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longues conférences. Dans leurs visites d'apparat Napoléon se montra avec le grand cordon de l'ordre de Saint-André, et Alexandre avec le grand cordon de la Légion-d'Honneur. Ils dînèrent souvent ensemble, mais toujours chez Napoléon. La reine de Prusse vint à Tilsitt; aussitôt arrivée, elle reçut une visite de Napoléon, et prit part à ses banquets: Napoléon avait porté la santé de cette princesse dans le premier dîner qu'il donna à son époux. La reine de Prusse ne pouvait ignorer les bulletins qui l'accusaient de la guerre, révélaient ses intrigues et même les secrets présumés de son cœur ; elle dut rougir en se trouvant à table entre Napoléon et le bel Alexandre (1), et en présence de son mari. L'empereur de Russie fit passer le Niémen à une douzaine de baskirs, qui exécutèrent devant Napoléon un concert à la manière de leur pays.

Les trois monarques restèrent vingt jours à Tilsit. Ils y signèrent la paix. En se quittant Napoléon et Alexandre se donnèrent publiquement les assurances de l'amitié qu'ils s'étaient jurée. Alexandre conféra les ordres de son empire à plusieurs Français; Napoléon honora les troupes russes en décorant du signe de sa Légion quelques uns de leurs chefs. Il se fit amener le soldat russe de la garde impériale qui s'était le plus distingué, et lui donna l'aigle d'or en témoignage de son estime pour cette garde. Il fit présent de son portrait à l'hetman des cosaques, Platow. Enfin la garde impériale française donna un dîner à la garde impériale russe.

L'empereur Napoléon était de retour à Paris le 27 juillet.

Pour la première fois les Français avaient vu, non pas les Russes, mais les hordes du nord le l'Asie, dont quelques-unes combattirent encore avec des flèches, ce qui donna un spectacle fort gai à la grande armée. L'épouvante qui avait précédé ces bandes s'était dissipée devant les aigles françaises; elles avaient tout soumis, et détruit tous les prestiges. Mais dans les circonstances où venaient de se montrer tant de peuples divers, on a pu les apprécier, soit avant les combats, soit dans les défaites, soit surtout dans leur conduite envers les blessés et les prisonniers. Hé bien, à l'exception des cosaques, qui sont voleurs, lâches et cruels, la qualification de barbares n'est pas restée dans cette guerre aux hommes de l'empereur de Russie; elle fut méritée par les Prussiens.

Voici les principales bases des traités de paix.

Dans le traité avec la Russie, conclu à Tilsit le 7 juillet 1807, et ratifié le 9, il est dit :

S. M. l'empereur Napoléon, par égard pour S. M. l'em

(1) Expression d'un bulletin.

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pereur de toutes les Russies, et voulant donner une preuve du désir sincère qu'il a d'unir les deux nations par les liens d'une confiance et d'une amitié inaltérables, consent à restituer à S. M. le roi de Prusse, allié de S. M. l'empereur de toutes les Russies, tous les pays, villes et territoires conquis et dénommés ci-après, etc. (Le roi de Prusse perdait entr'autres les provinces qu'il avait obtenues dans le célèbre partage de la Pologne; elles étaient données en toute propriété et souveraineté au roi de Saxe, et formaient en partie le grand duché de Varsovie.) La ville de Dantzick, avec un territoire de deux lieues de rayon autour de son enceinte, sera rétablie dans son indépendance, sous la protection de S. M. le roi de Prusse et de S. M. le roi de Saxe, et gouvernée par les lois qui la régissaient à l'époque où elle cessa de se gouverner elle-même.-S. M. l'empereur Napoléon accepte la médiation de S. M. l'empereur de toutes les Russies à l'effet de négocier et conclure un traité de paix définitive entre la France et l'Angleterre, dans la supposition que cette médiation sera aussi acceptée par l'Angleterre un mois après l'échange des ratifications du présent traité. L'empereur de toutes les Russies reconnaît S. M. le roi de Naples Joseph Napoléon et S. M. le roi de Hollande Louis Napoléon.

entrer.

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S. M. l'empereur de toutes les Russies reconnaît pareillement la Confédération du Rhin, l'état actuel de possession de chacun dès souverains qui la composent, et les titres donnés à plusieurs d'entre eux soit par l'acte de Confédération, soit par les traités d'accession subséquens. Sadite Majesté proinet de reconnaître, sur les notifications qui lui seront faites de la part de S. M. l'empereur Napoléon, les souverains qui deviendront ultérieurement membres de la Confédération, en la qualité qui leur sera donnée par les actes qui les y feront S. M. l'empereur de toutes les Russies cède en toute propriété et souveraineté à S. M. le roi de Hollande la seigneurie de Jever, dans l'Ost-Frise.-S. M. l'empereur de toutes les Russies reconnaît aussi S. A. I. le prince Jéróme Napoléon comme roi de Westphalie.-Le royaume de Westphalie sera composé des provinces cédées par S. M. le roi de Prusse à la gauche de l'Elbe, et d'autres états actuellement possédés par S. M. l'empereur Napoléon. Les troupes russes se retireront des provinces de Valachie et de Moldavie, et S. M. l'empereur de Russie accepte la médiation de S. M. l'empereur des Français à l'effet de négocier une paix définitive entre la Russie et la Porte Ottomane. S. M. l'empereur des Français et S. M. l'empereur de toutes les Russies se garantissent mutuellement l'intégrité de leurs possessions et celle des puissances comprises au présent traité de paix. »

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Dans le traité avec la Prusse, conclu à Tilsit le 9 juillet 1807, et ratifié le 12 à Koenigsberg, il était convenu :

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« 1°. Que le royaume de Prusse serait rétabli comme il se trouvait au 1 janvier 1772; 2° que le roi de Prusse reconnaissait les rois de Naples, de Hollande et de Westphalie ; 3° qu'il reconnaissait également la Confédération du Rhin; 4° que le roi de Prusse renonçait à toujours, pour lui, ses héritiers et successeurs, aux duchés, marquisats, principautés, seigneuries, enfin à tous les pays qu'il possédait entre le Rhin et l'Elbe au commencement de la guerre; il renonçait également, et à toute perpétuité, à la ville de Dantzick, etc., etc.; 5° que, pour les communications entre le royaume de Saxe et le duché de Varsovie, le roi de Saxe aurait le libre passage d'une route militaire à travers les états prussiens; 6o que tous les de la domination du roi de Prusse seraient, sans exceppays tion, fermés à la navigation et au commerce des Anglais.

CRÉATION DU DUCHÉ DE DANTZICK.

MESSAGE de l'empereur au Sénat, lu dans la séance du 11 juin 1807.

« Sénateurs, par nos décrets du 30 mars de l'année 1806 nous avons institué des duchés pour récompenser les grands services civils et militaires qui nous ont été ou qui nous seront rendus, et pour donner de nouveaux appuis à notre trône et environner notre couronne d'un nouvel éclat.

» C'est à nous à songer à assurer l'état et la fortune des familles qui se dévouent entièrement à notre service,' et qui sacrifient constamment leurs intérêts aux nôtres. Les honneurs permanens, la fortune légitime, honorable et glorieuse que nous voulons donner à ceux qui nous rendent des services éminens, soit dans la carrière civile, soit dans la carrière militaire, contrasteront avec la fortune illégitime, cachée, honteuse, de ceux qui dans l'exercice de leurs fonctions ne chercheraient que leur intérêt au lieu d'avoir en vue celui de nos peuples et le bien de notre service. Sans doute la conscience d'avoir fait son devoir et les biens attachés à notre estime suffisent pour retenir un bon Français dans la ligne de l'honneur; mais l'ordre de notre société est ainsi constitué qu'à des distinctions apparentes, à une grande fortune, sont attachés une considération et un éclat dont nous voulons que soient environnés ceux de nos sujets grands pár leurs talens, par leurs services et par leur caractère, premier don de l'homme.

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» Celui qui nous a le plus secondé dans cette première journée de notre règne (1), et qui, après avoir rendu des services dans toutes les circonstances de sa carrière militaire, vient d'attacher son nom à un siége mémorable, où il a déployé des talens et un brillant courage, nous a paru mériter une éclatante distinction. Nous avons aussi voulu consacrer une époque si honorable pour nos armes; et par les lettres patentes dont nous chargeons notre cousin l'archi-chancelier de vous donner communication, nous avons créé notre cousin le maréchal et sénateur Lefebvre duc de Dantzick. Que ce titre, porté par ses descendans, leur retrace les vertus de leur père, et qu'eux-mêmes ils s'en reconnaissent indignes s'ils préféraient jamais un lâche repos et l'oisiveté de la grande ville aux périls et à la noble poussière des camps, si jamais leurs premiers sentimens cessaient d'être pour la patrie et pour nous! Qu'aucun d'eux ne termine sa carrière sans avoir versé son sang pour la gloire et l'honneur de notre belle France! Que dans le nom qu'ils portent ils ne voient jamais un privilége, mais des devoirs envers nos peuples et envers nous ! A ces conditions notre protection et celle de nos successeurs les distinguera dans tous les temps.

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Sénateurs, nous éprouvons un sentiment de satisfaction en pensant que les premières lettres patentes qui, en conséquence de notre senatus-consulte du 14 août 1806 (1), doivent être inscrites sur vos registres, consacrent les services de votre préteur.

» Donné en notre camp impérial de Finckenstein, le 28 mai 1807. Signé NAPOLÉON.

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LETTRES PATENTES.

Napoléon, par la grâce de Dieu et les Constitutions de la République, empereur des Français, à tous présens et à venir,

salut.

» Voulant donner à notre cousin le maréchal et sénateur Lefebvre un témoignage de notre bienveillance pour l'attachement et la fidélité qu'il nous a toujours montrés, et reconnaître les services éminens qu'il nous a rendus le premier ́jour de notre règne, qu'il n'a cessé de nous rendre depuis, et auxquels il vient d'ajouter encore un nouvel éclat par la prise de la ville de Dantzick; désirant de plus consacrer par un titre spécial le souvenir de cette circonstance mémorable

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Le dix-huit brumaire.

Voyez ce senatus-consulte au n° XIII, Etablissement des titres héréditaires.

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et glorieuse, nous avons résolu de lui conférer, et nous lui conférons par les présentes, le titre de duc de Dantzick, avec une dotation en domaines situés dans l'intérieur de nos états.

Nous entendons que ledit duché de Dantzick soit possédé par notre cousin le maréchal et sénateur Lefebvre, et transmis héréditairement à ses enfans mâles, légitimes et naturels, par ordre de primogéniture, pour en jouir en toute propriété aux charges et conditions, et avec les droits, titres, honneurs et prérogatives attachés aux duchés par les Constitutions de l'Empire; nous réservant, si sa descendance masculine, légitime et naturelle venait à s'éteindre, ce que Dieu ne veuille, de transmettre ledit duché à notre choix et ainsi qu'il sera jugé convenable par nous ou nos successeurs pour le bien de nos peuples et l'intérêt de notre couronne.

» Nous ordonnons que les présentes lettres patentes soient communiquées au Sénat pour être transcrites sur ses registres.

Ordonnons pareillement qu'aussitôt que la dotation définitive du duché de Dantzick aura été revêtue de notre approbation, l'état détaillé des biens dont elle se trouvera composée, soit en exécution des ordres donnés à cet effet par notre ministre de la justice, inscrit au greffe de la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'habitation principale du duché sera située, et que la même inscription ait lieu au bureau des hypothèques des arrondissemens respectifs, afin que la condition desdits biens, résultant des dispositions du senatus-consulte du 14 août 1806, soit généralement reconnue, et que personne ne puisse en prétendre cause d'ignorance.

» Donné en notre camp impérial de Finckenstein, le 28 mai 1807. Signé NAPOLEON. »

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XI.

SESSION DE 1807.

DISCOURS de l'empereur en ouvrant la session, le 16 août 1807 (1).

Messieurs les députés des départemens au Corps législatif, messieurs les tribuns et les membres de mon Conseil d'état, depuis votre dernière session de nouvelles guerres, de

(1) C'est par un décret daté de Tilsit, le 1er juillet 1807, que Napoléon avait convoqué le Corps législatif.

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