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bert dédia au protecteur de la France, que releva l'abbé Suger, qui renferme en quelque sorte dans son sein l'histoire tout entière de cet Empire. Là reposent trois races qui régnèrent sur la France; spectacle qui commande des méditations profondes pour les princes et pour les peuples, rappelant à la fois toute la grandeur des choses humaines et leur fragile durée; mausolée consacré par la religion et par les siècles; vaste cercueil plein d'une poussière de rois, placé à l'écart et hors du tumulte de la capitale comme par un mouvement de terreur et de respect.

»Je ne rappellerai point les ravages auxquels il fut livré; son enceinte seule y avait survécu. Dans un siècle parvenu au plus haut degré de la civilisation, on découvrait au centre de l'Empire cette ruine colossale, entourée de débris épars, comme peu vent l'être les restes de quelque édifice des premiers âges dans les déserts de l'Asie. Sire, ce triste aspect n'est plus; par vos ordres Saint-Denis a été réparé, et garanti au moins des ravages des saisons. Votre Majesté vient de visiter le Panthéon; et déjà votre pensée seule a ranimé et presque recréé ces deux monumens. Elle leur rendra toute leur dignité première : votre génie réparateur peut effacer ces derniers vestiges que l'esprit de la destruction laissa de son terrible passage. Sainte-Geneviève sera rouverte à l'empressement des fidèles; Saint-Denis sera rendu à son antique et imposante destination. La pensée de Votre Majesté a embrassé le passé et l'avenir; celui-ci lui offrait des créations nouvelles, l'autre des torts à réparer: elle veut que Saint-Denis serve de sépulture aux empereurs. Elle eût voulu replacer les cendres des rois des trois premières dynasties; mais déjà elles n'existent plus; elle a ordonné que trois chapelles suppléeraient aux tombeaux qui pendant tant de siècles ont été déposés dans cette église. Ce spectacle ap-, prendra aux souverains ce que l'histoire leur enseigne à chaque instant, que le courage, les vertus et le bien qu'ils font à leurs peuples fondent les dynasties, qui finissent sous des princes faibles, incertains ou ignorans. Aucune des trois races n'eut de fondateur plus illustre, qui en moins de temps répara plus de maux, fit plus, et fut plus aimé de son peuple que celui de la dynastie impériale : les princes qui lui succéderont seront dignes de son nom et de son sang, et le monument qu'il consacre sera un spectacle des vicissitudes humaines autant que de la grandeur de celui qui l'aura restauré.

» Le zèle des beaux-arts avait recueilli avec une activité courageuse les monumens funèbres exilés des temples, et s'était félicité dans les temps orageux de leur trouver un asile; mais il gémit aujourd'hui de les voir déposés dans une enceinte où

tout leur est étranger, où semble éteinte la pensée qui les éleva, où rien ne les explique, où, devenus stériles et muets, ils ne transmettent qu'une impression incertaine à l'âme du spectateur.

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Votre Majesté a voulu rendre à la religion les mausolées que la religion fonda, leur rendre à eux-mêmes leur caractère primitif, les rétablir dans leur harmonie naturelle avec tous les souvenirs qu'ils doivent consacrer, et, sans les dérober à l'admiration publique, associer leur présence aux cérémonies funèbres et au spectacle du culte divin. Ainsi un voile religieux, s'étendant sur eux, deviendra pour eux une sorte de décoration; ils décoreront eux-mêmes un temple majestueux. Le génie des beaux-arts retrouvera désormais à leur vue le même enthousiasme qui en inspira la création. Qu'auprès d'eux s'élèvent des mausolées nouveaux, propres à rappeler de plus grands souvenirs; monumens dignes de ces souvenirs et du siècle qui les verra naître.

» Telle est, Sire, la nouvelle destination que vous avez marquée au Panthéon; Votre Majesté a voulu qu'il soit le temple de la religion et celui de la reconnaissance, dont le vœu réuni, en s'élevant vers le ciel, lui demande d'acquitter la dette contractée sur la terre envers ceux qui auront bien servi la patrie et le prince. Les grands dignitaires, les grands officiers de l'Empire, de la couronne et de la Légion-d'Honneur, les généraux et sénateurs, vous paraissent avoir des droits à cette noble sépulture; grande conception, qui accomplit ainsi dans une même consécration les vœux du patriotisme, de la morale et des beaux-arts.

» Je suis avec un profond respect, etc. Signé CHAMPAGNY. »

(Un décret impérial, daté du 20 du même mois, consacre les dispositions exposées dans ce rapport. Il établit en outre un chapitre composé de dix chanoines pour desservir l'église de Saint-Denis. Il charge le chapitre métropolitain de Notre-Dame, augmenté de six membres, de desservir l'église Sainte-Geneviève.

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VIII.

SESSION DE 1806.

DISCOURS prononcé par l'empereur à l'ouverture de la session, le 2 mars 1806, (1)

« Messieurs les députés des départemens au Corps législatif, messieurs les tribuns et les membres de mon Conseil d'état, depuis votre dernière session la plus grande partie de l'Europe s'est coalisée avec l'Angleterre. Mes armées n'ont cessé de vaincre que lorsque je leur ai ordonné de ne plus combattre. J'ai vengé les droits des états faibles, opprimés par les forts. Mes alliés ont augmenté en puissance et en considération; mes ennemis ont été humiliés et confondus: la maison de Naples a perdu sa couronne sans retour. La presqu'île de l'Italie tout entière fait partie du grand Empire : j'ai garanti, comme chef suprême, les souverains et les constitutions qui en gouvernent les différentes parties.

» La Russie ne doit le retour des débris de son armée qu'au bienfait de la capitulation que je lui ai accordée. Maître de renverser le trône impérial d'Autriche, je l'ai raffermi. La conduite du cabinet de Vienne fera-t-elle que la postérité me reprochera d'avoir manqué de prévoyance? J'ai ajouté une entière confiance aux protestations qui m'ont été faites par son souverain. D'ailleurs les hautes destinées de ma couronne ne dépendent pas des sentimens et des dispositions des cours étrangères: mon peuple maintiendra toujours ce trône à l'abri des efforts de la haine et de la jalousie; aucun sacrifice ne lui sera pénible pour assurer ce premier intérêt de la patrie.

» Nourri dans les camps, et dans des camps toujours triomphans, je dois dire cependant que dans ces dernières circonstances ines soldats ont surpassé mon attente; mais il m'est doux de déclarer aussi que mon peuple a rempli tous ses devoirs. Au fond de la Moravie, je n'ai pas cessé un moment d'éprouver les effets de son amour et de son enthousiasme ; jamais il ne m'en a donné des marques qui aient pénetré mon cœur de plus douces émotions. Français, je n'ai pas été trompé

(1) C'est par un décret daté de Schoenbrunn, le 6 nivose an 14 (27 décembre 1805), que Napoléon avait convoqué le Corps législatif.

dans mon espérance! Votre amour, plus que l'étendue et la richesse de votre territoire, fait ma gloire. Magistrats, pretres, citoyens, tous se sont montrés dignes des hautes destinées de cette belle France, qui depuis deux siècles est l'objet des ligues et de la jalousie de ses voisins.

» Mon ministre de l'intérieur vous fera connaître les événemens qui se sont passés dans le cours de l'année. Mon Conseil d'état vous présentera des projets de loi pour améliorer les différentes branches de l'administration. Mes ministres des finances et du trésor public vous communiqueront les comptes qu'ils m'ont rendus; vous y verrez l'état prospère de nos finances. Depuis mon retour je me suis occupé sans relâche de rendre à l'administration ce ressort et cette activité qui portent la vie jusqu'aux extrémités de ce vaste Empire. Mon peuple ne supportera pas de nouvelles charges; mais il vous sera proposé de nouveaux développemens au système des finances, dont les bases ont été posées l'année dernière. J'ai l'intention de diminuer les impositions directes, qui pèsent uniquement sur le territoire, en remplaçant une partie de ces charges par des perceptions indirectes.

» Les tempêtes nous ont fait perdre quelques vaisseaux après un combat imprudemment engagé. Je ne saurais trop me louer de la grandeur d'âme et de l'attachement que le roi d'Es, pagne a montrés dans ces circonstances pour la cause commune. Je désire la paix avec l'Angleterre. De mon côté je n'en retarderai jamais le moment; je serai toujours prêt à la conclure, en prenant pour bases les stipulations du traité d'Amiens. Messieurs les députés au Corps législatif, l'attachement que vous m'avez montré, la manière dont vous m'avez secondé dans les dernières sessions ne me laisse point de doute sur votre assistance. Rien ne vous sera proposé qui ne soit nécessaire pour garantir la gloire et la sûreté de mes peuples. » COMPTE RENDU DE LA SITUATION DE L'EMPIRE ; lu par le ministre de l'intérieur, M. Champagny. Séance du 5 mars 1806.

Messieurs les députés des départemens au Corps législatif, suis chargé par S. M. l'empereur de vous rendre compte de la situation de l'Empire pendant l'année qui vient de s'écouler.

» Ses destinées venaient d'être fixées sur une base immuable; une cérémonie dont le souvenir formera une époque dans nos annales avait élevé le chef de l'Etat et son auguste famille à la dignité que demandaient et les vœux et les besoins de la France, lorsque l'année dernière vous vous réunîtes dans celle

enceinte, que vint consacrer sa présence. Ce fut au milieu de Yous que brillerent les premiers rayons de cet éclat immortel dont l'ont environné les hommages du peuple et les bénédictions du ciel, augure heureux pour les travaux auxquels vous alliez vous livrer: aussi vos opérations ont-elles répondu à son attente, car toutes ont été utiles; l'amour du bien public, l'inspiration du génie ont guidé tous vos pas, et l'unité établie dans l'Empire, et si solennellement proclamée, a semblé mettre plus d'harmonie encore dans vos sentimens et dans vos délibérations.

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L'empereur à son tour vous avait annoncé qu'il envisageait une grande dette dans ses nouveaux honneurs. Tous ses instans ont été consacrés à l'acquitter : vous savez s'il a rempli ses promesses, et à quel point il a surpassé votre attente; vous savez de quels événemens, peut-être direz-vous de quels prodiges, une année à peine écoulée a été remplie. Je les rappellerai sans prétendre les raconter ni en décrire les immenses résultats. L'Europe, encore immobile d'étonnement et de crainte; la France, transportée d'admiration et d'amour, me dispensent de dire ce que j'essaierais vainement d'exprimer.

A peine vos travaux étaient terminés lorsque l'empereur entreprit de visiter une partie de la France. Si partout il a été salué par les témoignages les plus vifs et les plus unanimes des affections publiques, si les habitans des villes et des campagnes sont accourus au devant de lui en lui offrant l'hommage de leur reconnaissance et de leur amour, il n'a pas éprouvé une jouissance moins chère à son cœur en voyant de ses propres yeux les heureux résultats d'une administration constamment animée depuis six ans par la plus généreuse sollicitude pour le bien des peuples et la restauration de l'ordre public. Il a vu les traces de nos malheurs effacées, et leurs souvenirs mêmes presque éteints; les lois respectées; les magistrats livrés avec zèle à leurs devoirs; les mœurs épurées; les idées religieuses en honneur; l'urbanité française rendue à son ancienne délicatesse. Si quelques améliorations restaient encore à opérer, ce n'étaient plus ces réparations qui succèdent à de grands désastres; c'étaient ces perfectionnemens qui appartiennent à un temps de calme et de prospérité. Cependant l'empereur a voulu les connaître, les accomplir; il a appelé à lui tous ceux qui par leurs fonctions ou leurs lumières pouvaient seconder ses vues; admis tous ceux qui avaient des grâces à solliciter; accueilli les demandes; écouté, provoqué les observations; récompensé les services; vu lui-même les moindres détails; et partout il a laissé dans des mesures d'une haute sagesse des monumens durables de son passage.

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