Page images
PDF
EPUB

temporains, ne manifestera plus envers vous que le sentiment de l'estime, de l'admiration et de la reconnaissance, qu'en secret même aujourd'hui les hommes justes et éclairés de cette nation ne refusent pas à Votre Majesté.

» Le Sénat va entendre avec reconnaissance la communication des actes constitutionnels qui ont fondé le royaume

d'Italie. »

(M. Marescalchi fait lecture du statut constitutionnel délibéré le 17 mars par la Consulte d'état, et portant « 1° que Napoléon est roi » d'Italie; 2o que la couronne est héréditaire dans sa descendance » directe et légitime, soit naturelle, soit adoptive, de mâle en » mâle, à l'exclusion perpétuelle des femmes, etc.; 3° qu'au » moment où les armées étrangères auront évacué l'état de Naples, » les îles Ioniennes et l'ile de Malte, l'empereur Napoléon trans» mettra la couronne à un de ses enfans mâles légitimes, soit naturel, » soit adoptif; 4° qu'à dater de cette époque la couronne d'Italie >> ne pourra plus être réunie à la couronne de France sur la même » tête, etc., etc. » — Sont ensuite appelés au serment d'obéissance aux constitutions et de fidélité au roi, qu'ils prêtent devant Sa Majesté, le vice-président, les membres de la Consulte et les députés de la république italienne, etc. Le serment prêté, l'empereur et roi prend la parole. )

DISCOURS de l'empereur et roi.

« Sénateurs, nous avons voulu dans cette circonstance nous rendre au milieu de vous pour vous faire connaître, sur un des objets les plus importans de l'Etat, notre pensée tout entière. "La force et la puissance de l'Empire français sont surpassées par la modération qui préside à toutes nos transactions politiques.

» Nous avons conquis la Hollande, les trois parts de l'Allemagne, la Suisse, l'Italie tout entière: nous avons été modérés au milieu de la plus grande prospérité. De tant de provinces, nous n'avons gardé que ce qui était nécessaire pour nous maintenir au même point de considération et de puissance où a toujours été la France. Le partage de la Pologne, les provinces soustraites à la Turquie, la conquête des Indes et de presque toutes les colonies avaient rompu à notre détriment l'équilibre général.

>> Tout ce que nous avons jugé inutile pour le rétablir nous l'avons rendu, et par là nous avons agi conformément au principe qui nous a constamment dirigé, de ne jamais prendre

les armes pour de vains projets de grandeur, ni par l'appât des conquêtes.

[ocr errors]

» L'Allemagne a été évacuée; ses provinces ont été restituées aux descendans de tant d'illustres maisons qui étaient perdues pour toujours si nous ne leur eussions accordé une généreuse protection. Nous les avons relevées et raffermies, et les princes d'Allemagne ont aujourd'hui plus d'éclat et de splendeur que n'en ont jamais eu leurs ancêtres.

» L'Autriche elle-même, après deux guerres malheureuses, a obtenu l'état de Venise. Dans tous les temps elle eût échangé de gré à gré Venise contre les provinces qu'elle a perdues.

A peine conquise, la Hollande a été déclarée indépendante. Sa réunion à notre Empire eût été le complément de notre système commercial, puisque les plus grandes rivières de la moitié de notre territoire débouchent en Hollande; cependant la Hollande est indépendante, et ses douanes, son commerce et son administration se régissent au gré de son gou

vernement.

» La Suisse était occupée par nos armées; nous l'avions défendue contre les forces combinées de l'Europe. Sa réunion eût complété notre frontière militaire; toutefois la Suisse se gouverne par l'acte de médiation, au gré de ses dix-neuf cantons, indépendante et libre.

» La réunion du territoire de la république italienne à l'Empire français eût été utile au développement de notre agriculture; cependant, après la seconde conquête, nous avons à Lyon confirmé son indépendance. Nous faisons plus aujourd'hui; nous proclamons le principe de la séparation des couronnes de France et d'Italie, en assignant pour l'époque de cette séparation l'instant où elle devient possible et sans danger pour nos peuples d'Italie.

Nous avons accepté et nous placerons sur notre tête cette couronne de fer des anciens Lombards, pour la retremper, pour la raffermir, et pour qu'elle ne soit point brisée au milieu des tempêtes qui la menaceront tant que la Méditerranée ne sera pas rentrée dans son état habituel.

» Mais nous n'hésitons pas à déclarer que nous transmettrons cette couronne à un de nos enfans légitimes, soit naturel, soit adoptif, le jour où nous serons sans alarme sur l'indépendance, que nous avons garantie, des autres états de la Méditer

ranée.

» Le génie du mal cherchera en vain des prétextes pour remettre le continent en guerre à ce qui a été réuni à notre Empire par les lois constitutionnelles de l'État y restera réuni;

aucune nouvelle province n'y sera incorporée; mais les lois de la république Batave, l'acte de médiation des dix-neuf cantons suisses, et ce premier statut du royaume d'Italie, seront constamment sous la protection de notre couronne, et nous ne souffrirons jamais qu'il y soit porté atteinte.

» Dans toutes les circonstances et dans toutes les transactions nous montrerons la même modération, et nous espérons que notre peuple n'aura plus besoin de déployer ce courage et cette énergie qu'il a toujours montrés pour défendre ses légitimes droits. »

RAPPORT sur les communications données au Sénat dans la séance impériale du 27 ventose an 13; fait par M. Lacépède, le 2 germinal suivant. (23 mars 1805.)

"

Sénateurs, vous avez renvoyé à votre commission spéciale (1) les actes et le rapport dont vous aviez entendu la lecture dans la séance mémorable où S. M. impériale et royale a bien voulu venir parmi vous pour vous faire connaitre sa pensée tout entière sur un des objets les plus importans de rEtat.

» Telles sont, sénateurs, les propres expressions du discours de S. M. l'empereur et roi.

n

Seules elles montreraient combien est grand et élevé l'objet dont votre commission va vous entretenir.

[ocr errors]

L'empereur vous a annoncé lui-même qu'il avait accepté la couronne d'Italie.

Quel grand événement pour le monde et pour la postérité !

[ocr errors]

Qu'il inspire de vastes pensées et de sentimens profonds!

[ocr errors]

Quel spectacle que celui du héros des Français fixant le destin de l'Italie !

» La voix de vingt peuples de cette Italie, deux fois sauvée par l'empereur, s'est fait entendre autour de lui; leurs représentans ont paru devant son trône; ils ont réclamé la permanence pour leurs institutions, et la garantie de leur bonheur pour leurs descendans.

» Eclairés par l'expérience des siècles et par les heureux

(1) Composée des sénateurs Barthélemy, Cacault, Demeunier, François (de Neufchâteau) et Lacépède.

effets du gouvernement de Napoléon, ils ont demandé pour eux l'appui de l'empereur, et pour leurs neveux celui d'une monarchie constitutionnelle et héréditaire.

» Ils ont désiré que ce double lien retînt à jamais dans le sein d'une patrie commune des états rendus pendant longtemps trop étrangers les uns aux autres, et par la diversité de leurs territoires, et par la différence de leurs habitudes.

» Ils ont montré tous les dangers dont ce double bienfait pouvait seul les préserver.

» Leurs yeux uniquement tournés vers leur libérateur, ils ont voulu que leur destinée, à jamais inséparable de la sienne, reposât sous l'égide de sa renommée dans les siècles à venir comme dans celui qui commence.

[ocr errors]
[ocr errors]

L'empereur a exaucé leurs vœux.

Son cœur généreux l'y a porté ; la raison d'état le lui a prescrit; l'intérêt de la France le lui a coinmandé.

» Le grand ouvrage commencé dans les comices de Lyon a été terminé au milieu du Sénat de France par la solennité du discours émané du trône, par la promulgation du décret de l'empereur et roi, et par la sainteté du serment qu'ont prêté devant lui les représentans constitutionnels des peuples d'Italie.

[ocr errors]

Il n'aurait pas pu être achevé plus tôt; l'organisation de l'Empire français n'était pas encore terminée.

» Mais depuis que l'empereur s'est assis sur le trône de la France, la force de toutes les circonstances et l'autorité de toutes les opinions, ces puissances irrésistibles que la raison le génie et la victoire même voudraient en vain braver, exigeaient que la couronne de fer des anciens Lombards brillât sur la tête de Napoléon d'un éclat inconnu jusqu'à lui.

>> Une constitution établie sur les bases que le peuple français a données aux lois fondamentales qui nous régissent va garantir aux peuples d'Italie la jouissance de ces droits que la sagesse des nations n'a cessé de réclamer pour le bonheur des sociétés humaines, et dont il est si agréable au Sénat des Français de savoir que l'exercice est consacré chez des peuples amis.

» Ce noble sentiment ne sera pas troublé, sénateurs, par la crainte de voir l'élévation de l'étendard royal en Italie donner le signal des combats dans le continent européen.

» L'acte qui établit la monarchie italienne n'est que le complément de celui que les comices de Lyon ont proclamé, que les puissances de l'Europe ont reconnu, et qui a produit le traité solennel par lequel les états de Venise ont accru les vastes domaines de la maison d'Autriche.

» On pourrait même dire qu'il n'en est qu'une sorte de tra

duction dans une langue plus adaptée aux mémorables événe mens qui se sont succédé.

»Et en effet, le pouvoir du roi sera-t-il bien différent de celui du président?

» Le territoire du royaume d'Italie sera-t-il plus étendu que celui de la république italienne?

» Les ressources de la nouvelle monarchie seront-elles plus nombreuses que celles du gouvernement qu'elle remplace?

» Tous les rapports extérieurs avec les autres états ne seront-ils pas les mêmes ? Et ces rapports extérieurs ne serontils pas les seuls qui puissent atteindre et blesser la puissance étrangère la plus inquiète et la plus jalouse?

» D'ailleurs quelle modération pourrait être plus grande que celle de la France ?

[ocr errors]

Sénateurs, devancez le temps par votre pensée; placezvous au milieu de la postérité, et lisez sur les bronzes de l'histoire impartiale et sévère ce discours remarquable qui retentit encore dans cette enceinte :

[ocr errors]

« Nous avons conquis la Hollande, les trois parts de l'Alle» magne, la Suisse, l'Italie tout entière. Nous avons été mo» dérés au milieu de la plus grande prospérité. De tant de provinces, nous n'avons gardé que ce qui était nécessaire » pour nous maintenir au même point de considération et de » puissance où a toujours été la France. Le partage de la Pologne, les provinces soustraites à la Turquie, la conquête » des Indes et de presque toutes les colonies avaient rompu » à notre détriment l'équilibre général.

>> Tout ce que nous avons jugé inutile pour le rétablir nous

» l'avons rendu... »

[ocr errors]

Ajoutez à ces paroles admirables cette considération importante qui ne peut pas échapper à la politique.

la cou

L'ancienne monarchie française ne possédait pas ronne d'Italie; mais les liens du sang et le pacte de famille qui l'unissaient étroitement au royaume des Deux-Siciles plaçaient en sa faveur dans la balance européenne un poids d'autant plus important, que par sa position au bout de l'Italie la cour de Naples pouvait agir comme à l'extrémité d'un grand levier,

נו

Depuis douze ans les événemens ont montré si des liens d'une telle nature pouvaient être remplacés par ces intérêts que la froide raison découvre sans doute avec facilité, mais que les passions déguisent avec plus de facilité encore.

[ocr errors]

Cependant, lorsque la Méditerranée, les îles qu'elle renferme et les continens qu'elle arrose ne seront plus menacés de nouvelles tempêtes, la couronne d'Italie ne sera plus réunie avec celle de l'empereur des Français.

« PreviousContinue »