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différence qui existe entre l'hommage rendu au pouvoir et celui qu'on offre à la chose publique. Pour la der nière fois, le peuple venait d'être appelé to saluer l'anniversaire de l'immortel quatorze juillet, que Pon avait associé, comme pour en faire perdre la mémoire, à la cérémonie de la distribution des signes de la Légion-d'Honneur et du serment des légionnaires,« prêté entre les mains de l'empereur. A ce ressouvenir du premierjour de son héroïque révolution, le peuple," par ses douces émotions, par ses expressions sans fard, par sa franche gaîté, prouva qu'il était peu sensible à la pompe orgueilleuse qu'on déployait à ses « yeux, il ne fêtait que la liberté. L'orateur lui-même,« entraîné malgré lui, parut s'agrandir dans son style. « Le discours prononcé par M. Lacépède dans cette « circonstance peut être considéré comme le passage de l'éloquence patriotique aux froides inspirations de la « louange et de la servitude.

DISCOURS prononcé le 26 messidor an 12, anniversaire du juillet, dans l'église des Invalides, lors de la

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du serment

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des membres de la Légion-d Honneur; par M. Lacépède, grand “ chancelier.

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Sire, quelle auguste solennité réunit dans cette enceinte l'élite de la nation!

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Français, quelle époque mémorable venez-vous célébrer! Ce jour de 89 où la nation fit entendre sa voix souveraine, et reprit ses droits usurpés. Alors elle brilla de son éclat céleste cette liberté sainte que le peuple français venait de conquérir! Mais quels orages funestes s'amoncelerent bientôt sur la tête de la patrie, trompée, trahie, livrée à l'or corrupteur d'un étranger perfide! Elle allait succomber et périr, lorsque de héros du dix neuvième siècle, interrompant ses triomphes lointains et ac-aar courant à sa voix, est venu la sauver, la délivrer, et la rendre à la gloire et au bonheur.

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Malgré toutes les tempêtes, le vaisseau de l'Etat est entré dans le port: il a jeté l'ancre, et la révolution est terminée.

Quels Lableaux cependant pour l'histoire quelles leçons pour l'homme d'état ! quels exemples pour les nations deixe

L'expérience, faisant retentir au loin sa voix forte et salutaire, signale pour les siècles à venir les rochers menaçans et les écueils cachés répandus au milieu de cette mer terrible, sur laquelle tant d'erreurs désastreuses et de discordes (sanglantes nous ont si longtemps agités, que la philosophie redoutait si vivement pour la justice et pour l'humanité, et dont les gouffres auraient été le terme de nos malheurs si le génie qui maîtrise la victoire, et que la sagesse éclaire, n'était venu commander à la fureur des flots!

To stool » La tourmente révolutionnaire finissait à peine; on croyait encore entendre gronder l'orage; et néanmoins la paix étendait ses rameaux sur l'Europe continentale ; des états ébranlés raffermis sur leurs fondemens; des lois conservatrices demandées par des peuples amis; l'industrie souriant à la vue de tant de canaux, de routes et de ports, créés pour ainsi dire par une puissance magique; les arts se glorifiant de nouveaux chefsd'œuvre le temple de la science reconstruit sur un plan plus vaste; la justice recevant d'une méditation savante le Code Napoléon (1); les haines éteignant leurs flambeaux; la religion consolée, et ne voyant autour de ses autels relevés des enfans d'un même père, et des ministres citoyens : tout présentait un enchaînement de merveilles, tout présageait le grand événement qui réunit à jamais la liberté, la concorde et le bonheur; tout annonçait ce concours de désirs, de vœux et

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que

(1) M. Lacepède est le premier qui ait donné le nom de Napoléon au Code civil. Son idée ne fut point perdue. Une loi rendue dans la session de 1807, le 3 septembre, en substituant des expressions monarchiques aux expressions républicaines qui se trouvaient dans ce Code, le promulgua de nouveau sous le titre de Code Napoléon.

C'est de cette époque, et en vertu de la même loi, que dans les préambules des actes du pouvoir, après ces mots Napoléon, empereur, on supprima ceux-ci par les Constitutions de la Répu blique.

de suffrages qui ont proclamé le sauveur de la France empereur des Français.

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» Aujourd'hui tout ce que le peuple a voulu le 14 juillet 89 existe par sa volonté. Il a conquis sa liberté; elle est fondée sur des lois immuables: il a voulu l'égalité; elle est défendue par un gouvernement dont elle est la base :'il a voulu que la propriété fût sacrée; elle est rendue inviolable par toutes nos institations. Répétez ces mots, qui déjà ont été proférés dans cette - enceinte, et qu'ils retentissent jusqu'aux extrémités de l'Empire! Tout ce qu'a établi le 14 juillet est inébranlable; rien de ce qu'il a détruit ne peut reparaître.

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Et quelle garantie plus forte pouvait être offerte à la volonté du peuple et à la raison du sage, que la grande et nouvelle institution à laquelle vous appartenez, Français, membres de la Légion-d'Honneur!

Résultat d'une conception sublime, créée sans modèle, comme toutes les vastes pensées des têtes supérieuses, ne pou- vant ressembler à rien de ce que nous découvrons dans le passé, parce qu'elle ne pouvait être inspirée que lorsque le progrès des lumières aurait élevé les sociétés européennes au degré de civilisation qui les distingue aujourd'hui, et cependant en:preinte partout du sceau du caractère national, elle est un hommage éclatant rendu aux droits imprescriptibles du peuple, le rempart le plus durable de l'égalité, de la liberté, de la prospérité, le présage le plus sûr des plus heureuses destinées.

Immense monument de gloire, elle montre toutes les professions honorées, toutes les affections réunies, tous les services récompensés, toutes les grandes actions célébrées, tous les hauts faits couronnés, toutes les vertus, tous les talens offerts à l'admiration des siècles; et au faîte de ce monument impérissable resplendissent des mots sacrés, désormais inscparables, et si chers à tous les vrais Français : honneur, patrie et Napoléon!

»Voilà ce que vous allez jurer de défendre sur vos armes, tai sur votre renommée, sur vos vertus sur l'autel du dieu des sabatailles, de la paix et de la liberté.

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* Et dans quelle enceinte allez-vous prononcer ce serment solennel!

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Ici repose la cendre de Turenne, et un héros a donné un asile à un héros.

» Ici les murs sont couverts des trophées de vos exploits.

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Ici les braves compagnons de vos victoires voient leurs cheveux blanchis et leurs nobles cicatrices ombragés par ces innombrables drapeaux qui forment leur pompe triomphale.

»Ici des tables, plus durables encore que celles qu'Athènes nous a transmises au travers de tant de siècles, rappelleront à la postérité et vos noms, et votre dévouement, et votre récompense.

>> Je crois voir tous les Français qui vous ont précédés dans la carrière, et qui par leurs travaux ont conquis l'immortalité, paraître dans ce temple, vous environner, se presser autour de votre chef auguste, s'avouer surpassés !

» Ils annoncent à ce gouvernement insulaire, qui entraîne sa nation dans l'abîme, que le commerce, qu'il enchaîne sur les mers, l'Europe, qu'il s'efforce de diviser pour l'asservir, et l'humanité, qu'il opprime jusque vers les extrémités du monde, seront un jour vengés!

» Honneur, Patrie, Napoléon, soyez à jamais la devişe sacrée de la France, et le gage de son éternelle prospérité ! »

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Communication faite au Tribunat, par ordre de l'empereur, du senatus-consulte organique du 28 floréal an 12.

DISCOURS de M. Treilhard, conseiller d'état.

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an 12. (19 mai 1804.).

Séance du 29 floréal

Tribuns, le senatus-consulte organique dont Sa Majesté impériale a ordonné la communication au Tribunat a été sollicité par votre vou, interprète fidèle de la volonté nationale. A Le moment était venu d'assurer pour toujours à la France inquiète les résultats que l'humanité et la philosophie avaient dû attendre de la revolution..

» La liberté politique sans anarchie, la liberté civile sans confusion, la liberté des cultes sans licence, la liberté de la presse sans moyens de soulèvement et de diffamation, l'égalité des droits, bien différente de l'égalité insensée des fortunes, voilà ce qu'avaient désiré les hommes éclairés de toutes les nations et de tous les âges; voilà le fruit que nous retirons de quinze années d'une pénible et laborieuse expérience; voilà les bienfaits que contient et que doit transmettre à nos derniers neveux le senatus-consulte que nous vous présentons.

» Il élève une barrière invincible contre toute institution qui n'aurait pas pour base la liberté publique, le bonheur et la gloire du peuple français; il affermit les fortunes et les propriétés de toute nature dans la main des citoyens; il brise à jamais les efforts de cette famille si justement, si unaniment proscrite, qui, après avoir lassé la patience des Français par une administration faible et désordonnée, après avoir trahi ses engagemens les plus sacrés, a osé méditer encore la destruction du peuple qu'elle ne devait plus gouverner, et qui désormais ne pourrait traîner à sa suite que des chaînes et des poignards.

>> Toutes nos institutions vont recevoir une force nouvelle ; et si la passion du bien public n'absorbait pas toutes vos affections, je remarquerais que les fonctions des tribuns seront plus durables, et la présidence du Tribunat plus honorée.

>> Ce monument repose sur un grand acte de reconnaissance

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