Page images
PDF
EPUB

était ardemment désiré! Quel empressement unanime aurait précipité sur les pas du Sénat, au devant de notre empereur et de notre héros, la population immense de la première de ses villes, si le temps vous avait permis de vous prêter à nos désirs, ou plutôt si le dévouement de Votre Majesté au service public ne vous eût pas fait un devoir de signaler votre arrivée par la tenue de vos conseils. C'est un trait caractéristique, et qui doit être remarqué dans votre manière de voir. Régner c'est s'oublier soi-même et vivre pour les autres. Ainsi, pour Votre Majesté, le travail de la veille n'a d'autre perspective et d'autre récompense que le travail du lendemain"!

» Ah! Sire, suspendez un jour cette action infatigable! Tous les yeux sont jaloux de voir Napoléon le Grand; tous les cœurs sont ouverts pour lui!

[ocr errors]
[ocr errors]

Nous n'essaierons pas de peindre ce que nous éprouvons; les transports de la joie publique seront plus éloquens que nos faibles paroles. Mais ce que le Sénat doit dire, c'est que les sentimens du peuple répondent dignement aux actions du prince. La nation française s'enorgueillit de son monarque. Sire, tous vos contemporains se félicitent de leur siècle.

» Heureux ceux qui ont pu échapper ou survivre à nos malheureuses discordes, pour être les témoins de la gloire de leur pays, et contempler l'éclat et la prospérité que la faveur du ciel verse sur cet Empire depuis que le Sénat et le peuple, et Dieu même, ont remis le sceptre en des mains dignes de le porter!

» Ah! qu'à partir de cette époque la France doit chérir sa quatrième dynastie! Que de problèmes résolus et au dehors et au dedans!

» Au dehors, en effet, le nom français est respecté, nos alliés sont affermis, nos ennemis sont reconnus pour les ennemis de l'Europe, et leurs combinaisons perfides n'ont abouti qu'à augmenter l'éclat de votre diadême et votre gloire personnelle. S'ils avaient conspiré pour vous rendre plus grand encore, ils n'auraient pas mieux réussi.

» Au dedans, Votre Majesté, toujours fidèle à ses principes, maintient inviolablement l'union de la liberté avec la monarchie. Toutes nos craintes sont passées; nos espérances sont accrues. Sire, tous les Français sentent ce qu'ils vous doivent il n'en est pas un seul qui ne soit pénétré pour Votre Majesté de cet enthousiasme que sa grande âme communique, et qui semble élever vers elle toutes les autres âmes.

» Daignez donc, Sire, recevoir à ces titres sacrés nos félicitations, nos sentimens et nos hommages, qui sont ceux de votre grand peuple! Daignez, ô le meilleur et le plus ilustre

des princes! accueillir favorablement ces tributs d'admiration, de dévouement et de respect que le Sénat en corps est empressé d'offrir à Votre Majesté impériale et royale! Et quoique votre modestie parle si simplement des prodiges sans nombre par lesquels ce génie, qui avait déjà surpassé tous les autres héros, vient de se surpasser lui-même, souffrez que nous exécutions le décret du Sénat en donnant solennellement au sauveur de la France le nom de Grand, ce nom si juste, ce titre que la voix du peuple, qui est ici la voix de Dieu, nous prescrit de vous

décerner.

» En joiguant ce beau titre à la commune expression du vœu universel, nous finirons par ces mots, devenus en France un cri national, qui émane de tous les cœurs et qui est sur toutes les lèvres: vive Napoléon le Grand ! »

L'empereur a répondu « qu'il remerciait le Sénat des sentimens que le président venait d'exprimer ; et il a ajouté qu'il » mettait son unique gloire à fixer les destinées de la France » de manière que dans les âges les plus reculés elle fût toujours » reconnue par la seule dénomination du grand peuple. »

DISCOURS du Tribunat, prononcé par M. Fabre (de l'Aude), président.

"

Sire, le Tribunat vient mêler aux acclamations publiques l'expression de la joie que lui inspire l'heureux retour de Votre Majesté.

» Dans le cours de la campagne qu'elle vient de terminer si glorieusement, Votre Majesté n'a point perdu de vue l'état intérieur de la France; sa vigilance et sa prodigieuse activité se sont étendues à toutes les parties de l'administration.

» Mais la présence de Votre Majesté n'en était pas moins vivement désirée.

» Chacun a senti le besoin de contempler le héros qui venait d'opérer tant de prodiges, et que d'innombrables bienfaits avaient rendu l'objet de l'admiration, de l'enthousiasme et de l'amour de ses peuples.

>>

Sire, les ennemis de la France sont eux-mêmes forcés de rendre hommage à la sublimité de vos conceptions.

» Constante et ferme dans toutes ses entreprises, Votre Majesté a toujours la certitude d'arriver au but qu'elle veut atteindre, soit que ses projets aient été si bien combinés, et ses mesures si bien prises, qu'elle contraigne la fortune à les couronner; soit qu'une puissance surnaturelle prenne ellemême le soin de les lui inspirer et d'en assurer le succès.

"

Sire, la confiance sans bornes que vous témoignent vos

fideles sujets, et que justifie une expérience déjà longue, si on compte plus les faits que les années, est dictée par le souvenir des plus éminens services, et le dévouement le plus étendu. "Le Tribunat se félicite d'avoir à exprimer à Votre Majesté des sentimens dont il a été constamment animé; il regrette de ne point trouver des expressions assez fortes pour peindre dignement tout ce que Votre Majesté a fait pour la gloire et le bonheur de ses peuples, et tout ce que de leur côté ils ressentent pour votre auguste personne d'amour et de reconnaissance. »

L'empereur a répondu « qu'il désirait qu'on ne se ressou» vînt de ce qui a été fait de bien dans ces derniers mois qu'au » moment où son armée rentrerait en France, afin que ses » soldats fussent alors accueillis comme doivent l'être des en» fans qui sont la gloire et l'honneur de leurs familles; qu'il fallait en ce moment s'occuper uniquement de perfectionner » la législation, parce que les bonnes lois sont la cause la plus durable de la prospérité des peuples. »

[ocr errors]
[ocr errors]

VII.

INSTITUTION DE DEUX FÊTES, la SAINT NAPOLÉON et l'ANNIVERSAIRE DU CONCORDAT, l'anniversaire DU COURONNEMENT RESTITUTION AU

et DE LA BATAILLE D'Austerlitz.

CULTE DE L'Église Sainte-geneVIÈVE (le Panthéon), et RESTAURATION DE L'ÉGLISe de saint-denis.

RAPPORT fait à l'empereur par le ministre des cultes. Du 19 février 1806.

Sire, les solennités périodiques et nationales sont des monumens impérissables; liées au cercle des saisons et des années, elles rattachent les grandes époques de la terre au cours inaltérable des cieux. Elles sont de vivantes représenta tions des événemens des temps anciens; elles les rendent contemporains de tous les âges, et la patrie emprunte de ces institutions l'activité de sa force et de sa puissance. Elles ont sur les inscriptions mortes l'avantage du présent sur le passé.

» Mais les cérémonies et les pompes civiles ne sont rien si elles ne se rattachent aux pompes et aux cérémonies de la religion. La religion comble l'espace immense qui sépare le ciel de la terre; elle communique à toutes les pompes un sens mysté

[ocr errors]

rieux et sublime; elle imprime à ses cérémonies cette gravité imposante et ce caractère touchant qui commandent le recueillement et le respect; elle lie les actions passagères des hommes à cet ordre de choses éternel, la source unique de toutes les consolations célestes, et l'unique but de toutes les espérances pieuses. Les arts eux-mêmes manquent d'éloquence s'ils ne s'adressent à cet instinct moral et religieux qui dans l'homme peut seul faire participer le cœur aux élans de l'imagination et aux conceptions de l'esprit.

»

Sire, deux grandes fêtes doivent être au milieu de nous les signes permanens des grandes choses opérées par votre génie. L'une rappellera l'union sainte de la paix et de la justice, la France réconciliée avec elle-même, le christianisme reprenant sa divine et salutaire influence, la morale recouvrant ses tribunaux, les tribunaux une puissance qu'ils ne tiennent pas des lois, les lois une sanction céleste, un code nouveau adapté aux progrès des idées et à la stabilité des principes, une organisation nouvelle de tout l'ordre social, rajeuni quoique replacé sur ses antiques bases, vivifié par un nouvel esprit et par de nouvelles formes; en un mot elle sera destinée à perpétuer le souvenir de notre régénération intérieure.

>> L'autre célébrera le rétablissement de ce gouvernement vraiment national, qui donne un père à la patrie, et qui, supprimant les convulsions intestines, communique à l'ordre politique la marche douce et paisible de l'ordre de la nature; cette splendeur qui rejaillit du trône sur les citoyens, et les ennoblit aux yeux des nations étrangères; cette mémorable victoire d'Austerlitz, qui a sauvé le midi civilisé de l'Europe de la tyrannie du nord encore barbare; ces événemens accomplis en si peu de temps, une ligue insensée dissipée, des trônes élevés, une nouvelle balance de l'Europe établie, et le héros de la France devenant le pacificateur de l'Allemagne, le restaurateur de l'Italie et le bienfaiteur de l'humanité; en un mot elle sera destinée à perpétuer le souvenir de l'accroissement de prépondérance et de force que la France a acquis au dehors pour le bonheur du monde.

[ocr errors]

Mais, Sire, le principe salutaire de l'économie du temps doit présider à l'institution des fêtes dispensées avec épargne, elles impriment à l'amour du travail une nouvelle impulsion; elles renouvellent les forces, et communiquent à l'industrie nationale une activité particulière en fournissant à la médiocrité aisée l'occasion honnête d'étaler un luxe innocent.

» Que le jour de l'Assomption soit consacré à la première de ces solennités; c'est celui de la naissance de Votre Majesté impériale et royale. Tous les bienfaits que la Provi

dence destinait à la grande nation dans l'ordre éternel de ses décrets, tous les souvenirs glorieux, tous les souvenirs chers aux Français viennent s'y rattacher. Que la célébration de la fête de Saint-Napoléon ait lieu dans ce grand jour! La fête patronale de Votre Majesté impériale et royale doit être celle de tout l'Empire.

» La seconde de nos solennités nationales sera célébrée le premier dimanche qui suivra le jour anniversaire du couronnement de Votre Majesté impériale et royale; elle sera environnée de tout l'éclat de vos victoires et de toute la gran deur à laquelle le nom français est parvenu sous ses auspices. » J'ai l'honneur en conséquence de proposer à Votre Majesté impériale et royale le projet de décret suivant..

Je suis avec un profond respect, elc. Signé PORTALIS.

( Un décret impérial, daté du même jour, consacre les dispositions exposées dans ce rapport.)

RAPPORT fait à l'empereur par le ministre de l'intérieur. Du 19 février 1806.

[ocr errors]

Sire, dans le cours des discordes qui ont accompagné nos troubles civils, deux grands monumens publics ont offert un spectacle qui a affligé les amis des arts et les âmes religieuses. L'église de Sainte-Geneviève, le plus beau de tous les temples de la capitale ; ce temple, qui, placé au sommet du mont consacré à un culte tutélaire, couronnait si noblement l'ensemble des chefs-d'œuvre qui décorent cette capitale, et annonçait de loin à l'étranger le règne auguste de la religion sur cette population immense, enlevé au vœu de la piété au moment même où elle en allait jouir, consacré ensuite à une autre destination, laissé enfin désert, sans emploi et sans but, semble s'étonner lui-même d'un tel abandon. La froide curiosité, en visitant son enceinte, s'étonne de rencontrer déjà, dans un monument à peine achevé, la solitude des ruines; le génie des arts, qui épuisa sur lui toute la richesse de ses conceptions, s'afflige de le trouver sans caractère, je dirais presque sans âme et sans vie; la religion, voyant ses espérances trompées, détourne ses regards d'un monument dont la majesté ne peut être dignement remplie que par le culte du Tres-Haut, et qui s'élevait comme le juste hommage rendu à Dieu par le génie des hommes.

» Saint-Denis s'enorgueillit d'un autre monument qui date au contraire de l'origine même de la nation, que Dago

XIX.

15

« PreviousContinue »