Page images
PDF
EPUB

caisses, et qu'elle ne se fera pas à l'aide de ruineux transports d'espèces.

»Le dividende de la Banque sera, comme il l'a été jusqu'à ce jour, de six pour cent du capital primitif; mais au lieu de restreindre à ces six pour cent le montant du dividende, et de faire du surplus un fonds de réserve, un tiers seulement de cet excédant composera la réserve, et les deux autres tiers seront ajoutés au dividende.

[ocr errors]

L'emploi des nouveaux fonds de réserve ne sera plus limité à l'acquisition de rentes sur l'État; l'administration de la Banque leur assignera la destination qui lui paraîtra la plus convenable.

» Vous voyez, messieurs, que ces changemens remédient aux causes reconnues des fautes qui ont été commises, et préviennent les fâcheux résultats qu'elles ont amenés.

» Désormais, à la tête de la Banque, sera un pouvoir concentré, mais limité, assez fort pour empêcher le mal et faire le bien; impuissant pour abuser ou pour nuire; sans intérêt à composer avec personne; responsable à l'empereur et à ses concitoyens d'un établissement précieux, et qui ne pourra avoir de gloire et de repos même qu'en assurant sa prospérité.

»Le capital de la Banque, appelé à des opérations qui réunissent dans un centre commun l'intérêt du commerçant, du manufacturier et du banquier, devra nécessairement être augmenté; les actions pourront être portées au nombre de quatrevingt-dix mille.

» Mais leur émission ne sera que successive; elle sera délibérée par le conseil général de la Banque, proportionnée aux besoins, aux demandes, aux convenances du commerce de la capitale et des départemens.

»Sans doute cette émission ramenera pour un temps, ou plutôt a déjà ramené les actions de la Banque au pair ; cet effet fut produit en l'an 11 lorsque le nombre des actions fut accru la loi.

par

» Mais la hausse graduelle des actions avait été l'effet de la violation des règles et de la proportion de l'escompte au nombre des actions. Leur réduction à leur valeur réelle n'est qu'un véritable retour à l'ordre et à la sûreté pour les possesseurs, car tout accroissement de valeur d'effets publics par des causes extraordinaires, qui par là même n'ont pas un effet permanent, est un mal pour l'État et un danger pour les citoyens. » Cette hausse, avantageuse il est vrai aux porteurs d'actions , propre à en favoriser le jeu sur la place, était un signe de souffrance pour le crédit général; elle annonçait moins la prospérité de la Banque que l'avidité de ceux qui avaient le

privilége d'y escompter, et le malheur des négocians obligés de recourir à eux.

» La Banque offrira aux hommes sages un placement sûr, un intérêt qui sera dans une proportion très considérable encore et qui résultera de moyens plus justes. Il ne permettra pas des bénéfices exorbitans par des jeux hasardeux et funestes, mais il assurera des dividendes constans, et qui ne coûteront rien au négociant probe, à l'artisan industrieux, au consommateur économe; il n'offrira pas aux spéculateurs des chances de profits cupides, mais il ne menacera d'aucune perte le père de famille.

» Telles sont, messieurs, les vues dans lesquelles est rédigé le projet de loi que nous vous présentons; il est le résultat de mûres délibérations, de consultations répétées avec les hommes les plus éclairés.

L'administration actuelle de la Banque appelait par ses vœux les changemens qu'il consacre. Elle souhaitait l'espèce de régénération qui va faire oublier le passé, pour ne laisser que l'espoir d'une administration nouvelle qui offrira tous les genres de garanties, qui profitera de tous les talens, de toute l'expérience de l'administration actuelle et des membres qui la composent, qui ne perpétuera que le souvenir du bien qu'ils ont fait et de celui auquel ils seront appelés à coopérer. »

Le projet de loi présenté à la suite de cet exposé fut adopté le 22 avril 1806, à la majorité de cent quatre-vingt-six voix contre soixante-dix. Il n'avait été l'objet que du rapport nécessaire de la section des finances du Tribunat, fait le même jour au Corps législatif par M, Gillet-Lajaqueminière.

MOTIFS du projet de loi portant qu'il sera formé un Corps enseignant sous le nom d'Université impériale; présentés par M. Fourcroy, conseiller d'état. Séance du 6 mai 1806.

« Je ne viens point, messieurs, vous soumettre un nouveau plan d'éducation, ni vous proposer de renverser ce qui a été fait depuis quelques années pour l'instruction publique. Le projet que S. M. impériale et royale me charge de vous présenter n'est que la substance et comme le prélude d'une loi plus complète qui doit vous être soumise dans une de vos sessions prochaines; il n'a pas pour objet de détruire, mais de consolider les institutions nouvelles, d'en lier entre elles les diverses

parties, d'en établir d'une manière invariable les rapports nécessaires avec l'administration générale.

>> La formation d'un corps enseignant suffira pour atteindre à ce but, et ce seul principe, par la sanction solennelle qu'il recevra de vos suffrages, va devenir la base fondamentale sur laquelle doit reposer tout le système de l'éducation de la jeunesse. Permettez-moi de vous offrir quelques considérations générales sur cette matière importante; et, en comparant ce qu'était l'instruction en France il y a vingt ans à ce qu'elle est, à ce qu'elle sera dans le nouvel ordre de choses, vous reconnaîtrez l'esprit d'un gouvernement qui, obligé d'étendre à la fois ses soins bienfaisans sur tous les points de l'édifice social ébranlés ou détruits par les secousses révolutionnaires, se hâte d'en soutenir et d'en raffermir les parties faibles et chancelantes; répare en l'améliorant ce qui n'était qu'endommagé ; reconstruit sur un plan plus vaste ce qui n'aurait pu échapper à la destruction et donne au tout cet ensemble qui seul peut lui assurer une existence durable.

Vous me pardonnerez, messieurs, si, conduit par la nature même de la question qui va m'occuper à vous entretenir quelques instaus d'un sujet aussi rebattu que celui de l'éducation, il m'arrive de rappeler des vérités triviales, quoique trop souvent méconnues; d'invoquer des principes qui ne devraient être nouveaux pour personne, et qui ne le sont pas surtout pour la sage Assemblée à laquelle je m'adresse. Mais le plus bel éloge qu'on puisse faire d'une loi est de montrer que les bases sur lesquelles elle s'appuie sont des vérités de tous les temps; et en vous développant ce que le gouvernement a fait et se propose de faire pour l'instruction publique, je m'applaudis de n'avoir en quelque sorte à vous offrir que le résumé de ce qui a été écrit de plus incontestable sur cette matière.

» Peut-être aussi ce détail, que l'on pourrait trouver superflu si je le donnais avec la prétention d'éclairer des législateurs, paraîtra-t-il, considéré sous un autre point de vue, une réfutation solennelle et victorieuse des calomnies que la malveillance et l'intérêt publient tous les jours contre le système d'éducation adopté par le gouvernement. On verra ce qu'il faut penser des reproches qu'on adresse à nos lycées, et s'il est vrai, comme certaines gens voudraient le faire croire, que ces établissemens ne soient propres qu'à former une seule classe de citoyens, tandis que les élèves qui y sont admis, grâce à la munificence et à la sage prévoyance de l'Etat, ont tous les moyens d'acquérir les connaissances nécessaires pour suivre une carrière quelconque, pour arriver aux fonctions les plus importantes, soit dans le militaire, soit dans le civil.

» L'éducation, qui parmi les peuplades sauvages se borne à peu de chose près à favoriser le développement des forces physiques, a chez les nations civilisées un but et d'une toute autre importance et bien plus difficile à atteindre, celui de faire parcourir à l'enfance de l'homme les mêmes périodes qu'a parcourues l'enfance des peuples, de le conduire comme par enchantement et en quelques années au point où la société n'est parvenue qu'après une longue suite de siècles; enfin de lui abréger à la fois et de lui faciliter la route par tous les moyens que les lettres, les sciences, les arts ont mis à notre disposition. C'est le sage emploi de ces moyens qui, sans épuiser cette plante nouvelle, peut lui donner une maturité précoce; qui sans surcharger cette jeune tête, peut l'enrichir des trésors d'une vieille expérience.

» Si l'Europe est enfin sortie de cet état de barbarie et d'abrutissement où elle fut si longtemps plongée, à qui en estelle redevable, sinon aux grands écrivains de l'Italie et de la Grèce, les plus précieux et presque les seuls restes de l'antiquité qui soient échappés aux naufrages des temps. C'est l'étude de ces génies immortels qui a dissipé la rouille épaisse dont nos esprits étaient couverts, qui leur a inspiré le sentiment du beau dans tous les genres, leur a donné cette élévation qui seule, rend capable des grandes choses, les a dirigés vers les connaissances les plus utiles, les a mis sur la voie des découvertes les plus sublimes.

[ocr errors]

Qui pourrait nier l'influence des lettres ou méconnaître leurs bienfaits? Ah! sans doute cet excès d'aveuglement et d'ingratitude, qui serait un présage certain du retour à la barbarie, n'entrera jamais dans l'esprit des Français, auxquels, plus qu'à tous les autres peuples, semblent être dévolues comme par droit d'héritage ces richesses de la littérature antique, et qui seuls ont naturalisé parmi eux cette délicatesse et cette pureté de goût qui rappellent les beaux siècles d'Athènes et de Rome.

» Cette prééminence que nous obtenons dans tout ce qui tient à l'esprit et au goût, et qui n'est pas même contestée par nos rivaux, nous la devons peut-être à une cause bien glorieuse, à ce que le sang français n'a point depuis quatorze siècles été altéré par le mélangé d'un sang étranger. Les Sarrasins n'ont paru sur notre territoire que pour l'illustrer par une défaite éclatante les Normands, malgré la faiblesse des successeurs de Charlemagne, ont inutilement assiégé Paris, et il semble que nous ne leur ayons permis de s'établir sur notre térritoiré que pour les envoyer conquérir l'Angleterre l'Anglais luimême, que la trahison d'une femme avait introduit dans le

:

cœur du royaume, en fut bientôt chassé par le bras d'une femme; en sorte qu'il serait difficile de dire s'il est plus honteux pour lui d'être entré en France que d'en être sorti.

» Les Francs, qui durent la conquête des Gaules plutôt à leur courage qu'à leur nombre, prirent les mœurs des vaincus, qui depuis Jules César avaient adopté celles des Romains. Ce sont eux qui nous ont donné nos usages, nos lois, notre langue. Notre littérature est formée sur la leur et sur celle des Grecs, dont nous avons aussi emprunté une foule de mots, et surtout les termes de sciences et d'arts. On ne peut donc révoquer en doute que l'étude des langues anciennes ne soit chez les modernes, et spécialement chez les Français, la clef des autres connaissances.

» La nécessité d'étudier les langues anciennes et les auteurs classiques a été consacrée par le gouvernement dans toutes les lois sur l'instruction publique; mais parce qu'il a reconnu que le temps qu'on donnait dans les universités à l'étude des sciences était insuffisant, ou au moins mal employé; parce qu'il a pris les moyens de remédier à cet abus, on s'est hâté de publier que dans les lycées on s'occupait presque exclusivement des mathématiques, et qu'on y négligeait les lettres. Il est temps d'éclairer l'opinion, et d'avertir enfin les pères de famille qu'on leur en impose quand on leur dit que l'étude des mathématiques est exclusive dans les lycées, ou même qu'elle y nuit à. celle des langues. On abuse également de leur crédulité quand on cherche à leur persuader que ces établissemens ont uniquement pour but de faire des hommes de guerre. Si une partie des formes militaires a été introduite dans les lycées, c'est qu'on a reconnu combien ces formes étaient favorables à l'ordre, sans lequel il n'y a point de bonnes études. On a aussi pensé que les exercices inilitaires, employés sobrement et dans les dernières années de l'éducation, auraient le double avantage et de développer les forces des élèves, et de les accoutumer au port et au maniement des armes, ce qui abrége leur travail et accélère leur avancement lorsque la loi de la conscription les appelle au service de l'Etat.

» De même le gouvernement a jugé que l'étude des sciences mathématiques et physiques était le complément de toute éducation libérale, soit parce que ces connaissances sont d'une utilité immédiate dans beaucoup de conditions de la vie, soit parce qu'elles étendent la sphère des idées, et qu'elles donnent la clef d'une foule de phénomènes que nous offrent à chaque pas la nature et la société, et dont il est honteux de ne pouvoir se rendre compte.

» Il faut pourtant l'avouer, ces imputations, qu'on s'est plu

« PreviousContinue »