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élèves les moyens de s'occuper, pendant le cours de leurs études, de ces diverses branches de connaissances, dont les unes peuvent se donner concurremment, et les autres successivement. Le temps consacré à l'éducation n'y sera point abrégé, afin que les élèves dont l'esprit est plus lent à se développer puisse se mettre au niveau des esprits plus prompts et plus pénétrans ceux-ci, après avoir rempli leur tâche, pourront se livrer à des études accessoires, telles que celles que nous venons d'indiquer, et l'activité de leur esprit y trouvera un aliment utile.

» L'Université de Paris n'avait aucune autorité, n'exerçait aucune influence directe sur les autres Universités ou établissemens d'instruction publique de l'Empire; ce n'était même qu'à Paris où l'on pût dire qu'il existait un système complet d'éducation, et c'était une des principales causes de la supériorité des études de la capitale. Les autres corporations s'éloignaient plus ou moins de sa méthode, et n'avaient entre elles aucun rapport, aucune communication; comme elles ne dépendaient pas même d'une autorité, ne convergeaient pas à un même point, leur méthode était partout différente, et le gouvernement n'avait aucun moyen direct de s'assurer de leur succès, de diriger leur marche, de réprimer leurs écarts.

Tous ces inconvéniens disparaîtront par le projet dont je dois vous exposer les motifs. L'instruction deviendra partout uniforme et complète; les abus qui pourraient s'y introduire seront bientôt connus et redressés. Et c'est surtout ici, messieurs, que l'on sent l'avantage qui doit résulter de la création d'un corps enseignant pour tout l'Empire. Il est aisé de prévoir et toute l'influence qu'il va exercer sur les écoles, et l'émulation générale qu'il va exciter eutre les maîtres, et l'uniformité d'études, comme de principes, qui résultera de son organisation.

» Le premier article du projet porte formation d'un Corps, ou Université impériale, chargé de l'enseignement public et de l'éducation de la jeunesse dans tout l'Empire.

» Ce mot formation indique que les élémens qui doivent composer ce corps existent, et qu'il ne s'agit plus que de les réunir et de les organiser. Que les fouctionnaires et professeurs actuels des lycées et autres établissemens d'instruction publique ne conçoivent donc aucune inquiétude sur leur sort; la loi qui est soumise à votre sanction, les mesures et les institutions qui en seront le développement et la conséquence, tout tend à améliorer et à consolider l'existence de ceux qui consacrent leurs soins à l'éducation. Entrés les premiers dans la carrière, ils ont déjà fait leurs preuves; ils ont à la reconnais

sance publique des titres qui ne peuvent que s'accroître: le zèle et la capacité dont ils continueront de faire preuve dans l'exercice de leurs fonctions leur donneront des droits incontestables à en obtenir de plus importantes. Mais la considération dont on entoure ces places et la perspective qui leur est ouverte, en augmentant le nombre des prétendans, donneront le droit d'exiger davantage.

» Les emplois seront ou donnés au concours, ou accordés à ceux qui auront fait preuve de capacité, et obtenu des grades à la suite d'examens. On rétablira l'institution utile des agrégés au professorat, et on la rendra plus complète en fournissant aux jeunes élèves qui se destineront à l'enseignement les moyens de terminer leurs études et de perfectionner leurs connaissances en les dirigeant vers l'art d'enseigner.

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Parmi les fonctionnaires des lycées qui se seront le plus distingués dans l'administration ou dans l'enseignement, seront choisis des inspecteurs ou des administrateurs généraux de l'instruction publique. Chargés de visiter chaque année un certain nombre d'établissemens publics de l'Université impériale, ils en préviendront le relâchement; ils en connaîtront et en dénonceront les abus; ils pourront en comparer les succès. Un conseil sera chargé de recueillir tout ce qui pourrait contribuer à l'amélioration des études, et de veiller sans cesse sur le sort et le succès des écoles.

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Chaque division de l'Université aura son conseil, qui, comme tribunal de discipline, sera le surveillant des mœurs et de la conduite régulière des maîtres et des élèves.

» Cette institution, messieurs, qui existait dans l'Université de Paris, est encore plus destinée à prévenir les délits qu'à les punir. Si la conduite de ceux qui servent de modèles aux autres doit être irréprochable, s'il faut être pur pour veiller sur l'innocence, on ne saurait douter que l'ordre et la régularité des maisons d'éducation, cette discipline à laquelle les maîtres eux-mêmes sont soumis, puisque pour faire exécuter les réglemens ils commencent par les observer, le spectacle, d'une jeunesse qui a continuellement les yeux ouverts sur les moindres actions de ses maîtres, et, plus que tout cela, le'sentiment de ses devoirs, ne soient presque toujours un frein suffisant pour celui qui serait tenté de s'en affranchir, et ne rappellent sans cesse leurs engagemens à ceux qui seraient sur le point de les oublier. Mais si quelqu'un, par des fautes graves, par l'oubli fréquent de ses devoirs, par un scandale public, par des leçons immorales ou irréligieuses, pouvait compromettre à la fois et l'innocence de la jeunesse qui lui est confiée et l'honneur du corps dont il est membre, son délit serait

déféré devant le conseil de l'Université, qui, suivant la nature de ses délits, lui adresserait des avis ou des reproches, le sus pendrait de ses fonctions, ou, en le rayant du tableau de l'Université, le rendrait inhabile à les remplir.

» Mais, je le répète, il est à croire que rarement ce tribunal de discipline sera forcé de déployer son utile sévérité. Les places ne devant être confiées qu'à des personnes de mœurs et de conduite irréprochables, on peut croire que les membres du corps enseignant prendront, pour conserver les emplois, les moyens qui leur ont servi à les obtenir, et que, leur intérêt se trouvant lié à leur devoir, ils donneront à leurs élèves l'exemple des vertus en même temps que les leçons de la science.

» Ainsi seront liés par des rapports immédiats tous les établissemens d'instruction, qui sont en ce moment isolés et indépendans les uns des autres; ainsi seront réunis dans une seule corporation tous les hommes occupés du noble emploi d'instruire et d'élever la jeunesse. Des grades acquis par des examens seront exigés pour mériter les emplois, et ils le seront dans un degré qui répondra à celui des fonctions auxquelles on voudra parvenir. Des statuts et des réglemens fixeront les devoirs des membres en général, et de chaque fonctionnaire en particulier.

» Un chef, muni d'une autorité suffisante et de pouvoirs déterminés, surveillera et dirigera toute la corporation, y maintiendra la discipline, et fera exécuter les réglemens avec la force et la sévérité qui seules peuvent assurer les avantages et la durée du corps enseignant.

» On doit se représenter la formation de ee corps comme le couronnement de tout l'édifice de l'instruction publique reconstruit depuis quatre ans sur les bases établies par la loi du 11 floréal an 10: c'est en même temps la garantie la plus forte de sa stabilité.

» Le second article de la loi prescrit aux universitaires des obligations civiles, temporaires et spéciales. Les mots civiles et temporaires indiquent assez la nature de ces fonctions, et qu'elles n'ont aucune connexité nécessaire avec les fonctions des cultes.

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L'Université de Paris était une corporation civile; elle adinettait indifféremment dans son sein et ceux qui étaient engagés dans les nœuds du mariage, et ceux qui étaient revêtus du caractère du sacerdoce, et ceux qui, sans aucun lien, sans aucun engagement, restaient célibataires pour vaquer librement à leurs fonctions; c'était à la fois la plus ancienne et la plus célèbre de toutes les institutions créées pour l'éducation de la jeunesse. Les justes reproches qu'on peut adresser à quel

ques parties de son système, et que je n'ai point dissimulés, n'étaient pas inhérens au fond même de sa méthode ; et ces défauts ne pourront plus reparaître dans nos nouvelles insti

tutions.

>> On éleverait à tort des doutes, on répandrait en vain des alarmes sur les obligations auxquelles devront être soumis les membres des Universités ou du corps enseignant. Qui pourrait croire qu'on voudrait imposer à ses membres d'autres devoirs que ceux qui peuvent assurer tout à la fois et la bonté de l'enseignement, et la pureté des mœurs, et l'ordre nécessaire dans une grande corporation? L'expérience montre que la subordination est la partie la plus faible des établissemens actuels d'instruction. Si la culture des sciences et des lettres demande une certaine indépendance, la marche régulière des études et des maisons d'éducation ne peut subsister avec l'anarchie, et c'est uniquement pour maintenir les droits de chacun qu'on doit régler les devoirs de chaque place. Telle sera la base générale des obligations indiquées par l'article 2 de la loi.

» En se proposant d'établir, sous le nom d'Université impériale, un grand corps qui, sous plusieurs rapports, pourra être comparé à l'ancienne Université de Paris, le gouverne ment entend le constituer sur un plan plus vaste; il veut faire marcher également dans tout l'Empire les diverses parties de l'instruction; il veut y réunir à l'autorité d'une ancienne institution la vigueur et le nerf d'un établissement nouveau; il la veut nou plus circonscrite, comme autrefois, dans les murs de la capitale, mais répandue sur toute la surface de l'Empire, ayant partout des points de contact et de comparaison, soumise à l'influence générale d'une même administration, maintenue par une surveillance continuelle, préservée par les réglemens de la manie des innovations et des systèmes, mais aussi affranchie de cet esprit de routine qui repousse tout ce qui est bon uniquement parce qu'il est nouveau. Revêtu d'une considération encore plus grande que celle dont il jouissait, ce corps, qui verra ouvrir à ses membres une carrière sûre autant qu'honorable, où les emplois ne seront accordés qu'aux talens, et où les récompenses seront le prix des services, redoublera sans doute d'efforts et de zèle pour atteindre, pour surpasser la réputation des anciennes Universités.

» Vous allez, messieurs, poser vous-mêmes les fondemens de cet édifice, dont le gouvernement a déjà rassemblé tous les matériaux. D'après le troisième article du projet, c'est dans la session de 1810 qu'il vous soumettra l'organisation générale du corps enseignant, qui, avant d'être soumise à votre

sanction, aura déjà commencé à recevoir celle de l'expé

rience.

n

Quant à moi, messieurs, après avoir, pendant trente aunées, consacré à l'instruction publique le peu de lumières que l'étude et l'amour des lettres et des sciences m'ont permis d'acquérir, je m'applaudirai toute ma vie d'avoir concouru à réorganiser l'éducation et l'instruction publique d'après les vues du grand homme qui, non content d'avoir illustré son siècle et fait le bonheur de ses contemporains, prépare de hautes destinées à la génération qui doit nous succéder. »>

Le 10 mai 1806, sur un rapport fait par Fréville au nom de la section de l'intérieur du Tribunat, le projet de loi portant formation de l'Université impériale fut adopté par le Corps législatif, à la majorité de deux cent dix voix contre quarante-deux.

DISCOURS prononcé par M. Jaubert, conseiller d'état, en apportant le décret de clôture de la session. Séance du 12 mai 1806.

« Messieurs, vous étiez impatiens de reprendre l'excrcice de vos fonctions pour adresser l'hommage de votre admiration au vainqueur d'Austerlitz, au fondateur du répos de l'Europe.

» Tout rayonnant de gloire, il paraît dans cette enceinte, et ses premières paroles sont celles d'un père tendre qui revoit

ses enfans.

... Au fond de la Moravie, je n'ai pas cessé un instant d'éprouver les effets de l'amour et de l'enthousiasme de mon peuple; jamais il ne m'en a donné des marques qui aient pénétré mon cœur de plus douces émotions (1).

Langage touchant et sublime, qui vous montra tout entière l'âme du héros que la Providence a suscité pour régner sur la nation la plus sensible aux affections libérales!

» Vous étiez digues, messieurs, de recevoir cet épanchement par les principes qui vous animent. Avec quelle force vous les avez fait éclater par l'organe de votre honorable président, dont la noble éloquence exprime si bien les sentimens que la première nation de l'univers s'enorgueillit de proclamer en l'honneur du plus grand des monarques!

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Après la séance impériale le ministre de l'intérieur vint vous informer, par ordre de S. M., de la situation de l'Empire

(1) Discours de l'empereur à l'ouverture de la session.

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