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» Mais ce travail était soumis et jugé par le comité central, décidant sans appel sur les opérations du comité d'escompte, et non pas en conformité de ces opérations; recevant l'initiative de ce comité, mais agissant le plus souvent d'après une

autre influence.

» 2°. La règle établie d'escompter selon le nombre des actions rendait presque nul l'effet du travail de ce comité, puisque le bordereau d'escompte le mieux garanti, souscrit par un négociant bien famé, mais non actionnaire, n'avait pas les mêmes droits que le bordereau d'effets de circulation les plus suspects, appuyé sur le titre souvent fictif d'actionnaire.

Il était donc naturel que, dans cette espèce d'oligarchie commerciale, il s'établit naturellement une condescendance réciproque, une pactisation entre les intérêts divers.

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Il était impossible que le comité central méritât son nom par une concentration suffisante du pouvoir, par la conception d'une volonté assez indépendante pour être juste, par l'action d'une autorité assez puissante pour être respectée.

» C'est donc au défaut de force dans l'administration de la Banque, à l'impuissance où elle s'est trouvée tantôt d'agir avec vigueur contre des abus déjà introduits, tantôt de résister avec persévérance à des abus nouveaux, qu'il faut reporter la première cause des fautes qu'elle a commises.

» Deuxième cause:

» A cette première cause, née de la composition de l'administration, il en faut joindre une seconde, prise dans la hature des choses.

» La Banque a un capital de cinquante millions environ, en y comprenant son fonds de réserve; elle a quarante-cinq millions applicables à l'escompte. Cette somme s'accroît encore de la quantité de billets que la circulation peut absorber.

"Il est possible que, dans un moment de stagnation du commerce, lorsque les consommations sont restreintes, les dépenses du luxe diminuées, il y ait moins de matière d'escompte en effets de commerce.

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Et pourtant c'est le papier de commerce exclusivement que l'administration de la Banque croyait devoir admettre dans son portefeuille.

» Dès lors, quand le papier de commerce réel et reconnu ayant derrière lui des valeurs en marchandises, n'a pas été assez abondant, l'administration a dû se laisser aller à prendre des effets d'une autre nature.

» Et quels sont, quels ont été ces effets! Nous l'avons déjà dit, ce sont des effets sans garantie, ou n'ayant pour gage entre les mains de ceux qui les souscrivent, les acceptent et les

endossent, que des valeurs connues sous le nom d'effets publics, et changeant de main avec rapidité sans laisser de traces, Les dépositaires de ces effets publics, tels que rente, obligations de receveurs, actions de la Banque même, prenant un intérêt qui a été de dix à vingt pour cent, escomptaient au taux de six pour cent, et faisaient un bénéfice énorme au préjudice de l'Etat et du commerce.

» Quelle différence pour le commerce et pour l'Etat, si, au lieu d'arriver au portefeuille de la Banque dénaturés et en lettres de change d'une association de quelques banquiers ou faiseurs d'affaires, les effets publics y étaient arrivés en nature, offrant, comme les obligations des receveurs généraux, par exemple, la plus sûre garantie, le gage le plus solide!

»Le trésor public aurait vu ses frais d'escompte diminuer de moitié.

» Le commerce, dont les transactions pour le taux de l'intérêt tendent par une pente irrésistible à se graduer sur celui que produisent les effets publics, les valeurs nationales, aurait obtenu des particuliers à un taux modéré des fonds qui n'auraient plus été attirés par l'appât d'un profit excessif.

>> Et dans tout ceci la Banque non seulement n'aurait pas couru un risque, mais elle aurait eu une garantie de plus ; car, par mille événemens faciles à concevoir, et qu'on a pu craindre quelques momens, les effets de circulation pouvaient n'être pas acquittés, et la Banque n'avait aucun gage; tandis que nul ne peut raisonnablement et de bonne foi se faire une supposition dans laquelle les obligations des receveurs ne soient pas ou acquittées par eux, ou remboursées sur leur cautionnement par la caisse d'amortissement, puisque le fait n'a jamais eu et ne peut jamais avoir lieu.

» C'est ainsi qu'au lieu de réaliser le crédit général au profit du commerce et de l'Etat, la Banque n'a réalisé que le crédit factice et mensonger de plusieurs cambistes de la capitale au profit de quelques particuliers.

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C'est ainsi qu'elle a contribué à rompre l'équilibre entre les opérations du gouvernement et celles du commerce, entre les avantages qu'offraient aux capitalistes les effets publics, et ceux que présentaient les effets des négocians et manufacturiers; tandis qu'elle était destinée à maintenir le niveau entre toutes ces valeurs diverses, et à rapprocher le taux de leur escompte. Qu'on ne dise pas qu'il y a eu une troisième cause dans une exportation de numéraire pris dans les coffres de la Banque, et qui serait allé faire le service de nos armées chez l'étranger,

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>>Le conseil de la Banque, les membres de ses comités savent que ce fait, publié par l'ignorance, est dénué de fondement.

>> Tous ceux qui ont pris part à l'administration publique peuvent altester que depuis que S. M. a quitté la France pour mener ses légions aux combats, il ne s'est pas exporté un sac d'argent pour le service de l'armée, et ils pourraient assurer qu'il en est au contraire rentré.

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Après avoir exposé dans cette seconde partie, messieurs, les deux principales causes du mal dont je vous ai esquissé te tableau dans la première, je vais vous présenter les mesures que S. M. a cru les plus propres à y remédier, et qui sont contenues dans la loi nouvelle sur la Banque que nous vous apportons.

TROISIÈME PARTIE. Discussion des dispositions de la loi.

» J'ai dit qu'une des principales causes des erreurs de l'administration de la Banque était dans sa composition même. Pour l'en préserver il eût fallu qu'il se fût élevé parmi les régisseurs un homme assez habile pour démêler le vice de l'organisation de la Banque, assez considéré pour exercer une influence presque absolue, assez modéré pour en bien user assez fort pour la conserver; il eût fallu enfin, comme dans toutes les républiques, un homme qui eût par le fait une grande autorité sans l'avoir de droit, à qui on la laissât sans résistance, et qui en jouît sans inconvénient.

» La loi que nous vous apportons, messieurs, satisfait à ce besoin; elle place à la tête de la Banque un homme légalement revêtu de ce pouvoir nécessaire pour faire marcher son administration, sans déviation et sans faiblesse, sur la ligne tracée par les lois; un homme qui n'ait et ne puisse prendre aucun intérêt à ses opérations, et qui puisse d'autant mieux commander à tous les intérêts qui s'agiteront encore autour de lui; un homme uniquement livré aux soins de l'importante affaire qui lui sera confiée, et qui ait pour perspective, après des services d'ailleurs généreusement rétribués, la reconnaissance du gouvernement et des citoyens.

» Son titre sera celui de gouverneur de la Banque.

» Il aura deux suppléans avec le titre de sous-gouverneurs, et il pourra leur déléguer une partie de ses fonctions.

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Ces administrateurs de la Banque, nommés par S. M., prêtent serment entre ses mains, sont assimilés par cette prérogative aux premiers fonctionnaires de l'Etat, et avertis, par solennité même de leurs engagemens, de l'importance de leurs fonctions et de la sévérité avec laquelle on exigera qu'ils les remplissent.

Et qu'on ne croie pas que ce mode de nomination des gou

verneur et sous-gouverneurs de la Bauque soit une alleinle aux droits des actionnaires.

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D'abord les personnes nommées seront tenues de justifier de la propriété de cent actions pour le gouverneur, et de cinquante pour les sous-gouverneurs, proportion qui a toujours suffi pour être classé parini les deux cents plus forts actionnaires.

» Mais en outre il ne faut pas se laisser aller à cette erreur qui a fait regarder les actionnaires comme possédant la propriété de la Banque, ou la possédant au même titre qu'une propriété ordinaire.

» La Banque est un établissement public. Elle a reçu d'abord pour quinze ans, et on veut lui confirmer aujourd'hui pour vingt-cinq années de plus, un privilége précieux. Elle l'a reçu ; elle en doit user pour l'intérêt Commun du gouvernement, des citoyens et des actionnaires.

» Ces trois intérêts doivent avoir leur garautie indépendante. » La Banque et son administration ne peuvent être laissées aux hasards de la volonté et du choix des actionnaires seuls, parce que la propriété de la Banque est à l'État et au gouvernement autant qu'à eux.

» Le mode d'administration de la Banque, le mode d'exploitation du privilége doit être réglé par la loi, et surveillé par un agent de l'autorité publique, par un homme à qui la confiance du souverain assure celle de la nation.

» Autrement les actionnaires pourraient, au préjudice du commerce et du trésor public, faire des opérations funestes à l'un et à l'autre, utiles pourtant à la Banque, en apparence du moins; surtout utiles à eux actionnaires, qui ont le double. intérêt de faire grossir le dividende ou la réserve pour produire la hausse des actions, et qui, pour arriver à ce but, pourraient prendre encore les routes où l'administration fut égarée, et recommencer à recevoir, sous le titre de dividende et de bénéfice, ce qui n'a été dans le fait qu'un impôt levé sur les citoyens par la dépréciation des billets.

» C'est de ce mal affreux surtout que Sa Majesté veut préserver son peuple; c'est son retour qu'elle veut rendre impossible en creant tous les de garantie, tous les genres surveillance pour l'administration nouvelle.

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de

» Il faut que l'autorité surveille l'administration de la Banque; comment peut-elle le faire mieux qu'en désignant des chefs indépendans et soumis à la loi seule dans l'exercice de leurs fonctions?

» Ce mode a parg de beaucoup préférable à celui de la création d'un commissaire impérial près de la Banque. Son action eût été paralysée bientôt, ou bientôt elle eût paralyse celle de

l'administration; tandis que le gouverneur et ses adjoints, responsables tous trois, pourront agir sans obstacles dans le cercle tracé autour d'eux, et ne pourront en dépasser les

bornes.

» Le gouverneur d'ailleurs n'exercé pas ce pouvoir sans guides, sans conseils, sans surveillans.

» Le système actuel d'un conseil général de la Banque, divisé en comités, et d'une assemblée annuelle des actionnaires, est religieusement maintenu.

» L'assemblée des actionnaires nommera toujours les régens et les censeurs.

» Les régens et les censeurs, investis de la confiance des actionnaires, continueront de remplir les fonctions qu'ils exercent aujourd'hui.

» Le gouverneur pourra refuser à l'escompte les effets qui lui seraient présentés et qui lui sembleraient douteux; mais il ne pourra en faire escompter que sur la présentation du conseil général. La faculté de réprimer les abus est ainsi laissée au gouverneur sans que jamais il puisse lui-même en introduire dans l'escompte.

» La création, l'émission des billets, partie si importante du service de l'administration, est confiée au conseil général, c'est à dire aux représentans du commerce et des actionnaires; et il existera ainsi un double gage de la prudence avec laquelle on proportionnera la circulation aux besoins, et l'émission au numéraire en réserve.

» Les dépenses de la Banque seront toutes délibérées par le conseil général au commencement de chaque année.

» Les quatre comités d'escompte, des billets, des livres et portefeuilles, des caisses, n'éprouveront aucun changement. » Un cinquième comité y sera ajouté; il sera chargé des relations avec le trésor public et les receveurs généraux, qui devront fournir trois membres au moins au conseil général.

» Ainsi viendront se confondre dans un même centre toutes les ressources, tous les moyens que la Banque d'un côté, et l'agence des receveurs généraux de l'autre, faisaient valoir séparément; ainsi le zèle, l'habileté que cette agence a montrés, et qui ont contribué au prompt rétablissement du crédit, tourneront encore au profit des actionnaires.

raux

» La correspondance de la Banque avec les receveurs génése fera avec pleine sécurité pour tous, sur la foi de collègues déjà éprouvés; la circulation des valeurs deviendrą rapide, sera utile à tous les services et à toutes les classes; elle sera féconde, parce qu'elle ne laissera nul capital inactif qu'elle n'obligera pas à garder de fouds stériles dans des

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