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Il règle d'après la population le nombre des députés à élire pour le Corps législatif. (1)

>> İl assure leur nomination prompte, et leur entrée pour la session de l'an 14.

» Il assigne la série où doit être classé chaque département, et par conséquent fixe l'époque du renouvellement des députés. Enfin, il place Gênes à son rang parmi les grandes cités de l'Empire.

>> Votre décret, messieurs, rendra irrévocable ce pacte solennel sollicité par un peuplé entier, librement voté par tous ses citoyens, consacré par leurs sermens; ce pacte qui sera garanti par la justice, justifié par le bonheur, et défendu par la victoire. »>

(Suivait le projet de senatus-consulte, adopté le 16 du même mois (vendémiaire an 14), sur un rapport fait par M. Demeunier, organe d'une commission spéciale composée de MM. les sénateurs Chaptal, Garat, Lacépède, Roederer', et le rapporteur.)

De la principauté de Lucques.

Le 24 juin 1805 (5 messidor an 13), à Bologne, une députation de la République de Lucqués, ayant à sa tête le gonfalonnier, reçut une audience de l'empereur et roi.

DISCOURS de M. Belluomini, gonfalonnier.

« Sire, l'expérience de quelques années, si fécondes dans une grande partie de l'Europe en événemens extraordinaires et mémorables, a produit au milieu de ces tristes leçons de grands avantages pour la société, en éclairant les peuples sur leurs intérêts et sur les formes de gouvernement les plus convenables leur position.

Le peuple lucquois, après avoir été agité dans les siècles passés par toutes les factions, par toutes les ambitions, qui se disputaient l'autorité; après avoir eu alternativement à gémir des excès du pouvoir arbitraire d'un tyran, ou du malheur de voir tous les talens, toutes les émulations comprimés par l'établissement d'une aristocratie contraire au vœu du peuple comme à ses intérêts, avait eu dans ces derniers temps une constitution plus populaire, mais trop faible, trop incertaine pour rallier tous les citoyens, pour consolider le gouvernement, pour lui donner quelque garantie de l'avenir.

(1) Le département de Gênes quatre députés, celui de Montenotte rcis, et celui des Apennins deux.

» Dans la vue d'échapper aux malheurs d'un gouvernement arbitraire, à ceux d'une aristocratie concentrée dans quelques familles, aux inconvéniens d'une démocratie incertaine dans ses opérations et dans toutes ses vues, nous avons d'un commun accord, gouvernement, Corps législatif, citoyens, anciens nobles, artisans, le peuple entier, reconnu la nécessité d'un gouvernement constitutionnel et libre, remis entre les mains d'un prince qui, par ses alliances et sa position, nous arrache aux dangers de notre isolement et de notre faiblesse, puisse nous assurer le respect de nos voisins, et nous donner la garantie et la conviction de notre indépendance.

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Un prince allié de Votre Majesté peut seul assurer à notre patrie tous ces avantages: c'est là que nous trouvons la puissance qui nous environne, et qui ne voudra que nous protéger; c'est là qu'est la garantie des principes qui, même au milieu des agitations politiques, ont toujours guidé nos pères, qui sont nécessaires à notre position, et pour la conservation desquels nous avons, d'un consentement unanime, résolu de profiter du moment où Votre Majesté impériale était près de nos contrées pour la prier de fixer notre sort.

» J'ai l'honneur de présenter à Votre Majesté les actes constitutionnels qui expriment les vœux des Lucquois, et les registres de leurs signatures. Le gouvernement, qui voit de plus près les besoins de l'État, a le premier émis son vou; le Corps législatif non seulement s'est empressé de l'adopter, mais chacun de ses membres a voulu le souscrire personnellement. Votre Majesté verra dans la multitude des signatures des citoyens de toutes les classes avec quel empressement ils se sont portés à exprimer individuellement les sentimens de leur cœur, sentimens qui ne pouvaient se manifester d'une manière plus libre, plus spontanée, plus dégagée de toute influence étrangère.

» Si jamais commission publique m'a paru honorable et flatteuse, c'est sans doute, plus que toute autre, celle où il m'est permis d'offrir à Votre Majesté impériale et royale l'hommage de la vive et respectueuse reconnaissance du peuple lucquois; et je ne puis qu'envisager comme le plus heureux moment de ma vie celui où, appelé par le vœu public à remettre à des mains qui vous sont si chères les destinées de ma patrie, je vois s'ouvrir devant elle un avenir plus brillant et plus fortuné. L'indépendance de Lucques sera protégée, Sire, par votre bienveillance envers elle, par le voisinage de vos états, par la sécurité que lui donnent votre appui et votre gloire; son bonheur va se trouver associé à celui d'une partie de votre auguste famille. S'il fallait à mon pays une nouvelle garantie de son

existence, il la trouverait, Sire, dans les affections personnelles de Votre Majesté. »

RÉPONSE de l'empereur.

<< Monsieur le gonfalonnier, messieurs les députés des anciens et du peuple de Lucques, mon ministre près votre République m'a prévenu de la démarche que vous faites; il m'en a fait connaître toute la sincérité. La république de Lucques, sans force et sans armée, a trouvé sa garantie pendant les siècles passés dans la loi générale de l'Empire, dont elle dépendait. Je considère aujourd'hui comme une charge attachée à ma couronne l'obligation de concilier les différens partis qui peuvent diviser l'intérieur de votre patrie.

Les Républiques de Florence, de Pise, de Sienne, de Bologne, et toutes les autres petites républiques qui au quatorzième siècle partageaient l'Italie, ont eu à éprouver les mêmes inconvéniens; toutes ont été agitées par la faction populaire et par celle des nobles. Cependant ce n'est que de la conciliation de ces différens intérêts que peuvent naître la tranquillité et le bon ordre. La constitution que vous avez depuis trois ans est faible : je ne me suis point dissimulé qu'elle ne pouvait atteindre son but. Si je n'ai jamais répondu aux plaintes qui m'ont été portées souvent par les différentes classes de vos citoyens, c'est que j'ai senti qu'il est des inconvéniens qui naissent de la nature des choses, et auxquels il n'est de remède que lorsque les différentes classes de l'Etat éclairées sont toutes réunies dans une même pensée, celle de trouver une garantie dans l'établissement d'un gouvernement fort et constitutionnel. J'accomplirai donc votre vœu je confierai le gouvernement de vos peuples à une personne qui m'est chère par les liens du sang. Je lui imposerai l'obligation de respecter constamment vos constitutions. Elle ne sera animée que du désir de remplir ce premier devoir des princes, l'impartiale distribution de la justice; elle protégera également tous les citoyens, qui, s'ils sont inégaux par la fortune, seront tous égaux à ses yeux. Elle ne reconnaîtra d'autre différence entre eux que celle provenant de leur mérite, de leurs services et de leurs vertus.

>> De son côté le peuple de Lucques sentira toute la confiance que je lui donne, et aura pour son nouveau prince les sentimens que des enfans doivent à leur père, des citoyens à leur magistrat suprême, et des sujets à leur prince. Dans le mouvement général des affaires, ce sera pour moi un sentiment doux et consolant de savoir que le peuple de Lucques est heureux, content, et sans inquiétude sur son avenir; je con

tinuerai d'être pour votre patrie un protecteur qui ne sera jamais indifférent à son sort. »

Par un acte daté du même jour, Napoléon consentit à ce que le gouvernement de Lucques fúlt confié, sous sa garantie impériale, à ses très chers et très aimés beau-frère et sœur le prince et la princesse de Piombino et leur descendance, etc.; et, conformément au vœu des Lucquois, il nomma immédiatement les ministres, les conseillers d'état et les sénateurs de cette nouvelle principauté. Le gonfalonnier Belluomini cut le ministère des finances.

VI.

RUPTURE AVEC L'AUTRICHE ET LA RUSSIE. CAMPAGNE DE TROIS MOIS. — BATAILLE D'AUSTERLITZ. - PAIX DE PRESBOURG.

Depuis deux mois l'empereur était de retour à Paris, où il avait reçu les félicitations des corps constitués, des cours de justice, des principaux fonctionnaires, etc., sur son voyage dans les départemens de l'Empire et sur son couronnement en Italie. Il n'y avait eu d'autre communication au Sénat que celle relative au changement de calendrier. (Voyez plus loin, après les cent jours de l'an 14.) - On remarquait une sombre agitation dans les ministères; des préparatifs, qu'en vain le gouvernement cherchait à rendre secrets, nourrissaient le bruit qui s'était répandu d'une rupture de la paix continentale; enfin l'on attendait avec impatience, mais sans inquiétude, une publication officielle, lorsqu'un programme parut qui annonçait que le 1er vendémiaire Napoléon se rendrait en personne au Sénat avec toute la pompe impériale, et qu'auparavant il recevrait l'hommage des magistrats du peuple. Le cortège se réunissait à l'Ecole militaire.

DISCOURS adressé à l'empereur par le préfet de la Seine (Frochot), au nom des autorités municipales de Paris. A l'Ecole militaire, le 1er vendémiaire in 14. (23 septembre 1805.)

an

Sire, voilà les clefs de Paris, de la capitale de votre Empire, de cette ville que vous avez rendue la première ville du

monde.

>> En vous offrant cet antique symbole de la soumission et du dévouement de la cité, nous ne saurions vous dissimuler, Sire,

que la joie, ce sentiment heureux qui toujours signale l'arrivée de Votre Majesté dans les murs de sa capitale, se joint aujourd'hui à des émotions plus graves, et non moins dignes sans doute d'être appréciées par Votre Majesté.

» L'annonce d'une séance impériale au Sénat, les bruits qui avaient précédé cette annonce, ceux encore qui l'ont suivie, quelques circonstances connues, quelques autres qu'on croit connaître, en un mot ce que l'on sait, et même ce qu'on suppose, tout cela depuis quelques jours a jeté dans les esprits une sorte d'agitation qui ne demande qu'un mot pour devenir l'élan le plus national et le plus généreux.

» Ce mot, Sire, nous l'attendons, et cette foule immense quí va se précipiter sur votre passage est impatiente d'apprendre quel essor sera permis, ou quelle mesure sera prescrite à son indignation et à son zèle.

» A Dieu ne plaise, Sire, que nous cherchions à pressentir ni les desseins de votre haute sagesse, ni les conceptions de ce puissant génie qui vous a rendu partout maître des temps, des lieux et des événemens ! Mais s'il est vrai, comme on le répand, , que l'on en veuille à votre personne, que l'on en veuille à l'indépendance de la nation, à nos libertés, à nos constitutions, ordonnez que notre défense soit proportionnée à l'intérêt d'une telle cause. Où qu'il faille marcher, croyez que tout sera bientôt prêt à vous suivre, à vous servir, à vous venger!

» Tels sont, Sire, les sentimens de votre bonne ville de Paris. >>

SENAT. Séance impériale.

(Du même jour.)

DISCOURS de l'empereur et roi.

« Sénateurs, dans les circonstances présentes de l'Europe j'éprouve le besoin de me trouver au milieu de vous, et de vous faire connaître mes sentimens.

Je vais quitter ma capitale pour me mettre à la tête de l'armée, porter un prompt secours à mes alliés, et défendre les intérêts les plus chers de mes peuples.

>> Les vœux des éternels ennemis du continent sont accomplis; la guerre a commencé au milieu de l'Allemagne. L'Autriche et la Russie se sont réunies à l'Angleterre, et notre génération est entraînée de nouveau dans toutes les calamités de la guerre. Il y a peu de jours j'espérais encore que la paix ne serait point troublée; les menaces et les outrages m'avaient trouvé impassible: mais l'armée autrichienne a passé l'Inn; Munich

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