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le vœu des représentans de notre peuple. Nous la prions dé nous accorder, comme chef suprême de notre république, comme roi de Hollande, le prince LOUIS NAPOLÉON, frère de Votre Majesté, auquel nous remettons, avec une entière et respectueuse confiance, la garde de nos lois, la défense de nos droits politiques, et tous les intérêts de notre chère patrie.

Sous les auspices sacrés de la Providence, sous la glorieuse protection de Votre Majesté impériale et royale, enfin sous la puissance du gouvernement paternel que nous lui demandons, nous osons espérer, Sire, que la Hollande, assurée désormais pour toujours de l'affection du plus grand des mo narques, et unie étroitement par sa destinée même à celle' de votre immense et immortel Empire, verra renaître les jours de son ancienne gloire, un repos qu'elle a depuis longtemps perdu, et sa prospérité, que des pertes qui ne seront plus considérées comme irréparables n'auront que passagèrement altérée. »

RÉPONSE de l'empereur.

<< Messieurs les représentans du peuple Batave, j'ai toujours regardé comme le premier intérêt de ma couronne de protéger votre patrie. Toutes les fois que j'ai dû intervenir dans vos affaires intérieures, j'ai d'abord été frappé des inconvéniens attachés à la forme incertaine de votre gouvernement.

» Gouvernés par une assemblée populaire, elle eût été influencée par les intrigues et agitée par les puissances voisines; gouvernés par une magistrature élective, tous les renouvellemens de cette magistrature eussent été des momens de crise pour l'Europe, et le signal de nouvelles guerres maritimes. Tous ces inconvéniens ne pouvaient être parés que par un gouvernement héréditaire. Je l'ai appelé dans votre patrie par mes conseils lors de l'établissement de votre derniere constitution; et l'offre que vous faites de la couronne de Hollande au prince Louis est conforme aux vrais intérêts de votre patrie, aux miens, et propre à assurer le repos général de l'Europe. La France a été assez généreuse pour renoncer à tous les droits que les événemens de la guerre lui avaient donnés sur vous; mais je ne pouvais confier les places fortes qui couvrent ma frontière du nord à la garde d'une main infidèle ou même douteuse.

» Messieurs les représentans du peuple Batave, j'adhère au vœu de Leurs Hautes-Puissances; je proclame roi de Hollande le prince Louis.

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Vous, prince, régnez sur ces peuples. Leurs pères n'acqui

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rent leur indépendance que par les secours constans de la France. Depuis la Hollande fut l'alliée de l'Angleterre ; elle fut conquise : elle dut encore à la France son existence. Qu'elle vous doive donc des rois qui protègent ses libertés, ses lois et sa religion. Mais ne cessez jamais d'être Français : la dignité de connétable de l'Empire sera possédée par vous et vos descendans; elle vous retracera les devoirs que vous avez à remplir envers moi, et l'importance que j'attache à la garde des places fortes qui garantissent le nord de mes États, et que je vous confie. Prince, entretenez parmi vos troupes cet esprit que je leur ai vu sur les champs de bataille; entretenez dans vos nouveaux sujets des sentimens d'union et d'amour pour la France. Soyez l'effroi des méchans, et le père des bons: c'est le caractère des grands rois. »

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Discours du prince Louis.

Sire, j'avais placé toute mon ambition à sacrifier ma vie au service de Votre Majesté ; je faisais consister mon bonheur à admirer de près toutes ces qualités qui la rendent si chère à ceux qui, comme moi, ont été si souvent témoins de la puissance et des effets de son génie : elle permettra donc que j'éprouve des regrets en m'éloignant d'elle. Mais ma vie et mes volontés lui appartiennent; j'irai régner en Hollande puisque ces peuples le désirent, et que Votre Majesté l'ordonne.

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Sire, lorsque Votre Majesté quitta la France pour aller vaincre l'Europe conjurée contre elle, elle voulut s'en rapporter à moi pour garantir la Hollande de l'invasion qui la menaçait; j'ai dans cette circonstance apprécié le caractère de ces peuples et les qualités qui les distinguent.

» Oui, Sire, je serai fier de régner sur eux; mais quelque glorieuse que soit la carrière qui m'est ouverte, l'assurance de la constante protection de Votre Majesté, l'amour et le patriotisme de mes nouveaux sujets, peuvent seuls me faire concevoir l'espérance de guérir des plaies occasionnées par tant de guerres et d'événemens accumulés en si peu d'années. Sire, lorsque Votre Majesté mettra le dernier sceau à sa gloire en donnant la paix au monde, les places qu'elle confiera alors à ma garde, à celle de mes enfans, aux soldats hollandais, qui ont combattu à Austerlitz sous ses yeux, ces places seront bien gardées. Unis par l'intérêt, mes peuples le seront aussi par les sentimens d'amour et de reconnaissance de leur roi à Votre Majesté et à la France. »

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SÉNAT.

- Séance du 5 juin 1806.

L'archi-chancelier préside; il ouvre la séance en donnant une anaJise des communications qu'il est chargé de porter au Sénat, et dont lecture est faite ensuite.

Premier MESSAGE de l'empereur.

, par

<< Sénateurs, nous chargeons notre cousin l'archi-chancelier de l'Empire de vous faire connaître qu'adhérant au vœu de Leurs Hautes-Puissances, nous avons proclamé le prince Louis NAPOLÉON, notre bien-aimé frère, roi de Hollande, pour ladite couronne être héréditaire en toute souveraineté ordre de primogéniture, dans sa descendance naturelle, légitime et masculine; notre intention étant en même temps que le roi de Hollande et ses descendans conservent la dignité de connétable de l'Empire. Notre détermination dans cette circonstance. nous a paru conforme aux intérêts de nos peuples. Sous le point de vue militaire, la Hollande possédant toutes les places fortes qui garantissent notre frontière du nord, il importait à la sûreté de nos Etats que la garde en fût confiée à des personnes sur l'attachement desquelles nous ne puissions concevoir aucun doute. Sous le point de vue commercial, la Ho!lande étant située à l'embouchure des grandes rivières qui arrosent une partie considérable de notre territoire, il fallait que nous eussions la garantie que le traité de commerce que nous concluerons avec elle serait fidèlement exécuté, afin de concilier les intérêts de nos manufactures et de notre commerce avec ceux du commerce de ces peuples. Enfin la Hollande est le premier intérêt politique de la France. Une magistrature élective aurait eu l'inconvénient de livrer fréquemment ce pays aux intrigues de nos ennemis, etc haque élection serait devenue le signal d'une guerre nouvelle.

» Le prince Louis, n'étant animé d'aucune ambition personnelle, nous a donné une preuve de l'amour qu'il nous porte et de son estíme pour les peuples de Hollande en acceptant un trône qui lui impose de si grandes obligations.

» L'archi-chancelier de l'empire d'Allemagne, électeur de Ratisbonne, et primat de Germanie, nous ayant fait connaître que son intention était de se donner un coadjuteur, et que, d'accord avec ses ministres et les principaux membres de son Chapitre, il avait pensé qu'il était du bien de la religion et de l'empire germanique qu'il nommât à cette place notre oncle et cousin le cardinal Fesch, notre grand aumônier et archevêque

de Lyon, nous avons accepté ladite nomination au nom dudit cardinal. Si celte détermination de l'électeur archi-chancelier de l'empire germanique est utile à l'Allemagne, elle n'est pas moins conforme à la politique de la France.

» Ainsi le service de la patrie appelle loin de nous nos frères et nos enfans; mais le bonheur et les prospérités de nos peuples composent aussi nos plus chères affections.

En notre palais de Saint-Cloud, le 5 juin 1806. Signé NAPOLÉON. »

- R

A ce message était joint le traité de garantie et d'institution du royaume de Hollande. L'empereur Napoléon 'garantissait à la Hollande le maintien de ses droits constitutionnels, son indépendance, l'intégrité de ses possessions dans les deux mondes, sa liberté politique, civile et religieuse, et l'abolition de tout privilége en matière d'impôt. Il était statué, entr'autres dispositions constitutionnelles, 1o que les charges et emplois de l'Etat, autres que ceux tenant au service personnel de la maison du roi, ne pourraient être conférés qu'à des nationaux; 2o que les sujets hollandais seraient traités en tout temps, dans les ports et sur le territoire de l'Empire français, comme la nation la plus spécialement favorisée. L'empereur s'engageait de plus à intervenir auprès des puissances barbaresques pour que le pavillon hollandais fût respecté par elles comme le pavillon français. Ce traité avait été conclu le 24 mai 1806, entre MM. Talleyrand au nom de l'empereur, et Verhuel pour le grandpensionnaire de Hollande (Schippelmenning).

Second MESSAGE de l'empereur.

« Sénateurs, les duchés de Bénévent et de Ponte-Corvo étaient un sujet de litige entre le roi de Naples et la cour de Rome. Nous avons jugé convenable de mettre un terme à ces difficultés en érigeant ces duchés en fiefs immédiats de notre Empire. Nous avons saisi cette occasion de récompenser les services qui nous ont été rendus par notre grand chambellan et ministre des relations extérieures, Talleyrand, et par notre cousin le maréchal de l'Empire Bernadotte. Nous n'entendons pas cependant par ces dispositions porter aucune atteinte aux droits du roi de Naples et de la cour de Rome, notre intention étant de les indemniser l'un et l'autre. Par cette me

sure

ces deux gouvernemens, sans éprouver aucune perte, verront disparaître les causes de mésintelligence qui en différens temps ont compromis leur tranquillité, et qui encore aujourd'hui sont un sujet d'inquiétude pour l'un et pour l'autre

de ces états, et surtout pour le royaume de Naples, dans le territoire duquel ces deux principautés se trouvent enclavées. » En notre palais de Saint-Cloud, le 5 juin 1806. Signé

NAPOLÉON. »

A ce message étaient joints les actes qui donnaient en toute propriété et souveraineté, à M. Talleyrand, la principauté de Bénévent, et à M. le maréchal Bernadotte la principauté de Ponte-Corvo.

Lecture faite de ces communications, le Sénat arrêta qu'elles seraient transcrites sur ses registres ; que son président et ses secrétaires porteraient à l'empereur et roi l'hommage respectueux de la reconnaissance de l'Assemblée ; enfin qu'une députation de dix de ses membres irait féliciter le roi et la reine de Hollande.

X.

GUERRE DE PRUSSE. PAIX DE TILSIT..

DOCUMENS DIVERS.

ACTES ET

LETTRE de l'empereur des Français au roi de Bavière.

« Monsieur mon frère, il y a plus d'un mois que la Prusse arme, et il est connu de tout le monde qu'elle arme contre la France et contre la Confédération du Rhin (1). Nous cherchons les motifs sans pouvoir les pénétrer. Les lettres que S. M. prussienne nous écrit sont amicales; son ministre des affaires étran gères a notifié à notre envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire qu'elle reconnaissait la Confédération du Rhin, et qu'elle n'avait rien à objecter contre les arrangemens faits dans le midi de l'Allemagne.

» Les armemens de la Prusse sont-ils le résultat d'une coalition avec la Russie, ou seulement des intrigues des différens partis qui existent à Berlin, et de l'irréflexion du cabinet? Ont-ils pour objet de forcer la Hesse, la Saxe et les villes anséatiques à contracter des

(1) L'acte de la Confédération du Rhin, suite nécessaire de la prépondérance de l'Empire français et de la position de l'Allemagne après la guerre d'Autriche et la paix de Presbourg, avait été signé à Paris le 12 juillet 1806, par tous les plénipotentiaires des puissances germaniques. L'empereur Napoléon y était reconnu et proclamé protecteur de la Confédération; et en cette qualité, au décès de chaque prince primat, il en nommait le successeur.— Les armemens de la Prusse datent précisément de la notification de cet acte.

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