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Quelle preuve éclatante de cette modération qui place la félicité des nations bien au-dessus de la gloire des conquêtes!

» La tranquillité de l'Europe ne sera donc troublée ni par la considération du présent, qui n'offre aucun changement dans les relations de l'Italie avec les puissances du continent, ni par la vue de l'avenir, où le héros qui a conquis deux fois cette même Italie a posé une limite que ses successeurs respecteront d'autant plus qu'elle sera marquée du sceau de ses vertus et de ses principes.

» Ils sont tels ces principes de modération qu'ils l'auraient porté à refuser une seconde couronne; mais il sait mieux que tout autre que la force du temps est la seule que rien ne remplace.

» Il a été obligé de se soumettre à la nécessité de laisser ce temps, dont l'homme ne peut pas plus accélérer que retarder la course, consolider le monument qu'il élève pour le bonheur de l'Italie, avant d'en confier la conservation à d'autres mains les siennes.

que

» Ces mêmes principes n'annoncent-ils pas assez haut quels sentimens le dirigeront lorsqu'il pourra donner au monde la paix, pour laquelle il a surmonté tant d'obstacles, remporté tant de victoires, et consenti à tant de sacrifices?

Voilà donc l'Europe rassurée et pour l'avenir et pour le présent.

» Le passé seul aurait dissipé ses craintes.

» A-t-on oublié en effet cette époque terrible où la France ne croyait plus pouvoir résister à l'envahissement dont elle était menacée qu'en renversant toutes les digues et en précipitant sur la face du globe ces torrens destructeurs contre lesquels toute résistance aurait été vaine?

>>

Quel est celui qui a comblé les gouffres où allaient s'engloutir et toutes les idées d'ordre et de conservation, et toutes les leçons de l'expérience, et toutes les maximes de la sagesse ?

Quelle main a soutenu des trônes ébranlés de toutes parts?
Quelle puissance, si ce n'est celle du génie de Napoléon,

a raffermi l'Europe sur ses antiques fondemens?

» Ce même pouvoir rend aujourd'hui le repos à l'Italie.

» Ce vaste pays a été, depuis la chute de l'empire romain, le théâtre sanglant de presque toutes les discordes que l'Europe a vu s'élever.

»Les foudres de la guerre ont encore plus ravagé sa surface que les laves brûlantes de ses volcans.

>> Ces orages vont s'apaiser; le calme va renaître dans son sein avec la stabilité de ses institutions.

» Les états qui ont été le plus bouleversés seront les plus

paisibles: gloire nouvelle, destinée au chef auguste des Français, et digne du grand siècle qui portera son nom!

Sénateurs, vous avez transmis à votre commission, avec le décret par lequel S. M. impériale a accepté la couronne d'Italie, celui qui donne da principauté de Piombino à S. A. impériale la princesse Eliza et à ses descendans, et confère le titre de prince de Piombino, ainsi que le rang et les prérogatives de prince de l'Empire français, au mari de la princesse Eliza.

» Le Sénat, qui partage vivement les sentimens de la France pour l'auguste famille de S. M. impériale, voit d'ailleurs cette détermination avec d'autant plus de plaisir qu'il compte parmi ses membres le prince de Piombino.

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» Mais indépendamment de ce motif personnel à chacun de nous, le Sénat a reconnu facilement dans le décret impérial une nouvelle marque de l'attention constante de Sa Majesté à tous les intérêts de la France.

cane,

» Piombino, dont le sort a dû être de dépendre presque toujours d'un état plus étendu, et qui a successivement passé sous la protection ou le haut domaine des Pisans, des Šiennois, de l'Aragon, des souverains pontifes, des ducs de Tosdes empereurs d'Allemagne et des rois d'Espagne, aurait pu être donné à une puissance voisine par le gouvernement français, auquel l'a cédé le traité de Florence de 1801 avec la faculté d'en disposer à son gré, sans qu'il ait été réuni depuis au territoire de la France par aucune loi ni par aucun senatus-consulte.

» Mais la sûreté de l'île d'Elbe et même celle d'une partie de la Corse exigeaient que le territoire de Piombino ne cessât pas de dépendre de l'Empire français.

» La ville et la forteresse de Piombino sont situées à l'extrémité d'une péninsule qui termine à l'orient le golfe de Gênes, et qui s'avance vers l'île d'Elbe au point de n'en être séparée que par un canal assez étroit. Le promontoire sur lequel elles sont bâties est la partie de terre ferme la plus voisine non seulement de l'île d'Elbe, mais encore de celle de Corse. Porto-Ferrajo, l'un des ports de l'île d'Elbe, est tourné vers Piombino; et c'est uniquement par ce dernier territoire qu'on peut établir une communication facile du continent avec cette île, importante pour la France et par ses mines et par sa position.

» S. M. impériale aurait pu vous proposer un senatus-consulte pour réunir la principauté de Piombino à l'Empire français; mais elle a voulu éviter toute apparence de chercher à étendre notre territoire. Elle s'est contentée d'établir à Piombino un tel régime que le prince ne pût jamais céder à aucune

influence étrangère nuisible à nos intérêts, contracter des alliances dont les effets nous fussent préjudiciables, négliger l'entretien des batteries, le soin des fortifications, et l'emploi des autres moyens de défense nécessaires pour empêcher son territoire de tomber sous un pouvoir ennemi.

» De plus, l'éclat de la couronne impériale de France demandait que le titre de prince de l'Empire fût réuni avec la qualité éminente de beau-frère de l'auguste monarque des Français.

» En créant ce titre d'honneur S. M. I. a usé de la prérogative que lui donne l'article 14 de l'Acte des Constitutions de l'Empire du 28 floréal an 12, d'établir, par des statuts auxquels ses successeurs seront tenus de se conformer, et les devoirs des membres de la famille impériale envers l'empereur, et une organisation du palais impérial conforme à la dignité du trône et à la grandeur de la nation.

>> C'est ainsi que des développemens successifs complètent nos institutions, et leur donnent cet éclat qui dispense si souvent du recours à la force, et cette stabilité le premier vœu de l'homme d'état, parce qu'elle est la première source du bonheur des empires.

» Et remarquons en finissant une des choses qui frapperont le plus les observateurs attentifs dans la suite des merveilles opérées par Napoléon.

» C'est au milieu des mouvemens rapides et multipliés qui se succèdent et se pressent qu'il établit les élémens de la permanence; il dirige toutes les actions pour les conduire au repos, et maîtrise tous les efforts pour produire l'équilibre.

»Votre commission m'a chargé d'avoir l'honneur de vous proposer le décret et la délibération qui suivent. »

DÉCRET.

« Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article de l'Acte des Constitutions du 22 fri» maire an VIII ;

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Après avoir entendu le rapport de sa commission spéciale » nommée dans la séance du 28 ventose dernier,

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» Décrète ce qui suit :

» Le Sénat se transportera en corps auprès de Sa Majesté l'empereur et roi pour lui offrir l'expression de la recon>> naissance et de la vive satisfaction que lui inspire la commu»nication que sa Majesté impériale et royale à bien voulu lui » donner elle-même de son acceptation de la couronne d'Italie, et des autres déterminations qu'elle a prises pour le plus

»

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grand intérêt du peuple français et des peuples d'Italie. » ( Adopté dans la même séance.)

DÉLIBÉRATION.

« Le Sénat arrête qu'une députation de dix sénateurs féli>> citera en son nom Son Altesse le sénateur prince de Piom» bino sur la nouvelle marque de bienveillance qu'il vient de >> recevoir de Sa Majesté impériale et royale.» (Adoptée dans la méme séance.)

M. François (de Neufchâteau) au nom du Sénat, et M. Fabre (de l'Aude) au nom du Tribunat, portèrent à l'empereur les félicitations de ces deux corps sur son avénement au trône d'Italie.

Quelques jours après la proclamation des actes relatifs à l'établissement de cette monarchie, Napoléon quitta Paris, visita les départemens de l'Empire et les principales villes de son nouveau royaume. Arrivé à Milan, il y fut couronné et intrônisé le 26 mai 1805. Il ne quitta l'Italie que lorsqu'il lui eut donné des actes constitutionnels, une organisation générale, et le prince Eugène pour vice-roi. Il nomma chancelier garde des sceaux de la couronne M. Melzi, qui avait été vice-président de la république italienne.

C'est dans ce voyage qu'il réunit Gênes à l'Empire, et transforma en une principauté la république de Lucques.

V.

RÉUNION DE GÊNES A L'EMPIRE FRANÇAIS.
INSTITUTION DE LA PRINCIPAUTÉ DE LUCQUES.

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Réunion de Gênes.

Le 25 mai 1805 le Sénat de la république Ligurienne (1) avait émis un vœu dont voici la substance: « Le Sénat, prenant en considéra» tion la situation actuelle de la République; convaincu qu'une indépendance sans force ni moyens pour protéger le commerce, » source unique de prospérité, devient inutile à la Ligurie, surtout » depuis la réunion du Piémont à la France; considérant d'autre » part que le refus du gouvernement anglais au congrès d'Amiens de >> reconnaître la république de Genève, à moins qu'elle ne reprenne » son ancienne organisation ( condition à laquelle le peuple ne pour>> rait jamais consentir), met la République dans la dure nécessité

(1) En 1797 la république de Gênes s'était reconstituée sous le titre de république Ligurienne.

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» de prendre part aux guerres maritimes entre la France et l'Angle» terre ; considérant que si d'un côté les puissances barbaresques » désolent le commerce ligurien et rendent impraticables les >> communications maritimes, d'un autre côté les communications par » terre sont entravées par le système des douanes françaises; considé» rant que le seul moyen de sortir d'une situation si critique, de >> rétablir ses relations, de recouvrer ses droits, de faire cesser l'obs>> tacle des douanes, de partager avec le commerce français tous les » avantages de la paix, etc., serait la réunion à la France, et qu'il » conviendrait pour l'obtenir de profiter du voyage de S. M. l'empe>> reur Napoléon en Italie; le Sénat décrète que la réunion de la » république Ligurienne à l'Empire français sera demandée à S. M. » impériale et royale, sous les conditions suivantes : 1o l'Etat ligurien, >> sans le moindre démembrement, fera partie intégrante de l'Em» pire français; 2o la dette publique de la Ligurie sera liquidée sur » les mêmes bases que celle de la nation française; 3o Gênes con» servera son port franc avec tous ses priviléges; 4o les acquéreurs » de biens nationaux seront garantis dans la possession pleine et » entière desdits biens, etc., etc., etc. Le présent décret sera sou» mis à la sanction du peuple. » Les Liguriens se prononcèrent presque unanimement pour la réunion: il n'y eut que trente-six votes négatifs. En conséquence le doge, une députation du Sénat et du peuple se rendirent sur le champ à Milan pour y solliciter une audience de l'empereur Napoléon.

DISCOURS adressé à S. M. impériale et royale par M. Durazzo, doge de
Gênes. Milan, le 4 juin 1805 (15 prairial an 13).

«Sire, nous apportons aux pieds de Votre Majesté impériale et royale le vœu du Sénat et du peuple ligurien. En régénérant ce peuple Votre Majesté s'est engagée à le rendre heureux; il ne peut l'être, Sire, que régi par votre sagesse et défendu par votre valeur. Les changemens survenus autour de nous rendaient notre existence isolée des plus malheureuses, et commandent impérieusement notre réunion à cette France que vous couvrez de votre gloire. Tel est le vou, Sire, que nous sommes chargés de déposer dans vos mains augustes, et de supplier Votre Majesté de vouloir exaucer. Les raisons sur lesquelles il est basé prouvent à l'Europe qu'il n'est pas l'effet d'une influence étrangère, mais le résultat nécessaire de notre position actuelle. Daignez, Sire, entendre le vœu d'un peuple qui fut attaché à la France dans les temps les plus difficiles! Réunissez à votre Empire cette Ligurie premier théâtre de vos victoires, et marche premiere du trône sur lequel vous êtes

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