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l'hommage qu'il vous rend est donc aussi libre que sincère. Permettez encore qu'il vous exprime sa reconnaissance pour le don des drapeaux que vous lui avez promis, et qu'il suspendra autour de votre statue comme le seul ornement digne d'elle. Il s'empressera de donner à Votre Majesté, dans cette session comme dans toutes les autres, l'assistance que vous lui demandez ; vous trouverez toujours en lui ce qui doit vous plaire également, l'ami fidèle du trône et celui du peuple français. >>

"

RÉPONSE de l'empereur.

J'agrée les sentimens du Corps législatif. Je compte sur son assistance durant le cours de sa session pour tous les intérêts du trône et de la patrie. Vous pouvez compter eu retour sur tous mes sentimens de confiance et d'affection pour le Corps législatif, et en particulier pour chacun des membres qui le composent. »

MOTIFS du projet de loi qui confie à un gouverneur la direction de la banque de France; présentés au Corps législatif par M. Regnault (de Saint-Jeand'Angely). Séance du 12 avril 1806.

« Messieurs, la victoire avait à peine ramené l'empereur dans la capitale, impatiente de joie et d'amour; S. M. avait à peine reçu les embrassemens de sa famille et les premiers respects de ses serviteurs, et déjà elle avait rassemblé autour d'elle tous ceux qui avaient à lui rendre compte de la situation intérieure de l'Etat; déjà elle portait son attention sur la position où elle retrouvait, après une absence de plusieurs mois, toutes les parties de l'administration de l'Empire.

» Tout avait marché selon sa pensée; tout avait répondu à ses intentions; et S. M. daigna récompenser par son approbation le zèle des premiers fonctionnaires de son Empire.

» Une seule branche du service général avait souffert; une seule partie de l'administration publique avait trompé son espoir je veux parler de la Banque de France.

et que

» Satisfait de voir qu'elle avait repris ses paiemens, le mal était réparé pour ainsi dire par la seule présence du chef de l'Etat; que le crédit était recréé par ses premiers regards, un autre souverain aurait peut-être cru pouvoir dissimuler le passé, jouir du présent, et ne pas prévoir l'avenir.

» S. M. s'est livrée à de plus justes, plus grandes, plus utiles pensées.

» Elle a voulu examiner la nature, l'étendue du mal; elle a voulu en rechercher les causes, elle a voulu en préparer le remède.

» Un gouvernement sage et fort peut tout dire à une nation puissante et éclairée : dissimuler des erreurs ou des faules appartient à une faiblesse funeste; les publier et les réparer, appartient à l'habileté prévoyante.

»S. M. a reconnu que l'atteinte portée au crédit public, que la dégradation de notre change avec l'étranger, que la sus-. pension de la circulation intérieure des capitaux, que le taux exorbitant où l'intérêt était passagèrement monté, provenaient de la violation des règles imposées à l'administration de la Banque par la loi qui l'a crééc, par les statuts qui la régissent.

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» Loin de nous l'idée non seulement de blesser, mais même d'attrister qui que ce soit par l'exposé que nous allons faire! Mais, quand le mal a été aussi évident, il importe de remonter à ses causes; il importe de ne pas laisser accuser les vices d'une institution de toutes les fautes de l'administration; de ne pas laisser croire que tout doit être attribué à la force des circonstances, quand presque tout provient de la faiblesse des, hommes.

» Nous le dirons avec franchise, parce que nous pouvons le dire sans inconvénient pour le crédit, et que nous ne pourrions le dissimuler sans laisser sur l'avenir des nuages qu'il faut dissiper; l'administration de la Banque s'est laissée aller à trois principales violations non seulement des principes sages qu'elle devait suivre, mais des règles qu'elle était tenue d'observer.

"La Banque de France était destinée à réaliser le crédit général, et les règles de son service étaient bien définies dans la loi qui la constitua; les conditions auxquelles son privilége lui était accordé étaient bien établies. Rapportons les principales.

». Elle devait refuser les cffets de circulation créés collusoirement entre les signataires sans cause ni valeur réelle. * 2o. Elle ne devait reconnaître aux actionnaires aucun droit particulier à l'escompte à raison de leurs actions.

3. Elle devait se tenir en état d'échéance à vue de tous ses billets, et régler leur émission sur cette obligation.

» La Banque a manqué successivement à ces diverses obligations, et la violation des deux premières a amené la violation. de la dernière, et de la plus importante.

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Sr. Le privilége de la Banque ne lui est pas accordé pour elle, mais pour l'utilité générale, ce n'est pas pour l'avan

XIX.

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tage de ses actionnaires, mais pour celui du commerce et de l'Etat, qu'elle a seule le droit de grossir à son profit la masse de ses capitaux par des billets circulans.

» Ainsi toutes les mesures avaient été prises dans la loi pour faire participer le commerce à l'escompte, et le comité central institué par la loi devait faire l'état général de tous ceux qui seraient dans le cas d'y être admis, et conséquemment en régler la proportion.

Au lieu d'avoir un tel état des escompteurs, et dans la proportion de leur crédit, et de s'y conformer religieusement; ou, si l'on veut, au lieu de n'y comprendre que les négocians, banquiers ou marchands dont les effets étaient causés pour fournitures de valeurs réelles, et pour des transactions commerciales effectives, on a reçu, dans une proportion souvent indéfinie, des valeurs de circulation, des effets collusoirement souscrits entre un petit nombre de maisons. Une fois engagée avec elles, l'intérêt de la Banque, mal entendu sans doute, a porté son administration à permettre le renouvellement, l'accroissement de cette circulation funeste.

>>

» Ainsi le véritable commerce a souffert, ainsi des escompteurs privilégiés se sont appropriés, au taux modique de six pour cent, la plus grande partie des espèces ou des billets circulans; et les véritables effets de commerce, repoussés et stagnans dans le portefeuille du négociant, du marchand, du manufacturier, ont laissé leurs porteurs à la merci de tous les fripiers de Banque, qui revendaient à eux ou à l'Etat, et au plus haut prix, ce qu'ils avaient obtenu au taux ordinaire de l'escompte de la Banque.

» Et quand j'appelle prétendus banquiers ceux qui se livrent à un tel trafic, mon intention est de rendre plus frappante la distinction entre eux et ceux qui exercent noblement une profession utile.

» Le véritable banquier, modèle d'ordre, de fidélité, de prudence, ne se laisse pas aller à ces spéculations hasardeuses qui placent trop souvent ceux qui s'y livrent entre la fortune et la honte; il ne joue pas l'honneur de sa signature; correspondant exact et respecté du commerce étranger et du cominerce intérieur, il aide de son crédit, il facilite ses négociations; en ajoutant à la rapidité de la circulation, il multiplie les moyens d'échange; il assure, accroît les bénéfices du manufacturier, et contribue à la prospérité du commerce et de

l'Etat.

» Ce n'est point à de tels hommes que s'adresse le reproche d'avoir contribué à remplir le portefeuille de la Banque de ces valeurs réprouvées, qui n'y laissaient pas de place à celles pour

qui la loi l'avait réservée tout entière; ils ne sont pas complices ou participans de la première violation des lois où statuts de la Banque de France.

» § II. Cette première violation des règles prescrites à l'administration pour l'admission à l'escompte a été suivie naturellement par une seconde.

Quand on a cessé d'accorder l'escompte sur une échelle de crédit justement établie, il a fallu chercher une autre base. » On l'a prise dans le nombre des actions que chaque escompteur possédait ou était censé posséder, tandis que cette mesure d'admission à l'escompte était formellement prohibée par la loi de germinal an 11, article 7, et qu'un paragraphe des statuts n'admet les actions que comme remplacement d'une troisième signature, et à la charge de leur transfert au compte de la Banque comme garantie.

» Alors, d'un côté, le négociant dont les capitaux étaient entièrement employés dans son commerce, qui n'avait que des inarchandises ou des effets réels de portefeuille, était exclu de l'escompte, parce qu'il ne lui restait pas de fonds pour être réellement actionnaire, et qu'il avait trop de loyauté pour n'être qu'un actionnaire fictif.

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Mais, d'un autre côté, tout le monde n'avait pas la même délicatesse. Ainsi un homme dont les affaires étaient embarrássées pouvait acquérir des actions, faire escompter dans la proportion de leur nombre, et pourtant n'en avoir pas une à lui, et les avoir remises en dépôt pour se faire des fonds.

» Enfin l'escompte accordé en raison de l'action produisait un autre effet funeste.

» Il interposait entre le négociant et la Banque une classe d'hommes qui, avec la propriété d'un certain nombre d'actions, se procuraient à six pour cent des fonds qu'ils revendaient à un taux toujours supérieur, plus ou moins fort suivant les circonstances, et souvent excessif.

» De là résultait le haut prix de l'action de Banque, recherchée, évaluée, achetée sur le pied du montant annuel du dividende, grossi par suite de trop fortes émissions de billets et de l'accroissement de la réserve cumulés; accroissement trompeur et peu désirable, moyen d'agiotage, et conséquemment de ruine, occasion de méprise pour le père de famille sage, et d'attrait funeste pour l'homme imprudent et hasardeux.

» De là résultait aussi le taux exorbitant auquel se maintenait l'intérêt, dont la Banque n'était plus le régulateur, parce que le porteur de vrais eff ts de commerce n'était plus admis

à y escompter, qu'on n'y recevait au contraire que celui qui avait intérêt à avilir les valeurs commerçantes pour les obtenir avec plus d'avantage à un escompte plus fort, et que le négociant était forcé de recevoir la loi de cette espèce nouvelle de capitalistes.

» On voit comment une première erreur en a amené une seconde, et comment les conséquences des unes et des autres, devenues plus sensibles et plus funestes, ont amené une troisième faute.

» §. III. Je veux parler de l'émission trop considérable des billets de la Banque, d'où a résulté la nécessité de fixer la quotité de ceux qu'on rembourserait chaque jour.

» Il n'est pas besoin de s'étendre ni sur l'illégalité des mesures mi sur le mal de leur résultat.

» La confiance dans le gouvernement, la certitude des victoires promises et presque aussitôt obtenues, enfin l'esprit public, dont on accuse la nation française de manquer, et qui ne se montra jamais plus énergique, plus constant, plus iualtérable, ont fait traverser cette époque avec moins de difficulté et de peine qu'on aurait pu le redouter.

>> Sans doute le crédit général et particulier, les intérêts publics et privés en ont souffert; mais l'ordre est promptement revenu, et du mal que je viens de retracer est du moins résulté cet avantage que ses causes ont été recherchées, et que leur connaissance en amenera le remède.

SECONDE PARTIE. Causes des fautes de l'administration.

» La première cause des erreurs où l'administration de la Banque est tombée paraît résider dans son organisation même. » Elle est formée en entier de banquiers ou négocians choisis par les actionnaires, c'est à dire d'hommes reconnus par eux pour être éclairés, probes, bien intentionnés.

» Mais ces hommes, en même temps qu'ils sont administrateurs de la Banque, sont actionnaires et 'escompteurs. ̧

>> Ils jugent mutuellement leurs intérêts personnels; comment espérer qu'aucun ne sera tenté de profiter de cette réciprocité de rapports et des avantages résultant de leur position? Comment attendre de tous une sévérité mutuelle et journalière, si difficile à montrer, et si nécessaire pourtant à soutenir pour ne pas tomber dans l'impartialité et l'injustice?

» Il existe à la vérité un comité d'escompte où les négocians siégent en nombre déterminé, et qui préparent le travail de l'escompte.

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