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Troyes reçoit ses premiers regards et obtient ses premiers bienfaits: ces bienfaits lui promettent une existence digne de son ancienne célébrité. Le projet d'une navigation de la Seine se faisant par les mêmes bateaux de Paris à Châtillon, non loin de sa source, est conçu; les détails en sont arrêtés. L'amélioration de celle de la Saône est projetée; les villes qu'elle baigne reçoivent des embellissemens; les quais de Châlons, Tournus, Macon, doivent être restaurés et agrandis. Macon verra s'élever dans ses murs une cathédrale plus belle que celle dont elle regrette la destruction: l'empereur contribue à cette construction d'une somme considérable, prise sur ses propres revenus. La Seille, rendue navigable, sera un nouveau bienfait pour le département de Saône-et-Loire. Le département de Ï'Ain se réveille à la vue de son souverain, qui vivifie tout, et qui s'occupe avec intérêt d'accroître son industrie, et de corriger l'insalubrité d'une partie de son territoire.

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» Lyon, déjà comblée des bienfaits de celui qui releva ses édifices et repeupla ses ateliers, croit n'avoir plus de vœux à former, et n'éprouve que le besoin d'entourer de ses justes transports le libérateur qu'elle chérit; mais la sollicitude de l'empereur pour cette capitale de l'industrie française n'est point épuisée et lorsqu'on ne l'entretient que de reconnaissance son regard découvre encore les moyens d'accélérer les progrès d'une périté toujours croissante depuis son règne : les parties méridionales de la ville seront assainies; le Rhône sera contenu dans ses rives, et rapproché de la ville, qu'il semble vouloir abandonner; de sages réglemens fixent la fidélité dans les ateliers, et garantissent la confiance du consommateur étranger sans gêner la liberté de l'industrie; des récompenses, décernées par l'empereur lui-même, redoublent l'émulation des ouvriers; une école de dessin assurera le perfectionnement de l'art. Lyon, communiquant avec la mer par le midi, bientôt avec le Rhin par le canal Napoléon, avec l'Océan et la Manche par la Saône, la Loire et la Seine, débouché de la Suisse et du Piémont, jouira d'un entrepôt qui, développant le bienfait d'une situation si heureuse, achevera de la rendre le centre d'un vaste commerce.

» L'ancienne Savoie, longtemps opprimée par la politique de ses souverains, heureuse d'être réunie par ses lois à une patrie à laquelle elle appartint toujours par ses mœurs, offre à l'empereur des cœurs fidèles et déjà éprouvés ; tout est en mouvement dans ses vallées, jadis presque inaccessibles, bientôt ouvertes aux communications les plus fécondes: mais les grandes opérations dont elle est le théâtre ne laissent point négli ger ses moindres intérêts. Le château de Chambéry renaît de ses cendres; des édifices abandonnés sont rendus à l'utilité pu

blique; des asiles sont ouverts à l'indigence; des points de repos sout assurés aux voyageurs; le germe de l'industrie est sené sur un sol auquel il paraissait étranger.

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L'empereur franchit les Alpes par cette route que son gr nie a conçue et que sa puissance exécute. Ici une nouvelle scène s'offre à ses regards. Le Piémont conserve encore quel→ ques vestiges d'une révolution moins terrible, mais plus récente que la nôtre; il semble n'être point entièrement français, ni par les sentimens qui le dominent, ni par les ayantages dont il jouit. L'empereur, qui deux fois avait paru autour des murs de Turin à la tête d'une armée victorieuse, et n'y était point entré par respect pour l'infortune ou la faiblesse 9 entre y la première fois; il s'y montre comme le père de ses nouveaux enfans, sans soldats, sans gardes, accompagné seulement des bienfaits qu'il apporte; plus grand et plus puissant de cette noble sécurité. Les affections auxquelles il s'est confié éclatent de toutes parts; le peuple piémontais s'est montré digne de la confiance dont il l'honore. Les hommages publics viennent former son cortége; les grands propriétaires, restés à l'écart, se pressent autour de lui. Les administrations, incertaines s'éclairant de son génie, suivent une marche plus ferme et plus régulière; les abus sont réformés; le commerce, languissant, se ranime; de nouveaux débouchés lui sont promis; les incertitudes sont fixées; les opinions sont réconciliées; ceux qui dans des temps difficiles se dévouèrent aux intérêts de la France sont assurés que la France, fidèle, n'oubliera jamais leurs services; ceux qui, engagés par les bienfaits de leurs auciens maîtres, ont cru que le malheur ajoutait aux devoirs de la reconnaissance, apprennent que leur nouveau souverain est trop généreux pour conserver d'autre souvenir que celui du dévouement dont ils se montrèrent capables; les services sont récompensés, quelle qu'en soit la date, et la nouvelle patrie acquitte les dettes de l'ancienne; les familles principales, admises autour du trône impérial, répandent autour d'elles l'éclat des honneurs qu'elles ont reçus; les grands proprié taires, sans espérer le retour d'aucun privilége, n'ont plus d'exclusion à craindre; chaque chose reprend la place que lui marquaient la sagesse et la justice. Le Piémont, conquis autrefois par les armes, est maintenant naturalisé par les bienfaits.

»Tous les points du Piémont verront dater de cette époque des institutions précieuses; mais trois villes surtout ont dû fixer l'attention de l'empereur; Turin, Casal, Alexandrie : Turin, jadis résidence d'une cour; Casal, ancienne capitale du Mont-Ferrat, depuis longtemps naturalisée par les souvenirs, les affections et les mœurs; Alexandrie, autour de la

quelle, dans toutes les guerres, roulerent comme sur leur pivot les grandes opérations militaires.

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Turin, veuve de ses rois, est consolée par une auguste promesse; un frère de l'empereur gouvernera cette belle contrée, et son caractère connu garantit le bonheur dont il la fera jouir. Il résidera à Turin; une cour aimable et brillante rendra à cette ville bien plus qu'elle n'a perdu; son magnifique palais deviendra le séjour de la bonté et des grâces. Jadis triste forteresse environnée d'ennemis, maintenant ouverte à la France et à l'Italie, dont elle semble être le lien, elle ne sera entourée de peupl s amis, et le commerce et les arts, empressés de s'y rendre, lui prodigueront leurs bienfaits.

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Casal, oubliée jusqu'à ce jour, mais toute dévouée au chef de l'Empire, n'a fait entendre que ses acclamations, et pas une plainte. L'empereur a prévenu tous ses vœux; un lycée, un évêché, des tribunaux, rendent la vie à cette belle cité; des concessions l'enrichissent: ces bienfaits donneront un développement rapide aux avantages qu'elle tenait de son heureuse situation, d'un climat favorable et de tous les dons de la nature.

» Alexandrie, fière de recevoir dans ses murs les mêmes braves dont elle vit la victoire et dont elle fut la conquête, célèbre leur arrivée comme une fête triomphale. Ils sont assemblés sous ses murs; le vainqueur de Marengo est entouré des compagnons de sa gloire dans cette plaine qui en fut l'illustre théâtre; le prix de la valeur est distribué par les mêmes mains qui eu dirigerent les exploits; un monument est consacré aux mânes de ceux qui s'immolèrent pour la patrie; les peuples de l'Italie, accourus à ce spectacle, célèbrent avec les soldats français l'anniversaire d'un jour qui fixa leurs destinées en assurant celles de la France.

» En de tels lieux les Français seront toujours sûrs de vaincre La sera établi le boulevart de l'Empire ; là s'élevera la première place forte de l'Europe: les fleuves se détournent pour en protéger l'enceinte; les combinaisons les plus profondes de l'art dirigent des travaux immenses, où déjà plus de douze millions ont été dépensés. L'empereur en a tracé le plan, suivi tous les détails. Il rend Alexandrie le siége de tous les grands établissemens militaires. Mais en lui assignant une si haute importance dans la guerre, il veut la faire jouir de tous les bienfaits de la paix : il rétablit son administration intérieure ; il lui crée un commerce d'entrepôt et de transit, que lui destinaient les rivières qui la baignent et les communications dont elle est le centre; ses campagues, jadis dévastées par des brigands, sont délivrées du fléau qui les désolait depuis plusieurs siècles.

» Les bénédictions qui accompagnent l'empereur ont retenti

dans toute la chaîne de l'Apennin. Gênes les a entendues; elle s'est empressée de présenter à l'empereur son hommage et ses vœux. Ses vœux sont d'être Française: elle l'est à moitié par ses affections, par ses habitudes; l'intérêt de sa propre existence lui commande de l'être entièrement. Resserrée entre la mer qui la nourrissait autrefois, et dont nos ennemis, qui sont les siens, ont fermé les passages, et ces montagnes dont nos lois, sagement prohibitives, font une barrière pour elle, Gênes, manquant de tout, sans force, sans lois, presque sans gouvernement, sollicite l'honneur d'une adoption qui la réunisse à un grand peuple, et la fasse entrer en partage des biens dont il jouit, et du premier de tous, de son gouvernement. Ce vœu a été accompli: il était celui de toutes les classes des citoyens, et pour toutes la réunion a été un bienfait. L'empereur l'a consacrée par sa présence; il a été accueilli avec les transports que fait naître un libérateur. Gênes, française, reçoit les denrées du Piémont, fournit à la France les produits de son industrie, vit et s'enrichit par elle, et lui promet à son tour un accroissement de force maritime et de richesse commerciale. Plusieurs de ses citoyens, déjà connus de l'empereur, reçoivent de lui des distinctions flatteuses; les lois françaises y sont introduites sans blesser aucun des intérêts qui l'avaient fait fleurir autrefois; ses finances sont améliorées; la dette publique est consolidée. Son territoire est agrandi; il est partagé en départemens, et le département le plus près de la France reçoit un nom qui rappelle un des premiers succès du héros de la France, une des premières couronnes dont la victoire orna ce front depuis si chargé de lauriers. La terre où ce premier laurier, présage de tant d'immortels succès, fut cueilli, avait bien mérité d'être française. Le bienfait de cette organisation est assuré à Gênes par le choix d'un grand dignitaire nommé pour l'établir.

» Parme et Plaisance, longtemps incertaines de leurs destinées, encore soumises à des institutions gothiques, ont aussi possédé le chef de l'Empire, et de son passage datent pour elles un code de lois, un système d'administration assorti aux lumières du siècle. Si de fausses alarmes ont jeté un instant de trouble dans quelques vallées de ces états, des mesures promptes et sans violence ont bientôt ramené l'ordre parmi des pâtres égarés, incapables d'indiquer eux-mêmes le motif d'une agitation presque puérile, et qui a cessé du moment où l'on s'en est sérieusement occupé.

» Cependant l'Italie a changé de face, et l'antique royaume des Lombards s'est relevé à la voix de Napoléon. L'Italie, se reposant à l'ombre de la monarchie de ses longues agitations, n'a plus rien à envier à la France; le même soufle la ranime:

la même puissance la protége; le même esprit fonde ses institutions nouvelles en les accommodant à sa situation et à ses mœurs.

» Milan a salué du nom de son roi celui qu'elle avait appelé son libérateur. Mantoue reçoit avec transport celui qui fut sous ses murs le vainqueur de cinq armées envoyées successivement pour la défendre. Rassemblés à Castiglione, les soldats français se rappellent les succès de l'armée d'Italie : dans quelque partie de l'Europe que les conduise le génie qui les mena tant de fois à la victoire, ils se promettent encore de plus brillans succès. L'Italie s'enorgueillit de recevoir des lois d'un nouveau Charlemagne, et croit voir renaître avec son antique gloire toute la prospérité que lui assurent son sol et son climat. » Un prince nourri de ses leçons, adopté d'avance par ses affections comme il l'a été ensuite par ses décrets, continue son œuvre en se formant sur ce modèle : l'Italie s'attache avec enthousiasme à ses pas; déployant un nouveau caractère, elle espère prouver que sa longue faiblesse fut le vice de ses institutions, et non le tort de ses habitans.

» La France, qui recueille avec avidité le détail de ces grandes créations, suppose encore l'empereur occupé à les accomplir, lorsque déjà il est à la porte de la capitale, se faisaut rendre compte de la situation intérieure de l'Empire. Peu de jours après l'Angleterre, étonnée, entend retentir la côte de Boulogne du canon qui annonce sa présence: c'est là, au milieu de l'élite de l'armée, dans les derniers soins de ces grandspréparatifs, qu'il vient goûter le repos. Ses longues combinaisons touchent à leur terme; l'armée, impatiente, croit atteindre le moment qui récompensera ses longs travaux. Mais l'Angleterre, tremblante, non plus pour sa gloire ou son commerce, mais pour sa propre existence, a préparé sur le continent une puissante diversion; elle a lancé un cri de terreur. A ce cri le continent s'est ébranlé; ses guerriers ont pris les armes ; de toutes parts ils s'avancent contre la France; déjà ils menacent sa frontière. A cette agression inattendue, l'empereur change ses plans de campagne. L'Angleterre triomphe d'avoir versé sur le continent tous les maux qu'elle avait redoutés: vain triomphe; elle n'a pas tardé d'apprendre qu'elle n'avait fait que précipiter la ruine de ceux qu'elle regardait comme ses appuis, et creuser l'abîme qui doit l'engloutir.

» Dans peu de jours l'empereur avait transporté son armée des bords de la Manche aux rives du Rhin; il avait pris congé du Sénat, de la nation; il avait passé le Rhin; il était à Ulm, à Vienne, à Austerlitz.

»Je n'entreprendrai point de vous dire ces choses vraiment admirables, qui ne peuvent être dignement racontées que par

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