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celui qui les a faites; ces choses que nous savons tous, que nous apprendrons à nos enfans au moment où ils commenceront à pouvoir nous entendre; que nos neveux se diront avec orgueil, et qui fondent à jamais la gloire de la nation, presque aussi élevée que son incomparable chef. Ministre de l'empereur, je trompe ses intentions en tenant ce langage; mais je suis Français, et heureux de l'être, et je ne puis parler froidement de celui qui fait la gloire et la prospérité de mon pays.

» J'ai commencé ce précis de tant d'événemens à l'époque du couronnement; vous savez combien glorieuse est revenue au bout d'un an cette mémorable époque, et comment cette couronne, donnée par un grand peuple, a été raffermie par Dieu et par la victoire sur une tête si digne de la porter.

Ce

>> que vous savez moins, et ce qu'il m'appartient davantage de vous dire, c'est qu'au milieu de ces immenses et péni-, bles travaux, lorsque l'empereur, livré aux hasards et aux combinaisons de la guerre, en éprouvait toutes les fatigues comme le simple soldat, exposé à toute l'intempérie d'une saison rigoureuse, n'ayant souvent pour lit qu'une botte de paille, et pour toit que ce ciel d'où semble émaner tout le feu de son génie; alors même il tenait, à trois cents lieues de distance, tous les fils de l'administration de la France, en soignait les plus petits détails, s'occupait des intérêts de son peuple comme de ceux de ses soldats, voyait tout, savait tout; semblable à cette âme invisible qui gouverne le monde, et que l'on ne connaît que par sa puissance et ses bienfaits. Vous en avez pour preuve les décrets nombreux datés d'Ulm, de Munich, de Vienne, d'Austerlitz.

» L'intérieur était dégarni de troupes; Paris n'avait pas un soldat, et jamais l'ordre public n'a été plus exactement maintenu, jamais les lois n'ont été mieux observées : la France obéissait au nom de son souverain, ou plutôt au sentiment d'amour et d'admiration qu'elle éprouve.

» C'est ce sentiment qui hâte la marche de la conscription triple ses résultats, et devance l'époque où le contingent devait être fourni: par lui est formé ce long rempart de soldats volontaires qui garnissent nos frontières des bords de la Manche jusqu'aux montagnes des Alpes ; armée nouvelle, presque spontanément formée, et qui annonce à l'Europe qu'à la voix de son chef la France entière peut devenir une grande armée. C'est ce même sentiment de dévouement et d'ardeur guerrière qui animait ces jeunes gens empressés de servir de gardes d'honneur à l'empereur, et qui seuls dans toute la France pourraient regretter la rapidité de ces exploits auxquels ils n'ont pu prendre aucune part. La paix avait été conclue lorsque, dans

quelques parties de la France, on savait à peine que la guerre elait commencée; guerre moins longue que ne l'est votre session annuelle, et dont les suites doivent embrasser et les siècles, et l'Europe, et les autres parties du monde.

» Si le courage et le génie ont fait la guerre, la générosité et la modération ont fait la paix. Un souverain, malheureux par la guerre, a recouvré par la paix une grande partie de ses états; ses pertes ne sont rien auprès du danger qu'a couru la monarchie dont il est le chef. Des princes nos alliés ont vu étendre leur puissance et ennoblir leurs titres. Les bienfaits de l'empereur environnent la France de peuples amis de son gouvernement. L'Italie, cette noble fille de la France, et qui promet d'être digne d'elle, a recueilli les fruits de la guerre; mais sa force fait la nôtre; sa richesse ajoute à notre prospérité ; nos ennemis sont repoussés de ses rivages; ils ne peuvent plus avoir avec elle de relations commerciales; cette richie proie est enlevée à leur avidité : l'Italie est une conquête faite sur l'Angleterre. Elle s'unit à l'Allemagne par le double lien du voisinage et de l'amitié, et par cette alliance que son prince vient de contracter avec la fille d'un des plus puissans souverains de l'Empire germanique. C'est maintenant que la paix est assurée aux paisibles habitans des montagnes du Tyrol; le commerce viendra enrichir ses vallées désertes; sa conquête aura été un bienfait pour lui.

L'empereur, généreux envers ses ennemis, grand pour ses alliés, n'a été ni moins grand ni moins généreux pour son peuple et pour son armée. Jamais une telle moisson de trophées n'avait été offerte aux regards des hommes; jamais nation ne reçut un plus magnifique présent : l'enceinte où siége le Sénat de l'Empire, la cathédrale de cette cité, l'Hôtel-de-Ville, sont remplis et décorés des enseignes enlevées à l'ennemi offertes par la noble et délicate libéralité du conquérant; récompense également honorable pour les compagnons de sa victoire et pour son peuple, qui l'avait suivi de ses vœux, qui se préparait à le seconder de tous ses efforts.

"L'arinée a fait plusieurs campagnes en trois mois : la France les a comptées par les succès; l'empereur les compte pour les récompenses qu'il accorde. Les braves qui reviennent avec lui reviennent avec de nouveaux honneurs: ceux qui se sont dévoués pour la patrie lui ont légué les intérêts de leurs familles et le soin de leur mémoire ; il y a satisfait. Mais la plus digne récompense du soldat français c'est le regard de son empereur; c'est la gloire de l'Empire, accrue par son courage; ce sont les transports de la France entière, qui l'accueillent à son retour. L'empereur veut qu'il vienne les goûter sous ses yeux ; qu'une

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fête triomphale soit donnée par la capitale à l'armée, spectacle digne des grands événemens qu'il doit célébrer, où tout l'éclat des arts, où toute la pompe des cérémonies, où tous les signes de la gloire, où tous les accens de la joie publique viendront entourer la grande armée réunie auprès de son auguste chef, et feront un brillant cortège à ces phalanges de héros.

» Tels sont les principaux événemens de l'année qui vient de s'écouler je n'ai pu que les indiquer. Je vous dois de plus grands détails sur les dispositions législatives et sur les opérations administratives qui ont signalé cette brillante époque de notre histoire.

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» Les traitemens faits aux desservans des succursales ont été un objet de dépense notable, mais d'une importance majeure. Un grand nombre d'églises dégradées ont été réparées, et l'influence de la morale et de la religion se fait sentir. Dans ces circonstances un attachement sincère de la part des évêques et des curés a été manifesté à l'empereur non par de belles paroles, mais par un zèle efficace et actif, que S. M. a su apprécier.

>> La cour de cassation a rempli sa tâche. Elle maintient l'uniformité de la législation; sa surveillance réprime les abus qui s'introduisent dans les tribunaux. De nouveaux réglemens ont diminué d'un tiers les frais de justice, et l'empereur a mis à profit cette économie pour augmenter le traitement des juges, qui lui a paru trop disproportionné à l'importance de leurs fonctions.

» Le code judiciaire vous sera présenté. Différens corps qui ont adressé des réclamations ont été entendus. Ce ne sera pas un ouvrage parfait; mais il sera meilleur que ce qui existe jusqu'à présent.

»Les crimes ont diminué. La sûreté est telle que depuis bien des années les tribunaux criminels ont eu moins de crimes à punir.

» Du centre de l'Italie, l'empereur avait veillé sur la sûreté intérieure de la France, et sur les moyens de rendre invariable l'ordre qu'il y avait établi; il avait institué les compagnies de réserve : cette force, entièrement départementale, augmente les ressorts de l'administration en même temps qu'elle ajoute à sa dignité; elle veille autour des établissemens publics, et laisse à la gendarmerie la partie la plus active de son service, que ce corps estimable suit avec autant de succès que de zèle, la poursuite des brigands et des perturbateurs de l'ordre public; elle laisse disponibles les corps de l'armée, forme la jeunesse au service militaire, et lui apprend que c'est

en servant à maintenir l'ordre, l'obéissance aux lois et le respect des propriétés, que l'on devient digne de défendre l'Etat contre l'ennemi du dehors.

L'administration a suivi la marche qui lui avait été imprimée pendant la paix : les travaux publics commencés ont été continués avec ardeur; de nouvelles et grandes entreprises ont été conçues, préparées, exécutées; et avec le fardeau d'une double guerre contre l'Europe presque entière, quarante millions ont encore été consacrés à cette branche importante du service public.

» Les Alpes et les Apennins, ces deux grandes barrières posées par la nature, que le génie de la guerre avait seul franchies jusqu'à ce jour, s'ouvrent aux efforts de l'art, et unissent l'Italie et la France, le Piémont et la rivière de Gênes, par les liens du commerce, comme ils seront unis désormais par les intérêts politiques. Sur les pentes et sur les sommets du Simplon et du mont Cenis, roulent facilement d'énormes voitures, prodige des arts de la paix presque aussi étonnant que ces exploits de guerre dont ces montagnes ont été le théâtre. Sur les rives du lac de Leinan, au travers des précipices de la Maurienne, des chemins escarpés sont aplanis; bientôt une seule pente, adroitement ménagée, conduira le voyageur tranquille du Pont-de-Beauvoisin au pied du mont Cenis. Le mont Genèvre offrira à l'Espagne une communication plus abrégée avec l'Italie. Les rochers qui bornent la Méditerranée de Toulon à Gênes, témoins des héroïques exploits de nos armées, pour lesquelles seules ils ont paru accessibles, cessant d'être le théâtre de la guerre, et aplanis par d'immenses travaux, leur offriront désormais un passage plus facile et plus sûr vers des contrées plus lointaines.

» Le produit de la taxe d'entretien des routes, s'élevant à quinze millions, a été abandonné à chaque département, et réparti sur les routes des première, seconde et troisième classes; le trésor public y a joint de cinq à six millions: la totalité de ces fonds a été employée en réparation des routes des deux premières classes. Plusieurs communications nouvelles, désirées par les administrés, ont fixé l'attention du gouvernement: celle de Valogne à la Hougue est achevée; celle de Caen à Honfleur se termine; celle d'Ajaccio à Bastia est à moitié ; celle d'Alexandrie à Savone est tracée; celles de Paris à Mayence par Hombourg, d'Aix-la-Chapelle à Mont-Joye, sont ordonnées. Le zèle des départemens a concouru sur plusieurs points avec les efforts de l'administration. Une louable émulation anime un grand nombre de cominunes pour la restauration des chemins vicinaux, et on doit espérer que cet exemple, ouvrant

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les yeux aux habitans des campagnes sur leurs premiers intérêts, se propagera chaque jour.

Des ponts se rétablissent sur le Rhin à Kehl et à Brissack, sur la Meuse à Givet, sur le Cher à Tours, sur la Loire à Nevers et à Roanne, sur la Saôre à Auxonne, sur le Rhône à Avignon; celui de Nemours est achevé; enfin ces deux indomptables torrens, la Durance, qui n'avait pas encore été mise sous le joug, l'Isère, qui avait brisé celui qu'on lui avait imposé, seront asservis à passer sous des ponts, déjà avancés, que la campagne prochaine verra finir; ouvrage énorme par ses difficultés, que l'on n'avait osé entreprendre, ou qu'on avait entrepris sans succès.

» Les rivages des mêmes fleuves, ceux de la Seine, de l'Aube, de la Moselle, de la Seille, du Tarn, ont été le théâtre d'un vaste système de travaux qui les bordent de chemins de hallage, rendent leur cours plus libre, et protégent les champs qui les avoisinent.

» Des savans distingués, appelés sur les bords du Pô, en ont parcouru toute l'étendue; visité, la sonde à la main, tous les passages. Délivré des nombreux obstacles qui entravaient son cours, soumis à une police plus sage, le Pô conduira du pied des Alpes à Venise nos marchandises et nos soldats. Une législation bienfaisante encourage ce commerce, qu'embarrassaient et les mesures fiscales des anciens princes, et la rivalité des états. L'empereur l'a prononcé, le Pó est libre!

» Six grands canaux sont en exécution. Celui de Saint-Quentin, auquel plus de cinq millions ont déjà été employés, peut être fini dans le courant de l'année prochaine, à l'aide des moyens que vous serez appelés à fournir: les souterrains se prolongent; il ne reste plus que deux écluses à fonder sur vingtquatre. Huit cent mille francs ont été consacrés au canal Napoléon, qui doit joindre le Rhin au Rhône. La portion du canal de Bourgogne, qui s'étend de Dijon à Saint-Jean-de-Losne, compte onze écluses sur vingt-deux. Les canaux du Blavet, de l'Ille et Rance, qui établissent au sein de la Bretagne des communications intérieures entre le golfe de Gascogne et la Manche, sont déjà conduits le premier au tiers, le second au huitième de leurs travaux. Celui d'Arles, qui doit donner au Rhône une issue navigable vers la mer, est au quart. Les canaux d'embranchement, qui áccroissent la fertilité naturelle de la Belgique, ont été réparés, continués, multipliés. .

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Quelques autres canaux non moins importans sont commencés, ou du moins tracés, et seront entrepris dès cette campagne : tels sont celui de Saint-Valery, qui perfectionnera la navigation de la Somme à la mer; celui de Beaucaire à

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