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Le Sénat renvoya ces communications à une commission composée de MM. Lacépède, Garat, Barthélemy, Valence et Pérée.

L'avis de cette commission, exposé le 4 du même mois par M. Lacépède, et immédiatement adopté, fut « que le Sénat devait s'empres>> ser de convertir en loi de l'Etat le senatus-consulte relatif à la levée » de quatre-vingt mille conscrits, et d'offrir à S. M. l'hommage de son » profond dévouement, de sa vive et respectueuse reconnaissance. »

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ADRESSE DU SÉNAT à l'empereur et roi.

Sire, le Sénat a reçu le message que Votre Majesté impériale et royale a bien voulu lui adresser de cette capitale de tant de provinces que les armes de Votre Majesté ont soumises avec tant de rapidité, de cette ville que la présence auguste de Napoléon le Grand, et les aigles de ses armées, consacrent comme un des monumens les plus remarquables de ses incroyables victoires.

» Votre Majesté, Sire, vient de communiquer au Sénat et au peuple Français les hautes pensées qui ne cessent de l'occuper pour le bonheur de notre patrie, et pour celui de l'Europe

entière.

» Le Sénat s'empresse de vous offrir l'hommage de sa recon

naissance.

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>> Que n'avez-vous pas fait, Sire, pour obtenir cette paix que l'Angleterre devait désirer bien plus que la France! Et, qu'il nous soit permis de le dire à Votre Majesté impériale et royale, peut-être le peuple Français n'aurait-il appris qu'avec un vif regret les sacrifices que Votre Majesté a offert de faire à la tranquillité du continent, si elle n'avait pas couvert l'Europe de ses trophées, et dispersé les trois coalitions qu'une aveugle fatalité avait successivement précipitées contre la France.

» Et, lorsqu'une quatrième coalition a disparu devant vous, lorsqu'à la voix de Votre Majesté, Sire, la colère du peuple Français, plus terrible que les tempêtes de l'Océan, a renversé, détruit, anéanti tout ce qui voulait opposer quelque obstacle, Votre Majesté offre encore à son ennemi la paix, qu'elle avait offerte avant de ressaisir la foudre!

» Paroles mémorables du message de Votre Majesté impériale et royale!

» Elle veut une prospérité durable, non seulement pour ses peuples, non seulement pour ses alliés, mais encore pour ses ennemis. Grâces immortelles lui en soient rendues au nom de l'humanité !

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Que les maux de la guerre ne retombent que sur ce gouvernement insulaire qui les provoque, les partage, et les multiplie, lorsqu'il ne tient qu'à lui de les faire cesser!

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merce,

» Qu'éprouvant de justes représailles, frappé dans son comet par conséquent dans toute son existence d'une sorte d'anathème politique, isolé sur ses rochers, qu'environnent les orages, il cherche en vain à se rassurer au milieu de l'or qu'il entasse, et qui est encore teint du sang des habitans infortunés de l'Orient asservi!

» Il a appelé la barbarie; qu'il en éprouve les malheurs!

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Qu'un mur d'airain le repousse loin du continent, sur lequel des agitateurs impies ont tant de fois par ses ordres répandu l'erreur, le vain effroi, les promesses corruptrices et les poignards homicides, depuis les cabinets des ministres infidèles jusque dans les cavernes des brigands et les repaires des assassins!

» Que l'Europe, dont il a voulu faire rétrograder la civilisation, soit pour lui une terre inhospitalière !

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des écueils

Que ses vaisseaux, dont il est si fier, errans sur les mers, qu'il tyrannise, veuillent en vain échapper à l'Océan en courroux, et ne trouvent sur les côtes européennes que sans assistance, que des fers inévitables, ou la foudre vengeresse des droits des nations!

» Et quel est le terme que veut mettre Votre Majesté à cette réaction terrible des coups portés si souvent par le gouvernement anglais?

» Le moment où une paix durable garantira l'affranchissement du commerce, la liberté des mers, l'indépendance des peuples, la fin de toutes les calamités dont le gouvernement britannique a inondé l'Europe; le bonheur de cette nation anglaise elle-même, qu'il égare, qu'il entraîne, qu'il fait descendre de ce haut faîte de gloire où tant de grands hommes l'avaient élevée.

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»Pour opérer cette délivrance de l'industrie européenne, le peuple français vous secondera, Sire, par ses efforts généreux. » Que ne ferait-il pas pour le monarque auguste qui compte pour rien les fatigues, les privations, les dangers, lorsqu'il combat pour la prospérité et l'honneur de la nation qui lui a confié ses destinées !

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Que ne ferait-il pas pour le héros qu'il admire, et pour le père qu'il chérit!

» Le Sénat, Sire, s'est empressé d'adopter le senatus-consulte qui permet à quatre-vingt mille braves de plus d'aller sous vos ordres, et dans les rangs des vainqueurs de Marengo, d'Austerlitz et d'Iéna, triompher et conquérir la paix.

» Ceux de vos enfans, Sire, auxquels la loi avait décerné l'honorable privilége d'aller les premiers partager la gloire de leurs aînés, vous remercient de les appeler assez tôt dans vos

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camps pour qu'ils puissent espérer de trouver encore des lauriers à cueillir aux extrémités de l'Europe.

» Et cependant, Sire, le Sénat, dévoué comme le peuple à votre personne sacrée, glorieux de transmettre à Votre Majesté les sentimens de la nation, fait taire cette voix secrète qui réclame la présence de Votre Majesté.

» Il ne cesse de s'occuper de ces prodiges qu'opère votre génie, des hauts faits de vos invincibles armées, de la renommée de leurs illustres chefs, de cette paix que Votre Majesté donnera au monde, et du moment si fortuné où, interprète de la reconnaissance publique, il présentera à Votre Majesté impériale et royale l'hommage de son respect, de son amour, et de son inviolable fidélité. »

Les Russes s'étaient montrés sur trois colonnes, formant cent cinquante mille hommes: bientôt ils furent tournés, rompus dans leur ligne d'opérations, et battus dans trente combats partiels, laissant toujours aux Français des prisonniers, des canons, des drapeaux. Les vainqueurs, bravant les glaces, les neiges et les débordemens, se répandaient dans la Silésie, la Poméranie, la Pologne; ils occupaient Glogau, capitale de la Basse-Silésie. L'empereur était à Varsovie. Partout les Français prenaient des positions, et se fortifiaient. On ne parlait plus des Prussiens : ils réunissaient les débris de leurs armées, et faisaient des recrues. Ils se retrouveront au nombre d'environ vingt-huit mille, dont six mille dans la ville de Dantzick. L'empereur avait nommé des gouverneurs dans les provinces prussiennes. Il avait ordonné qu'on respectât tout ce qui tenait aux sciences et aux arts. L'Université d'Iéna rouvrit ses cours sous sa protection. L'armée française avait pris des quartiers d'hiver. Les Kusses vinrent l'y chercher; ils éprouvèrent de nouvelles défaites. Les Russes harcelaient les Français dans l'espoir que la fatigue et le climat causeraient des maladies parmi eux; mais les Français, qui avaient bravé les premières glaces, résistèrent également à l'humi · dité qui suivit, beaucoup plus grande qu'on ne l'éprouve ordinairement à la même époque dans ces pays. Des succès sur divers points; des détails sur les combats les plus importans, et il y en eut douze mémorables; la récapitulation de ces succès et l'état des prises; des capitulations de places; des passages de fleuves, etc., voilà en substance ce que donnent les bulletins qui conduisent à la fin de janvier 1807. (Du trente-septième bulletin au cinquante-cinquième compris. ) Jusque là il n'y eut pas une grande affaire. Les combats

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portent les noms des lieux où ils ont été donnés; ces noms sont barbares comme les vaincus.

Sur ces entrefaites la guerre avait éclaté entre les Russes et les Turcs: Napoléon protégeait ces derniers. En même temps il avait traité avec la Saxe et plusieurs états d'Allemagne ; ce qui donna lieu à une nouvelle communication au Sénat.

SÉNAT. -Séance du 17 février 1807, présidée par l'archi-chancelier.

MESSAGE de l'empereur et roi.

« Sénateurs, nous avons ordonné à notre ministre des relations extérieures de vous communiquer les traités que nous avons faits avec le roi de Saxe et avec les différens princes souverains de cette maison.

» La nation Saxonne avait perdu son indépendance le 14 octobre 1756; elle l'a recouvrée le 14 octobre 1806. Après cinquante années, la Saxe, garantie par le traité de Posen, a cessé d'être province prussienne.

» Le duc de Saxe-Weimar, sans déclaration préalable, a embrassé la cause de nos ennemis. Son sort devait servir de règle aux petits princes qui, sans être liés par des lois fondamentales, se mêlent des querelles des grandes nations; mais nous avons cédé au désir de voir notre réconciliation avec la maison de Saxe entière et sans mélange.

» Le prince de Saxe-Cobourg est mort. Son fils se trouvant dans le camp de nos ennemis, nous avons fait mettre le séquestre sur sa principauté.

» Nous avons aussi ordonné que le rapport de notre ministre des relations extérieures sur les dangers de la Porte Ottomane fût mis sous vos yeux. Témoin, dès les premiers temps de notre jeunesse, de tous les maux que produit la guerre, notre bonheur, notre gloire, notre ambition, nous les avons placés dans les conquêtes et les travaux de la paix; mais la force des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons mérite notre principale sollicitude. Il a fallu quinze ans de victoires pour donner à la France des équivalens de ce partage de la Pologne qu'une seule campagne, faite en 1778, aurait empêché.

» Eh! qui pourrait calculer la durée des guerres, le nombre de campagnes qu'il faudrait faire un jour pour réparer les malheurs qui résulteraient de la perte de l'empire de Constan

tinople, si l'amour d'un lâche repos et des délices de la grande ville l'emportait sur les conseils d'une sage prévoyance ! Nous laisserions à nos neveux un long héritage de guerre et de malheurs. La tiare grecque relevée et triomphante depuis la Baltique jusqu'à la Méditerranée, on verrait de nos jours nos provinces attaquées par une nuée de fanatiques et de barbares, et si dans cette lutte, trop tardive, l'Europe civilisée venait à périr, notre coupable indifférence exciterait justement les plaintes de la postérité, et serait un titre d'opprobre dans l'histoire.

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L'empereur de Perse, tourmenté dans l'intérieur de ses états comme le fut pendant soixante ans la Pologne, comme l'est depuis vingt ans la Turquie, par la politique du cabinet de Pétersbourg, est animé des mêmes sentimens que la Porte, a pris les mêmes résolutions, et marche en personne sur le Caucase pour défendre ses frontières.

» Mais déjà l'ambition de nos ennemis a été confondue; leur armée a été défaite à Pultusk et à Golymin, et leurs bataillons épouvantés fuient au loin à l'aspect de nos aigles.

» Dans de pareilles positions la paix, pour être sûre pour nous, doit garantir l'indépendance entière de ces deux grands empires; et si, par l'injustice et l'ambition démesurée de nos ennemis, la guerre doit se continuer encore, nos peuples se montreront constamment dignes par leur énergie, par leur amour pour notre personne, des hautes destinées qui couronneront tous nos travaux ; et alors seulement une paix stable et longue fera succéder pour nos peuples, à ces jours de gloire, des jours heureux et paisibles.

» Donné en notre camp impérial de Varsovie, le 29 janvier 1807. Signé NAPOLÉON. »

(Suivait le traité de paix avec l'électeur de Saxe, daté de Posen, le 12 décembre 1806. Cet électeur prenait le titre de roi, entrait dans la Confédération du Rhin, et donnait vingt mille hommes pour son contingent de guerre. Suivait également, daté du 15, un traité analogue avec les princes souverains de la maison de Saxe, qui conservaient le titre de duc.)

RAPPORT du ministre des relations extérieures sur les dangers de la

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Porte Ottomane.

Sire, la Russie cesse de dissimuler; elle a jeté le masque dont elle avait jusqu'à présent essayé de se couvrir. Ses troupes sont entrées en Moldavie et en Valachie (1); elles ont assiégé

(1) Novembre et décembre 1806.

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