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EPUB

DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE. Numéro 61. Jauoier 1855.

Eglise catholique.

PROCLAMATION SOLENNELLE

PAR S. S. LE PAPE PIE IX

DU DOGME DE

L'IMMACULÉE CONCEPTION

DE LA

BIENHEUREUSE VIERGE MARIE.

2o ARTICLE 1.

N° 11.

LETTRE APOSTOLIQUE DE S. S. PIE IX

CONTENANT LA DÉFINITION DOGMATIQUE DU DOgme de l'immacULÉE
CONCEPTION.

PIE, ÉVÊQUE, serviteur des serviteurs de Dieu, en mémoire
perpétuelle de la chose1.

Le Dieu ineffable dont les voies sont miséricorde et vérité, dont la volonté est toute-puissance, dont la sagesse atteint d'une extrémité jusqu'à l'autre avec une force souveraine et dispose tout avec une merveilleuse douceur, avait prévu de toute éternité la déplorable ruine en laquelle la transgression d'Adam devait entraîner tout le genre humain; et, dans les profonds secrets d'un dessein caché à tous les siècles, il avait résolu d'accomplir, dans

Ineffabilis Deus, cuius viae misericordia et veritas, cuius voluntas omnipotentia, et cuius sapientia attingit a fine usque ad finem fortiter et disponit omnia suaviter, cum ab omni aeternitate praeviderit luctuosissimam totius humani generis ruinam ex Adami transgressione derivandam, atque in mys1 Voir le cahier précédent. t. x, p. 463.

2 Cette traduction a été revue et approuvée à Rome même, par les personnes les plus compétentes.

un mystère encore plus profond, par l'incarnation du Verbe, le premier ouvrage de sa bonté, afin que l'homme, qui avait été poussé au péché par la malice et la ruse du démon, ne pérît pas, contrairement au dessein miséricordieux de son Créateur, et que la chute de notre nature, dans le premier Adam, fût réparée avec avantage dans le second. Il destina donc, dès le commencement et avant tons les siècles, à son Fils unique, la Mère de laquelle, s'étant incarné, il naîtrait dans la bienheureuse plénitude des tems; il la choisit, il lui marqua sa place dans l'ordre de ses desseins; il l'aima par-dessus toutes les créatures d'un tel amour de prédilection, qu'il mit en elle, d'une manière singulière, toutes ses plus grandes complaisances. C'est pourquoi, puisant dans les trésors de sa divinité, il la combla, bien plus que tous les esprits angéliques, bien plus que tous les saints, de l'abondance de toutes les grâces célestes, et l'enrichit avec une profusion merveilleuse, afin qu'elle fût toujours sans aucune tache, entièrement exempte de l'esclavage du péché, toute belle, toute parfaite et dans une telle plénitude d'innocence et de sainteté, qu'on ne peut, au-dessous de Dieu, en concevoir une plus grande, et que nulle autre pensée que celle de Dieu même ne peut en mesurer la grandeur. Et certes il convenait bien qu'il en fût ainsi; il convenait qu'elle resplendît toujours de l'éclat de la sainteté la plus parfaite, qu'elle

terio a saeculis abscondito primum suae bonitatis opus decreverit per Verbi incarnationem sacramento occultiore complere, ut contra misericors suum propositum homo diabolicae iniquitatis versutia actus in culpam non periret, et quod in primo Adamo casurum erat, in secundo felicius erigeretur, ab initio et ante saecula Unigenito Filio suo matrem, ex qua caro factus in beata temporum plenitudine nasceretur, elegit atque ordinavit, tantoque prae creaturis universis est prosequutus amore, ut in illa una sibi propensissima voluntate complacuerit. Quapropter illiam longe ante omnes Angelicos Spiritus,

cunctosque Sanctos caelestium omnium charismatu copia de thesauro divi

nitatis deprompta ita mirifice cumulavit, ut Ipsa ab omni prorsus peccati labe semper libera, ac tota pulchra et perfecta eam innocentiae et sanctitatis plenitudinem prae se ferret, qua maior sub Deo nullatenus intelligitur, et quam praeter Deum nemo assequi cogitando potest. Et quidem decebat omnino, ut perfectissimae sanctitatis splendoribus semper ornata fulgeret, ac vel ab ipsa

fût entièremént préservée, même de la tache du péché originel, et qu'elle remportât ainsi le plus complet triomphe sur l'ancien serpent, cette Mère si vénérable, Elle à qui Dieu le Père avait résolu de donner son Fils unique, Celui qu'il engendre de son sein, qui lui est égal en toutes choses et qu'il aime comme luimême, et de le lui donner de telle manière qu'il fût naturellement un même unique et commun Fils de Dieu et de la Vierge; Elle que le Fils de Dieu lui-même avait choisie pour en faire substantiellement sa Mère; Elle enfin, dans le sein de laquelle le SaintEsprit avait voulu que, par son opération divine, fût conçu et naquit Celui dont il procède lui-même.

Cette innocence originelle de l'auguste Vierge, si parfaitement en rapport avec son admirable sainteté et avec sa dignité suréminente de Mère de Dieu, l'Eglise catholique, qui, toujours enseignée par l'Esprit-Saint, est la colonne et le fondement de la vérité, l'a toujours possédée comme une doctrine reçue de Dieu même et renfermée dans le dépôt de la révélation céleste. Aussi, par l'exposition de toutes les preuves qui la démontrent, comme par les faits les plus illustres, elle n'a jamais cessé de la développer, de la proposer, de la favoriser chaque jour davantage. C'est cette doctrine, déjà si florissante dès les tems les plus anciens, et si profondément enracinée dans l'esprit des fidèles, et

originalis culpae labe plane immunis amplissimum de antiquo serpente triumphum referret tam venerabilis mater, cui Deus Pater unicum Filium suum, quem de corde suo aequalem sibi genitum tamquam seipsum diligit, ita dare disposuit, ut naturaliter esset unus idemque communis Dei Patris, et Virginis Filius, et quam ipse Filius substantialiter facere sibi matrem elegit, et de qua Spiritus Sanctus voluit, et operatus est, ut conciperetur et nasceretur ille, de quo ipse procedit.

Quam originalem augustae Virginis innocentiam cum admirabili eiusdem sanctitate, praecelsaque Dei Matris dignitate omnino cohaerentem catholica Ecclesia, quae a Sancto semper edocta Spiritu columna est ac firmamentum veritatis, tanquam doctrinam possidens divinitus acceptam, et caelestis revelationis deposito comprehensam multiplici continenter ratione, splendidisque factis magis in dies explicare, proponere, ac fovere nunquam destitit. Hanc enim doctrinam ab antiquissimis temporibus vigentem, ac fidelium animis

propagée d'une manière si merveilleuse dans tout le monde catholique par les soins et le zèle des saints Evêques, sur laquelle l'Eglise elle-même a manifesté son sentiment d'une manière si significative, lorsqu'elle n'a point hésité à proposer au culte et à la vénération publique des fidèles la Conception de la Vierge. Par ce fait éclatant, elle montrait bien que la Conception de la Vierge devait être honorée comme une conception admirable, singulièrement pri vilégiée, différente de celle des autres hommes, tout à fait à part et tout à fait sainte, puisque l'Eglise ne célèbre de fêtes qu'en l'honneur de ce qui est saint. C'est pour la même raison, qu'empruntant les termes mêmes dans lesquels les divines Écritures parlent de la sagesse incréée et représentent son origine éternelle, elle a continué de les employer dans les offices ecclésiastiques et dans la liturgie sacrée, et de les appliquer aux commencements mêmes de la Vierge; commencements mystérieux, que Dieu avait prévus et arrêtés dans un seul et même décret, avec l'Incarnation de la Sagesse divine.

Mais encore que toutes ces choses connues, pratiquées en tous lieux par les fidèles, témoignent assez quel zèle l'Eglise romaine, qui est la Mère et la Maîtresse de toutes les Eglises, a montré pour cette doctrine de l'Immaculée Conception de la Vierge; toutefois, il est digne et très-convenable de rappeler en détail les grands actes penitus insitam, et Sacrorum Antistitum curis studiisque per catholicum orbem mirifice propagatam ipsa Ecclesia luculentissime significavit, cum eiusdem Virginis Conceptionem publico fidelium cultui ac venerationi proponere non dubitavit. Quo illustri quidem facto ipsius Virginis Conceptionem veluti singularem, miram, et a reliquorum hominum primordiis longissime secretam, et omnino sanctam colendam exhibuit, cum Ecclesia nonnisi de Sanctis dies festos concelebret. Atque iccirco vel ipsissima verba, quibus divinae Scripturae de increata Sapientia loquuntur, eiusque sempiternas origines repraesentant, consuevit tum in ecclesiasticis officiis, tum in sacrosancta Liturgia adhibere, et ad illius Virginis primordia transferre, quae uno eodemque decreto cum Divinae Sapientiae incarnatione fuerant praestituta.

Quamvis autem haec omnia penes fideles ubique prope recepta ostendant, quo studio eiusmodi de Immaculata Virginis Conceptione doctrinam ipsa `quoque Romana Ecclesia omnium Ecclesiarum mater et magistra fuerit prosequuta, tamen illustria huius Ecclesiae facta digna plane sunt, quae nomi

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