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faut observer que le dernier état de la législation sur cette matière résulte des dispositions de la constitution de l'an 3, et non pas d'une 'simple loi.

» L'article 78 portait : « Son organisation et sa discipline sont les mêmes pour toute la République; elles sont déter» minées par la loi. »

» L'article 28 : « Les officiers de la garde nationale séden» taire sont élus à temps par les citoyens qui la composent, » et ne peuvent être réélus qu'après un intervalle. »

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Le caractère de l'acte où ces dispositions sont consignées, acte sur lequel le peuple français a délibéré, ne permet pas de soumettre au pouvoir ordinaire et commun la révocation expresse de ces dispositions, qui ne sont plus en accord avec la nature de notre gouvernement.

» Il ne s'agit plus aujourd'hui d'un de ces mouvemens désordonnés qu'on appelait des levées en masse; il s'agit de régu lariser, dans les points où cela peut être jugé nécessaire, le dévouement de l'armée nationale intérieure. La garde nationale laissera disponibles toutes les troupes de ligne, sans laisser dégarnir aucune partie menacée ou importante. Les amis de l'honneur français adopteront cette mesure avec enthousiasme, et cet enthousiasme, dirigé par notre héros, sera toujours sublime, et ne pourra jamais devenir dangereux.

» La France a ainsi dans son sein une force prodigieuse qu'il serait imprudent d'abandonner à elle-même, mais qui, sagement modérée par des décrets impériaux, sera extrêmement utile, et ne peut être inquiétante.

» Maintenant que la compétence du Sénat est justifiée, nous demandera-t-on, messieurs, de nous expliquer sur le fond de la question? En vous répétant ce qu'a dit l'orateur du gouvernement, nous craindrions de l'affaiblir. Mais cependant messieurs, tandis que nous délibérons, les Autrichiens sont en marche, nos alliés sont dépouillés, et la position de l'Europe est changée.

"Il y a peu de jours le continent était tranquille.

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"Un cabinet perfide avait rompu la paix d'Amiens presque aussitôt que cette paix avait été signée. Les motifs de cette rupture étaient alors inexplicables. Enfin nos efforts avaient. dû se tourner vers la mer; toutes les forces de la France fixées sur un seul point, menaçaient l'Angleterre; des manœuvres savantes nous donnaient les moyens d'embarquer en quinze minutes une armée de deux cent mille hommes, de la débarquer en dix; cette armée n'avait devant elle qu'un trajet de mer de sept lieues; et tandis que nos flottes reparaissaient sur l'Océan unies aux flottes espagnoles, il ne fallait plus

et

désormais à la flottille de Boulogne qu'un jour de brume, une nuit calme, quelques heures peut-être, pour porter tout à coup de l'autre côté de la Manche nos invincibles légions, impatientes de punir la violation d'un traité solenne!: d'un jour à l'autre pouvait luire le moment favorable; et telle était l'anxiété où cette perspective réduisait l'Angleterre, qu'il était impossible qu'elle pût résister longtemps, je ne dis pas à la descente effective de notre armée, mais à la terreur qu'inspi rait la seule démonstration de cette descente prochaine, et son attente inévitable.

» Si le gouvernement de la Grande-Bretagne eût voulu sauver aux Anglais cette crise effrayante, il en avait été le maître. Vous avez su, messieurs, par quel mouvement généreux notre empereur avait cru devoir ouvrir une porte à la réconciliation toute l'Europe a su comment cette ouverture magnanime a été repoussée. On ne pouvait alors concevoir les motifs cachés du refus de la paix ; mais enfin nous avons le mot de cette énigme politique: on voit que la cour de Saint-James n'a pas voulu la paix que lui offrait notre empereur parce que dès ce moment là même elle avait l'espérance d'une diversion qui écarterait de son île le fléau de la guerre, et qui reverserait les calamités qu'elle entraîne sur les peuples du continent.

>> Comment cette affreuse espérance s'est-elle donc réalisée? » Il est une puissance qui a toujours depuis deux siècles troublé le repos de l'Europe. Un de ses premiers traits dans l'histoire moderne fut de déchirer l'Allemagne par une guerre de trente ans. Tous les moyens de s'agrandir elle les a saisis sans choix. Entre autres exemples sinistres, elle a donné celui d'appeler au midi des torrens de barbares, qu'une politique plus sage n'aurait jamais laissé sortir des limites du nord. Ayant rêvé longtemps la monarchie universelle, elle a englouti des royaumes, et son ambition n'en a pas été assouvie. Toujours jalouse de nos rois, elle leur fut bien moins funeste par sa rivalité que par son alliance, qui fut l'époque de leur perte. Armée contre la République, elle a voulu l'anéantir, et démembrer son territoire. La République, généreuse, a pourtant arrondi le sien, dont les possessions éparses avaient été consolidées pour la première fois par le traité de Lunéville. Tant d'acquisitions, après tant de revers, avaient surpassé tous ses vœux. Tant d'états contigus lui formaient enfin une masse homogène et immense mais la Bavière lui manquait; la Bavière, qu'elle a déjà plusieurs fois envahie, et n'a jamais pu

conserver.

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:

C'est à cette puissance que s'est adressée l'Angleterre. C'est l'usurpation de l'électorat de Bavière qu'on a fait briller

à ses yeux; c'est au moyen d'un tel appât qu'une cour imprudente a consenti à vendre aux querelles d'autrui le sang de ses sujets; c'est pour un peu d'argent qu'elle a bien voulu se charger de tous les torts de l'Angleterre, et c'est pour sauver l'Angleterre que l'Allemagne est écrasée par son propre em

pereur.

» Vous avez entendu, messieurs, dans la séance impériale tenue hier matin, la révélation de cet incroyable mystère, enseveli depuis neuf mois dans les profondeurs ténébreuses d'une diplomatie qui s'est crue bien adroite parce qu'elle a pu réussir à en imposer un moment à la candeur d'une grande âme. Elle épiait l'instant où les flots de la mer devaient porter bientôt Césaret sa fortune; et pendant qu'elle prodiguait des protestations de paix elle faisait entrer les Russes sur ses terres, et ses propres troupes entraient sans déclaration sur les terres d'un électeur qui est un de nos alliés.

» Vous vous ressouvenez, messieurs, que très longtemps notre empereur a refusé de croire à tant de perfidie; il disait hautement qu'elle lui semblait impossible, et qu'il mettrait sa gloire à être pris au dépourvu; paroles mémorables, que l'histoire doit recueillir! Elles n'ont été que trop vraies; mais ceux qui s'applaudissent d'avoir cru tromper l'empereur se sont bien plus trompés eux-mêmes. De fausses notions sur l'état de la France ont pu les aveugler; mais qu'ils seront désabusés! J'en atteste, messieurs, l'émotion profonde avec laquelle vous avez tous entendu dans cette enceinte et le discour de l'empereur, et le rapport de son ministre, et les communications qui ont rendu cette séance si remarquable et si auguste. Dès hier vous vous êtes empressés de placer au bas du manifeste impérial le témoignage motivé de l'assentiment unanime de tous les membres du Sénat. En s'adressant à vous, messieurs, S. M. impériale a parlé au peuple français ; vous avez répondu au nom de ce grand peuple; votre décret sera scellé par son suffrage et par ses acclamations; il le sera surtout par l'exécution facile et spontanée de ces mesures de prudence que l'empereur a cru devoir vous proposer de revêtir de votre sanction. Les senatusconsulte dont les projets vous sont soumis ne sont qu'un appel régulier au patriotisme, à l'honneur, à la bravoure des Français.

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» Patriotisme! honneur ! bravoure idoles de la nation source constante de sa gloire, ressorts puissans de son génie, mobiles de tous ses succès! Celui qui vous réclame est ce même héros dont le premier mérite, parmi tant d'autres qualités, a été d'avoir su connaître l'esprit national. Ah! c'est à lui surtout qu'il appartient de l'invoquer! A cette voix toute puissante se répétera le prodige dont se vantait jadis ce célèbre

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Romain à qui il suffisait de frapper la terre du pied pour en faire sortir des légions.

» N'en doutons pas, messieurs, elle retentira dans tous les cœurs français cette phrase sublime du discours prononcé hier par l'empereur! Oui, le peuple français voudra toujours être ce qu'il était lorsque, sur un champ de bataille, le premier il le salua du nom de grand peuple !

» Messieurs, votre commission spéciale m'a chargé de vous proposer d'adopter les deux projets de sénatus-consulte. » (Adoptés dans la méme séance.).

A ces mesures s'en joignaient d'autres, prises directement par le chef de l'Etat les conscrits de réserve des années précédentes étaient mis en activité ; les anciens soldats retirés par congés, mais encore en état de servir, étaient rappelés sous les drapeaux avec des avantages particuliers; la marche des troupes, la disposition des camps, la distribution des commandemens, le transport des munitions, etc., tout était ordonné, et déjà prêt pour l'entrée en campagne. L'empereur quitta Paris le 2 vendémiaire: il était accompagné de l'impératrice. Ce même jour des conseillers d'état se rendirent par son ordre au Tribunat pour y faire les communications que le Sénat avait reçues la veille. Le Tribunat les renvoya à l'examen d'une commission. Un rapport eut lieu le 4, dont les conclusions vivement appuyées et même encore développées par un grand nombre d'orateurs, portaient qu'une adresse serait faite à Sa Majesté pour lui exprimer l'indignation que ses fidèles sujets les membres du Tribunat ont éprouvée à la nouvelle des démarches hostiles de l'Autriche et de la Russie, et pour l'assurer de leur reconnaissance, de leur dévouement, etc. L'adresse fut rédigée le 5: Napoléon était déjà à Strasbourg. Le Tribunat délibéra qu'elle serait portée à l'empereur par une députation de douze de ses membres, et son président à leur tête. La députation partit sur le champ; mais chaque jour une victoire augmentait la distance qui la séparait de l'empereur : ce n'est qu'après deux mois qu'elle reviendra rendre compte de sa mission. ADRESSE du Tribunat à l'empereur (1). - Du 5 vendémiaire an 14. (27 septembre 1805.

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Sire, vos fidèles sujets les membres du Tribunat, en recevant la communication que vous avez ordonnée en leur faveur,

(1) Adresse proposée par M. Fréville, au nom d'une commission composée de MM. Fabre (de l'Aude), Tarrible, Duvidal, Faure, Girardin, Arnoult, Jard-Panvilliers, Jaubert, Leroy, Jubé, CarrionNisas et Fréville.

ont éprouvé au même degré et l'indignation contre les puissances qui vous provoquent, et l'admiration pour la persévérance que vous avez mise à essayer tous les moyens qui pouvaient préserver le continent des calamités de la guerre. Si elle a été infructueuse pour la paix cette modération héroïque, elle ne demeure pas stérile; elle assure à Votre Majesté la reconnaissance de ses peuples : ils bénissent la magnanimité du héros qu'on vit toujours aussi habile à lancer le char de la victoire que prompt à l'arrêter dès que l'honneur et l'intérêt national permettaient de prêter l'oreille à la voix de l'humanité.

» Votre Majesté avait accompli les préparatifs d'une expédition qui devait punir la violation du traité d'Amiens, et affranchir les mers. C'est au moment où les alarmes de l'Angleterre annoncent sa détresse que l'Autriche et la Russie se montrent, non simplement menaçantes, mais complètement armées. Sire, cette perfidie révèle le mystère d'une longue intelligence entre nos ennemis. Ce n'est pas une guerre nouvelle qu'ils commencent; ils rallument celle qu'ils entreprirent il y a treize ans contre notre indépendance. Sous la foi des traités, ils n'ont jamais prétendu recueillir que les avantages d'une trève fallacieuse. Vous aviez vaincu les armées, mais non la haine de l'Autriche. Vous vous êtes efforcé d'en douter, Sire; c'était l'incrédulité de votre cœur, repoussant la nécessité de nouveaux sacrifices pour vos sujets. D'ailleurs vous aviez été si généreux! Pouviez-vous croire à tant d'ingratitude? Vous êtes si puissant! Deviez-vous craindre qu'on osât vous défier?

» Mais ce qui provoque la jalouse fureur de nos ennemis c'est la puissance même de Votre Majesté, inséparable de la prospérité de l'Empire. Certes ils ont de nombreux griefs à alléguer s'ils les comptent par tous ces actes de sagesse, par tous ces traits de bonté qui chaque jour augmentent les ressources de l'Etat et l'enthousiasme du peuple pour votre auguste personne! Il faut que leur haine soit bien aveugle, puisqu'ils ne voient pas qu'une coalition conduite comme un complot a déjà pour effet, aura pour résultat infaillible d'accroître cette puissance, qu'ils attaquent si imprudemment! En conspirant contre la gloire de l'empereur et la splendeur de la France, ils resserrent encore les liens de bienveillance et de fidélité, d'amour et d'admiration qui unissent le monarque et la nation dans l'irrésistible alliance de la force et du génie.

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Sire, vous n'aurez pas vainement invoqué les engagemens que votre peuple a contractés avec vous lorsque vous lui avez consacré votre existence en vous asseyant sur le trône. Plus vous avez montré de sollicitude pour lui épargner les calamités d'une nouvelle guerre, plus il est disposé à les abréger par de prompts

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