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premiers jours de mai à Paris; vous y serez tous; et après nous irons où nous appelleront le bonheur de notre patrie et les intérêts de notre gloire.

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Soldats, pendant ces trois mois qui vous seront nécessaires pour retourner en France, soyez le modèle de toutes les armées ce ne sont plus des preuves de courage et d'intrépi dité que vous êtes appelés à donner, mais d'une sévère discipline. Que mes alliés n'aient pas à se plaindre de votre passage; et en arrivant sur ce territoire sacré, comportez-vous comme des enfans au milieu de leur famille : mon peuple se comportera avec vous comme il le doit envers ses héros et ses défenseurs.

» Soldats, l'idée que je vous verrai tous avant six mois rangés autour de mon palais sourit à mon cœur, et j'éprouve d'avance les plus tendres émotions. Nous célébrerons la mémoire de ceux qui dans ces deux campagnes sont morts au champ d'honneur, et le monde nous verra tous prêts à imiter leur exemple, et à faire encore plus que nous n'avons fait, s'il le faut, contre ceux qui voudraient attaquer notre honneur ou qui se laisseraient séduire par l'or corrupteur des éternels ennemis du continent! Signé NAPOLÉON. »

A LA VILLE DE VIENNE. Schonbrunn, 6 nivose an 14.

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<«< Habitans de la ville de Vienne, j'ai signé la paix avec l'empereur d'Autriche. Prêt à partir pour ma capitale, je veux que vous sachiez l'estime que je vous porte, et le contentement que j'ai de votre bonne conduite pendant le temps que vous avez été sous ma loi. Je vous ai donné un exemple inouï jusqu'à présent dans l'histoire des nations. Dix mille hommes de votre garde nationale sont restés armés, ont gardé vos portes ; votre arsenal tout entier est demeuré en votre pouvoir; et pendant ce temps-là je courais les chances les plus hasardeuses de guerre. Je me suis confié en vos sentimens d'honneur, de bonne foi, de loyauté : vous avez justifié ma confiance.

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» Habitans de Vienne, je sais que vous avez tous blâmé la guerre que des ministres vendus à l'Angleterre ont suscitée sur le continent. Votre souverain est éclairé sur les menées de ces ministres corrompus; il est livré tout entier aux grandes qualités qui le distinguent, et désormais j'espère, pour vous et pour le continent, des jours plus heureux.

Habitans de Vienne, je me suis peu montré parmi vous ; nou par dédain ou par un vain orgueil, mais je n'ai pas voulu distraire en vous aucun des sentimens que vous deviez au prince avec qui j'étais dans l'intention de faire une prompte

paix. En vous quittant recevez, comme, un présent qui vous prouve mon estime, votre arsenal intact, que les lois de la guerre ont rendu ma propriété; servez-vous-en toujours pour le maintien de l'ordre. Tous les maux que vous avez soufferts, attribuez-les aux malheurs inséparables de la guerre ; et tous les ménagemens que mon armée a apportés dans vos contrées vous les devez à l'estime que vous avez méritée.

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Signé NAPOLÉON. »

Le traité de paix, conclu par M. Ch.-M. Talleyrand Périgord pour l'empereur des Français, et MM. le prince Jean de Lichtenstein et le comte de Gyulay pour l'empereur d'Allemagne, fut signé le 5 nivose an 14 par les plénipotentiaires, réunis à Presbourg, et ratifié le 6 ( 27 décembre 1805) par l'empereur Napoléon, à Schonbrun. Il avait pour bases principales:

« 10. L'empereur d'Allemagne reconnaît les dispositions faites par l'empereur des Français relativement aux principautés de Lucques et de Piombino.

» 2°. L'empereur d'Allemagne renonce à la partie des états de la République de Venise à lui cédée par les traités de CampoFormio et de Lunéville, laquelle sera réunie au royaume d'Italie.

» 3°. L'empereur d'Allemagne reconnaît l'empereur des Français comme roi d'Italie, et s'engage à reconnaître le successeur que l'empereur des Français, conformément à sa déclaration, se sera donné comme roi d'Italie.

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4°. Les électeurs de Bavière et de Wurtemberg prennent le titre de roi ils jouissent de la plénitude de la souveraineté et de tous les droits qui en dérivent ; et l'empereur d'Allemagne les reconnaît en cette qualité.

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5°. L'empereur d'Allemagne renonce aux principautés seigneuries, domaines et territoires ci-après désignés... (et donnés au roi de Bavière, au roi de Wurtemberg, à l'électeur de Bade).

6°. L'empereur des Français garantit l'intégrité de l'empire d'Autriche dans l'état où il sera en conséquence du présent

traité.

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7°. Les hautes parties contractantes reconnaissent l'indépendance de la république Helvétique, régie par l'acte de médiation, de même que l'indépendance de la république

Batave.

» 8°. Les prisonniers de guerre seront restitués dans quarante jours à dater de l'échange des ratifications du présent traité. >>

C'est le 1 vendémiaire an 14 que Napoléon était venu annoncer la guerre au Sénat; il quitta Paris le 2: depuis quelques jours des préparatifs avaient été faits pour l'entrée en campagne.

Ainsi, en cent jours, la grande armée avait rompu la troisième coalition de l'Europe contre la France, humilié l'Angleterre, battu et dispersé les troupes russes et autrichiennes, conquis tous les états de l'empereur d'Allemagne ; et pour la troisième fois Napoléon replaçait ce prince sur le trône, lui dictait la paix, et la donnait au continent.

Et ces cent jours, si glorieux, sont les derniers de l'ère républicaine! Conformément à un senatus - consulte du 22 fructidor an 13, elle se termina le 10 nivose an 14.

Avant de passer aux séances du Sénat qui ont eu pour objet l'inauguration des drapeaux ennemis, les chants de victoire, la communication du traité de paix, etc., plaçons ici, comme une tache dans un admirable tableau, ce triomphe d'une autre nature; il appartient à l'orgueil et à la faiblesse, aux préjugés et à la mauvaise foi. ( Voy. pour les rapprochemens, dans le tome XIII de ce Recueil, l'Etablissement de l'Ere républicaine.

RÉTABLISSEMENT DU CALENDRIER GRÉGORIEN.

MOTIFS du projet de senatus-consulte relatif au changement de calendrier, exposés au Sénat par M. le conseiller d'état Regnault (de Saint-Jean-d'Angely, séance du 15 fructidor an 13. (2 septembre 1805.)

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Messieurs, tous les changemens, toutes les réformes que la politique a approuvés lorsque le génie les a conçus, que les mœurs ont sanctionnés lorsque les lois les ont consacrés, que les nations étrangères commenceront par envier, et finiront par emprunter à la nation française, sont et seront toujours soigneusement maintenus par l'administration, fortement protégés par le gouvernement.

»Tel est, par exemple, l'établissement des nouveaux poids et niesures, que défendront toujours contre la routine, l'obstination ou l'ignorance, l'unanimité de l'opinion des savans, la base invariable de leur travail, la nature même de celle base, qui est commune à toutes les nations, les avantages de la division pour les calculs, enfin le besoin de l'uniformite

pour l'Empire, et tôt ou tard le besoin de l'uniformité pour le inonde.

» Mais parmi les établissemens dont l'utilité a été niée, dont la perfection a été contestée, dont les avantages sont deneurés douteux, il n'en est point qui ait éprouvé de contradiction plus forte, de résistance plus opiniâtre que le nouveau calendrier, décrété le 5 octobre 1793, et régularisé par la loi du 4 frimaire an 11.

» Il fut imaginé dans la vue de donner aux Français un calendrier purement civil, et qui, n'étant subordonné aux pratiques d'aucun culte, convint également à tous.

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Cependant, quand la première idée de la division décadaire fut proposée au nom du comité d'instruct on publique de la Convention à un comité de géomètres et d'astronomes pris dans l'Académie des Sciences, cette innovation fut unanimement désapprouvée, et combattue par des raisons qu'il est inutile de rappeler, puisque la division par semaine est déjà rétablie, et que l'opposition des savans portait sur la difficulté et les inconvéniens de sa suppression.

>> Cette substitution de la semaine à la décade a déjà fait perdre au calendrier français un de ses avantages les plus usuels, c'est à dire cette correspondance constante entre le quantième du mois et celui de la décade: en effet, le nombre sept n'étant diviseur ni du nombre des jours du mois, ni de celui des jours de l'année, il est impossible dans le calendrier français, qui en cela ressemble à tous les autres, d'établir une règle tant soit peu commode pour trouver le quantième du mois par celui de la semaine, ou réciproquement.

» Les avantages qui restent encore au calendrier français ne seraient pas pourtant à dédaigner : la longueur uniforme des mois, composés constamment de trente jours; les saisons, qui commencent avec le mois, et ces terminaisons symétriques qui font apercevoir à quelle saison chaque mois appartient, sont des idées simples et commodes, qui assureraient au calendrier français une préférence incontestable sur le calendrier romain si on les proposait aujourd'hui tous deux pour la première fois; ou, pour mieux dire, personne n'oserait aujourd'hui proposer le calendrier romain s'il était

nouveau.

» Dans le calendrier français on voit une division sage et régulière, fondée sur la connaissance exacte de l'année et du cours du soleil, tandis que dans le calendrier romain on voit, sans aucun ordre, des mois de vingt-huit, vingt – neuf, trente et trente-un jours, des mois qui se partagent entre des saisons différentes; enfin, le commencement de l'année y est

fixé non pas à un équinoxe ou à un solstice, mais neuf ou dix jours après le solstice d'hiver.

» Dans ces institutions bizarres on trouve l'empreinte des superstitions et des erreurs qui ont successivement entravé ou même dirigé les réformateurs successifs du calendrier, Numa, Jules-César et Grégoire XIII.

C'est, par exemple, pour ne rien ajouter à la longueur d'un mois consacré aux mânes et aux expiations, que février n'eut que vingt-huit jours; c'est pour d'autres raisons aussi vaines que Numa avait fait tous les autres mois d'un nombre impair de jours.

"C'est par respect pour ces préjugés, et pour ne pas déplacer certaines fêtes, que Jules-César, en corrigeant la longueur de l'année solaire, ne toucha point au mois de février, ce qui lui donnait sept jours à répartir entre les onze autres mois; et c'est de là qu'est venue la nécessité d'avoir plusieurs mois de trente-un jours de suite, comme ceux de juillet et août, décembre et janvier.

"

Enfin, c'est parce que le concile de Nicée, où l'on ignorait la vraie longueur de l'année et l'anticipation des équinoxes dans le calendrier Julien, avait établi pour la célébration de la Pâque une règle devenue impraticable par le laps de temps, et c'est par l'importance que Grégoire XIII mit à assurer à jamais l'exécution du canon du concile relatif à la fête de Pâques, qu'il entreprit sa réformation.

Tous les embarras de ce calendrier sont venus de ce qu'il fut commencé dans un temps où, par ignorance de l'année solaire, on était forcé de se régler sur la lune, et de ce qu'ensuite, lorsqu'on eut une connaissance moins inexacte du cours du soleil, on ne voulut pas renoncer tout à fait à l'année lunaire, pour ne point déranger l'ordre des fêtes réglées primitivement sur la lune.

Rien de plus simple que l'année civile, qui depuis longtemps est purement solaire; rien de plus inutilement compliqué que l'année ecclésiastique, qui est luni-solaire.

» Ce n'est pas que le calendrier français soit lui-même à l'abri de tout reproche, ni qu'il ait toute la perfection désirable; perfection qu'il était si facile de lui donner s'il eût été l'ouvrage de la raison tranquille.

» Il a deux défauts essentiels.

» Le premier et le plus grave est la règle prescrite pour les sextiles, qu'on a fait dépendre du cours vrai et inégal du soleil, au lieu de les placer à des intervalles fixes. Il en résulte que, sans être un peu astronome, on ne peut savoir précisément le nombre des jours qu'on doit donner à chaque année,

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