jules Simon avaient été couronnés ex æquo. Est-ce parce qu'on » leur a attribué la même somme? Mais l'honneur des couronnes académiques » ne se mesure pas à l'argent, ce me semble; et la prééminence accordée à

1 Revue de l'Inst. publique, 1854, no 22, p. 336.

2 Mandement de Mgr l'évêque de Poitiers dans l'Univers du 1854.

>> l'ouvrage du P. Gratry a été proclamée d'une manière trop évidente pour » qu'il puisse exister à cet égard la moindre équivoque. Disons-le comme >> nous le pensons, l'Académie a fait ce qu'elle devait faire; elle a manifesté › hautement sa préférence pour une philosophie appuyée sur la religion, et >> elle a récompensé dans M. Jules Simon une morale très-pure et tout à » fait chrétienne. La morale cesserait-elle d'être bonne parce qu'il lui man» que la base de la foi? Je ne puis, sous ce rapport, que m'en référer à » l'excellent article que M. de Fontette nous a donné, dans le Correspondant, » sur le Devoir de M. Jules Simon 1.»>

On voit comment des écrivains catholiques appellent tout à fait chrétienne une morale à laquelle manque la base de la foi, et comment ils se felicitent de ce que l'Académie a décerné une double couronne en cette circonstance. Que faut-il penser de cette ovation publique et des deux ouvrages qui en ont été l'objet ?

Les Annales donneront une autre fois leur pensée sur le livre du P. Gratry; mais avant il est nécessaire de faire connaître celui de M. Simon.

Je ne sais si au milieu des divisions qui existent en ce moment, et qui ont pris des proportions vraiment alarmantes, il est possible aux Annales de faire entendre leur opinion sur le livre d'un adversaire. Nous en doutons, et cependant nous croyons encore qu'un ami de la vérité, un vrai philosophe, aime toujours entendre un jugement raisonné et impartial porté sur son œuvre, et nous croyons M. Jules Simon vraiment philosophe. C'est pour cela que nous admettons dans nos Annales l'analyse qu'un prêtre estimé, M. l'abbé Bidard, a faite de son livre. Nous espérons qu'amis et ennemis apprécieront la sagesse et la sagacité de cette œuvre. M. l'abbé Bidard est du nombre de ces prêtres qui, dévoués de cœur et d'âme à la vérité, au christianisme et à la vraie philosophie, cherchent à dégager celle-ci des bandelettes dont l'ont entourée les maîtres païens qu'elle a eus et qu'elle a souvent encore, pour la replacer dans toute sa force et toute sa beauté, qui est sa concordance avec les dogmes révélés, seule base solide et obligatoire de la morale. Il ne se laisse pas éblouir par des conséquences apparentes, lorsque les prémisses restent indécises ou fausses. Tout cela étant joint à un raisonnement serré et à une politesse qui ne se dément jamais, trouvera grâce, nous l'espérons, auprès des vrais philosophes; quant à ceux des deux partis qui crient: Paix! paix! là où il n'y a pas de paix, et qui croient se débarrasser de l'erreur en lui prêtant la joue à baiser, ils peuvent se dispenser de lire ce travail, car il tend à prouver qu'il n'y a pas de paix encore; mais si à la place de la paix nous pouvons montrer quels sont les principes qui nous séparent, nous croirons avoir posé les préliminaires de cette paix tant désirable. A. B.

'Le Correspondant du 25 novembre 1854, t. xxxv, p. 305.

PREMIER ARTICLE.

Un de nos publicistes les plus distingués a dit, il y a quelques années, de l'Eclectisme et de l'Université, ces paroles remarquables « Depuis vingt ans que le vent sec et brûlant de l'Éclec» tisme a passé sur l'Université, elle languit. Ses fleurs pâlissent » et ses fruits se dessèchent dans leur germe, avant la maturité. » La génération actuelle des esprits n'a plus d'ailes ni de souffle. » Nos jeunes lettrés sont tous poussifs; ils hennissent, font un pas » et tombent. Nous n'avons pas d'hommes, pas même l'espérance >> d'un homme ! La philosophie éclectique a produit ce qu'elle » avait semné, le néant 1. »

Voilà, certes, un jugement bien sévère, bien autrement sévère que les réclamations de nos évêques, dont on était pourtant alors fort scandalisé. Mais, en vérité, il faut en convenir, ces sévères paroles n'étaient à cette époque que l'expression exacte, quoique énergique de la vérité. Qu'avaient alors produit nos éclectiques? quelle œuvre tant soit peu sérieuse était sortie de cet atelier brûlant appelé l'Université? On nous avait donné force Cours et Manuels, Mémoires et Mélanges posthumes et non posthumes, Fragments et Programmes, Etudes et Leçons sans nombre, quelques Essais historiques et physiologiques; mais ce que l'on demandait avant tout à l'Eclectisme, un ouvrage sérieux, formulant avec précision et netteté le symbole dogmatique et moral de l'Ecole, on n'en avait pas même le soupçon. M. Cousin, ce grand rénovateur et réformateur de la philosophie, qui avait fait tant de fois espérer un ouvrage digne de son génie, où seraient posés et résolus les grands problèmes de la destinée humaine, s'était contenté de nous réimprimer ses Cours et ses Leçons; et, laissant à ses élèves le soin de continuer son œuvre, il s'était, nouvel Achille, retiré sous sa tente, non pas pour y dévorer son dépit, mais pour savourer les jouissances de la satisfaction, et les délices du pouvoir. Enfin, nous n'en étions encore qu'aux Études de quelques apprentis-professeurs qui avaient cru devoir faire confidence au public du chemin qu'ils avaient suivi pour arriver au terme si désiré de leur année scolaire, quand M. Jules Simon, ancien professeur agrégé ↑ L'éducation et l'enseignement, par Timon, 1847.

à la Faculté des Lettres de Paris, ancien maître des conférences de philosophie à l'École Normale, et déjà connu par une Histoire de l'Ecole d'Alexandrie, et des Études sur Platon et Aristote, avec quelques autres écrits, s'est décidé à publier sur la morale un ouvrage qu'il a intitulé le Devoir, et dans lequel il traite des fondements de la science morale, et des principales de nos obligations. Ce serait un peu le cas de rappeler le fameux enfin Malherbe vint du législateur du Parnasse français. Nous aimons mieux féliciter M. Simon d'avoir mis au jour le premier ouvrage sérieux qui soit sorti du sein de l'Éclectisme, et nous réjouir d'avoir enfin entre les mains un livre qui résume la partie la plus importante de la philosophie de cette école; on saura du moins ce que le monde en peut attendre pour les mœurs.

M. Simon a compris effectivement qu'il ne suffisait pas de parler ou d'écrire pour les écoliers, pas même pour les savants, mais qu'il faut s'occuper aussi des esprits éclairés qui se sentent attirés vers la philosophie sans en avoir fait leur étude, et qu'il leur manquait un résumé simple et clair des plus importantes notions de la Morale. C'est ce résumé qu'il a essayé de faire en écrivant son livre 1. Ainsi, c'est la vulgarisation de la morale éclectique que M. Jules Simon entreprend aujourd'hui auprès de ces mêmes esprits cultivés auxquels s'adressait Voltaire, quand il entreprit aussi de vulgariser l'incrédulité sous le nom de philosophie.

Nous aurions bien quelque chose à dire sur cette façon d'agir de nos philosophes, qui ne distribuent jamais la lumière qu'avec parcimonie, comme s'ils craignaient de voir s'éteindre un jour le foyer auquel ils l'empruntent. Il y aurait bien de sérieuses réflexions à faire sur cet ilotisme intellectuel où les philosophes prétendent retenir le malheureux et aveugle vulgaire ; car enfin ce ne sont pas les esprits éclairés qui ont le plus besoin de lumières, ce sont surtout et avant tout ceux qui ne le sont pas : Non egent qui sani sunt medico, sed qui male habent 2. Mais ceci nous éloignerait de notre but, qui est d'examiner le livre de M. Simnon avec

1 Le Devoir, Préface, p. J.

2 Luc v, 31.

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