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militaires. Ce sont les pères de la patrie qui en éleveront les enfans; c'est l'expérience consommée qui dirigera les premiers pas des jeunes Français dans la carrière de la gloire. » Tant d'avantages réunis, Sire, doivent décider Votre Majesté à appeler à l'heure même la conscription de 1808.

» Une seule objection, Sire, pourrait être opposée aux puissans motifs qui dictent cette mesure; c'est l'accroissement de dépense qui doit en résulter. Mais les finances de Votre Majesté sont dans une situation si prospère; elle a si bien su se ménager pour des circonstances extraordinaires des ressources extraordinaires, que, sans imposer à ses peuples de nouvelles contributions, sans exiger d'eux de nouveaux sacrifices, elle peut satisfaire à ce que demandent sa gloire et la sûreté de la patrie.

» Le prince de Neufchâtel, ministre de la guerre. Signé maréchal ALEX. BERTHIER. »

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MESSAGE de l'empereur et roi.

Sénateurs, nous avons ordonné qu'un projet de senatusconsulte ayant pour objet d'appeler dès ce moment la conscription de 1808 vous soit présenté.

» Le rapport que nous a fait notre ministre de la guerre vous donnera à connaître les avantages de toute espèce qui résulteront de cette mesure.

» Tout s'arme autour de nous. L'Angleterre vient d'ordonner une levée extraordinaire de deux cent mille hommes; d'autres puissances ont recours également à des recrutemens considérables. Quelque formidables, quelque nombreuses que soient nos armées, les dispositions contenues dans ce projet de senatus-consulte nous paraissent sinon nécessaires, du moins utiles et convenables. Il faut qu'à la vue de cette triple barrière de camps qui environnera notre territoire, comme à l'aspect du triple rang de places fortes qui garantissent nos plus importantes frontières, nos ennemis ne conçoivent l'espérance d'aucun succès, se découragent, et soient ramenés enfin, par l'impuissance de nous nuire, à la justice, à la raison.

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L'empressement avec lequel nos peuples ont exécuté les senatus-consulte du 24 septembre 1805 et du 4 décembre 1806 a vivement excité en nous le sentiment de la reconnaissance. Tout Français se montrera également digne d'un si beau

nom.

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Nous avons appelé à commander et à diriger cette intéressante jeunesse des sénateurs qui se sont distingués dans la

carrière des armes, et nous désirons que vous reconnaissiez dans cette détermination la confiance sans bornes que nous mettons en vous. Ces sénateurs enseigneront aux jeunes conscrits que la discipline, et la patience à supporter les fatigues et les travaux de la guerre, sont les premiers garans de la victoire; ils leur apprendront à tout sacrifier pour la gloire du trône et le bonheur de la patrie, eux membres d'un corps qui en est le plus ferme appui.

» Nous avons été victorieux de tous nos ennemis. En six mois nous avons passé le Mein, la Saale, l'Elbe, l'Oder, la Vistule; nous avons conquis les places les plus formidables de l'Europe, Magdebourg, Hameln, Spandau, Stettin, Custrin, Glogau, Breslau, Schweidnitz, Brieg. Nos soldats ont triomphé dans un grand nombre de combats et dans plusieurs grandes batailles rangées ; ils ont pris plus de huit cents pièces de canon sur le champ de bataille; ils ont dirigé vers la France quatre mille pièces de siége, quatre cents drapeaux prussiens ou russes, et plus de deux cent mille prisonniers de guerre. Les sables de la Prusse, les solitudes de la Pologne, les pluies de l'automne, les frimas de l'hiver, rien n'a ralenti leur ardent désir de parvenir à la paix par la victoire, et de se voir ramener sur le territoire de la patrie par des triomphes. Cependant nos armées d'Italie, de Dalmatie, de Naples, nos camps de Boulogne, de Bretagne, de Normandie, du Rhin sont restés intacts.

» Si nous demandons aujourd'hui à nos peuples de nouveaux sacrifices pour ranger autour de nous de nouveaux moyens de puissance, nous n'hésitons pas à le dire, ce n'est point pour en abuser en prolongeant la guerre. Notre politique est fixe; nous avons offert la paix à l'Angleterre avant qu'elle eût fait éclater la quatrième coalition: cette même paix nous la lui offrons encore. Le principal ministre qu'elle a employé dans ses négociations a déclaré authentiquement dans ses assemblées publiques que cette paix pouvait être pour elle honorable et avantageuse: il a ainsi mis en évidence la justice de notre cause. Nous sommes prêts à conclure avec la Russie aux mêmes conditions que son négociateur avait signées, et que les intrigues et l'influence de l'Angleterre l'ont contrainte à repousser. Nous sommes prêts à rendre à ces huit millions d'habitans conquis par nos armes la tranquillité, et au roi de Prusse sa capitale. Mais si tant de preuves de modération, si souvent renouvelées, ne peuvent rien contre les illusions que la passion suggère à l'Angleterre; si cette puissance ne peut trouver la paix que dans notre abaissement, il ne nous reste plus qu'à gémir sur les malheurs de la guerre, et à en rejeter l'opprobre et le

blâme sur cette nation, qui alimente son monopole avec le sang du continent. Nous trouverons dans notre énergie, dans le courage, le dévouement et la puissance de nos peuples, des moyens assurés pour rendre vaines les coalitions qu'ont cimentées l'injustice et la haine, et pour les faire tourner à la confusion de leurs auteurs. Français, nous bravons tous les périls pour la gloire et pour le repos de nos enfans!

>> Donnéen notre camp impérial d'Osterode, le 20 mars 1807. Signé NAPOLÉON. »

Lecture faite de ces pièces, M. le conseiller d'état Regnault ( de Saint-Jean-d'Angely) développe encore les motifs du projet de senatus-consulte qui met à la disposition du gouvernement quatrevingt mille hommes de la conscription de 1808, à prendre parmi les jeunes gens nés depuis le 1er janvier 1788 jusqu'au 1er janvier 1789. Ce projet est renvoyé à l'examen d'une commission spéciale.

La commission fit son rapport le 7 du même mois, et conclut à l'adoption du projet; elle proposa en outre une adresse contenant l'expression de la reconnaissance, du dévouement, du respect et de la fidélité du Sénat envers Sa Majesté impériale et royale; et le Sénat adopta immédiatement le senatus-consulte et l'adresse.

Les nouveaux conscrits ne prendront point part à cette guerre; elle touche à son terme. Toutefois elle fournira encore vingt bulletins de la grande armée. (Il y en eut quatre-vingt-sept.) — La garnison de Dantzick, augmentée de Russes et de Prussiens qui y arrivaient par mer, faisait de fréquentes sorties: elles lui étaient funestes; mais elles prolongeaient le siége, conduit par le maréchal Lefebvre avec autant de vigueur que d'habileté : il montre toute l'activité d'un jeune homme, disait l'empereur, et toute l'expérience d'un vieux guerrier (1). Cette place importante capitula le 21 mai 1807; elle avait résisté près de trois mois. On y trouva huit cents pièces d'artillerie, cinq cent mille quintaux de grains, d'immenses magasins de draps et d'épiceries, plusieurs milliers de chevaux, enfin des ressources de toute espèce pour l'armée. Le maréchal Mortier battait les Suédois, à qui l'ennemi avait inspiré la frénésie de la guerre. Mais Napoléon les éclaira sur leurs propres intérêts. Il voulut qu'on les traitât comme des amis égarés que la nature des choses ne tarde

(1) Voyez plus loin les lettres patentes qui instituent duc de Danizick le maréchal Lefebvre.

XIX.

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pas à ramener. L'intérêt de l'Etat, dit-il, l'emporte tôt ou tard sur les petites passions. Est-ce à nous à faire du mal à la Suède? Il contremanda le siége de Stralsund, et l'on cessa de se battre. -Sur d'autres points les combats se succédaient, toujours à l'avantage des Français; l'ennemi s'épuisait en s'obstinant à les lasser. Ils enlevaient et faisaient capituler les dernières places occupées par les Russes et les Prussiens. Napoléon avait donné dans son camp une audience solennelle aux ambassadeurs de Perse et de Constantinople, et promis à leurs maîtres la continuation de son alliance et de sa protection. Des ouvertures de paix avaient été faites, mais presque aussitôt abandonnées par suite des prétentions des vaincus. La Russie ne voulait pas que la Porte Ottomane entrât dans les négociations : Napoléon l'exigeait. La reprise des hostilités amena des coups de foudre. Six glorieux combats précédèrent le dernier et l'un des plus beaux faits d'armes de cette guerre. La bataille de FRIEDLAND, donnée le 14 juin, fut placée par l'empereur à côté de celles d'Austerlitz et d'Iéna. C'est un jour de bonheur, avait dit Napoléon ; c'est l'anniversaire de Marengo. La victoire ne fut pas un moment douteuse; il n'y eut aucune tentative désespérée; partout l'armée française conserva une étonnante supériorité, non par le nombre, mais par ses manœuvres, et surtout par son impétuosité, plus remarquable encore qu'aux premiers jours de l'entrée en campagne. On eût dit que, piquée de la tenacité de l'ennemi, la grande armée avait voulu finir en lui infligeant un grand châtiment. Dix - huit mille Busses furent tués à Friedland; on en fit prisonniers quarante mille. Cette bataille décisive conduisit à la possession de Koenigsberg, dont les immenses approvisionnemens en tout genre, joints aux richesses trouvées à Dantzick, suffirent pour remonter l'armée, infanterie et cavalerie. Le roi de Prusse avait définitivement tout perdu. L'empereur Alexandre venait de recevoir une nouvelle leçon. Ils entrèrent alors plus franchement en négociation. Un armistice fut conclu à TILSIT le 21 juin.

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PROCLAMATION.

L'empereur à la grande armée.

Soldats, le 5 juin nous avons été attaqués dans nos cantonnemens par l'armée russe. L'ennemi s'est mépris sur les causes de notre inactivité. Il s'est aperçu trop tard que notre repos était celui du lion; il se repent de l'avoir troublé.

»Dans les journées de Guttstadt, de Heilsberg ;.dans celle à jamais mémorable de Friedland; dans dix jours de campagne enfin nous avons pris cent vingt pièces de canon, sept drapeaux; tué, blessé ou fait prisonniers soixante mille Russes; enlevé à l'armée ennemie tous ses magasins, ses hôpitaux, ses ambulances, la place de Koenigsberg, les trois cents bâtimens qui étaient dans ce port, chargés de toute espèce de munitions,

cent soixante mille fusils que l'Angleterre envoyait pour armer nos ennemis.

>> Des bords de la Vistule nous sommes arrivés sur ceux du Niémen avec la rapidité de l'aigle. Vous célébrâtes à Austerlitz l'anniversaire du couronnement; vous avez cette année dignement célébré celui de la bataille de Marengo, qui mit fin à la guerre de la seconde coalition.

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Français, vous avez été dignes de vous et de moi. Vous rentrerez en France couverts de tous vos lauriers, et après avoir obtenu une paix glorieuse qui porte avec elle la garantie de sa durée. Il est temps que notre patrie vive en repos à l'abri de la maligne influence de l'Angleterre! Mes bienfaits vous prouveront ma reconnaissance et toute l'étendue de l'amour que je vous porte.

» Au camp impérial de Tilsit, le 22 juin 1807. Signé NAPOLÉON.

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C'est à Tilsit que les deux maîtres de l'Europe en régleront le partage et les destinées; et c'est à la sollicitation de l'empereur de Russie, à l'amitié de l'empereur des Français pour ce czar, que le roi de Prusse obtiendra de recouvrer sa couronne et les deux tiers environ des états qu'il possédait avant la guerrc. Cette amitié sera funeste aux Polonais : ils avaient reçu les Français comme des libérateurs; dans un de ses bulletins (voyez plus haut, page 321), Napoléon avait donné l'espoir que cette grande nation reprendrait son existence et son indépendance : mais il n'entrera pas dans les calculs des deux empereurs de rétablir le royaume de Pologne, dont l'ancienne capitale ne sera soustraite à un joug que pour se courber sous un autre. Varsovie et les pays dépendans de cette grande cité, enlevés à la Prusse, seront érigés en un grand duché donné au roi de Saxe : ces pays comprenaient près de quatre millions d'habitans. Une autre partie de la Pologne entrera dans le nouveau royaume de Westphalie. Ainsi les malheureux Polonais, encore une fois sacrifiés, n'auront changé que de domination.

La première entrevue de Napoléon avec Alexandre eut lieu sur le Niémen, le 25 juin. Un pavillon, élevé sur un radeau au milieu du fleuve, avait été préparé pour les recevoir; leurs armées bordaient les deux rives. En s'abordant ils se sont étroitement embrassés. Ils restèrent ensemble deux heures. Napoléon croyait faire un ami digne de lui: Alexandre se croyait l'égal d'un grand homme. Quoi qu'il en soit de cette double erreur, la scène du Niémen sera retracée dans l'histoire.

Ce fleuve fut témoin de plusieurs entrevues semblables : le roi de Prusse y fut admis à la seconde. Les trois monarques occupèrent ensuite chacun un palais dans Tilsit. Ils curent de fréquentes et

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