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souverain a été pendant dix mois éloigné de six cents lieues ; l'Europe étonnée, nos ennemis confondus; l'Angleterre restant seule chargée du fardeau de la guerre et de la haine des peuples : telles sont, messieurs, les opérations d'une année, et les espérances de celle qui va suivre. Ce tableau s'embellira du bien que vous allez faire, et sans doute vous vous trouverez heureux d'avoir à concourir à l'accomplissement des vœux d'un souverain qui, parvenu au plus haut degré de gloire auquel un morte puisse arriver, fonde son bonheur sur le bonheur de son peuple, et n'ambitionne d'autre récompense de tant de pénibles travaux, de soins infatigables, d'inquiétudes et de dangers, que l'amour de ses sujets et le suffrage de la postérité. »

TRIBUNAT; sa suppression. - CLÔTURE de la session. législative.

SÉANCE DU TRIBUNAT DU 18 SEPTEMBRE 1807.

DISCOURS de M. Bérenger, conseiller d'état.

"En abordant cette tribune, illustrée par l'heureux assemblage du talent, des lumières et de la sagesse, on éprouve une émotion profonde; de grands souvenirs se présentent à l'esprit: celui du 18 brumaire nous montre le terme des malheurs de la France, et l'origine de sa puissance et de sa félicité. Il vous souvient, messieurs, de l'époque à jamais mémorable où le retour d'un grand homme prévint la dissolution de cet Empire, aujourd'hui si florissant! Vos vœux avaient devancé l'exécution de ses desseins; plusieurs d'entre vous contribuèrent au succès de la révolution qui fit cesser les désordres révolutionnaires, et tous applaudirent à ses résultats. Bientôt après vous vîtes s'ouvrir devant vous une vaste carrière; le Tribunat fut institué conseil du peuple, et son organe auprès du Corps législatif. Il fut chargé de défendre les principes constitutionnels, et d'appeler par ses vœux les réformes salutaires, les institu tions utiles et tous les genres d'amélioration. Vous devîntes possesseurs de cette tribune, si terrible autrefois, dont vous avez conservé tout l'éclat et purifié l'usage. Dès l'ouverture de vos séances l'attention publique se fixa sur vos délibérations; l'emploi que vous alliez faire de tant et de si importantes attributions fut considéré comme l'augure de nos destinées : vous vous empressâtes de répondre à cette interrogation silencieuse et solennelle. Les résultats de vos premières discussions annoncèrent aux factieux qu'ils devaient renoncer à leurs desseins, et perdre toute espérance: ils firent apercevoir à la nation.

per

qui

tout ce qu'elle pouvait attendre de votre zèle, de vos lumières et de votre sagesse ; ils montrèrent au gouvernement qu'il trou→ verait en vous des conseils éclairés. Notre auguste monarque apprécia le mérite d'une telle conduite, et il ne cessa, messieurs, de vous accorder la plus honorable confiance. C'est ainsi que s'établit ce concert entre les premières autorités qui fit du Tribunat, du Corps législatif, du Sénat et du gouvernement une seule puissance. Cette heureuse union répandit dans l'intérieur le calme, la confiance et la sécurité; elle déconcerta les manoeuvres perturbatrices de ce cabinet fide et corrupteur qui nous faisait depuis si longtemps`une guerre de brigandage; elle accéléra le grand ouvrage de notre réorganisation politique, civile, administrative et judiciaire. Qui pourrait énumérer les biens qu'elle a produits et les événemens mémorables auxquels elle a contribué ? Sans doute la conception et l'exécution principale des travaux immortels ont placé la nation française au premier rang des peuples civilisés appartient au génie qui la gouverne; on lui doit l'établissement de ce grand système politique qui nous unit au reste de l'Europe par des convenances réciproques, système impérissable , parce qu'il est fondé sur l'intérêt de tous les peuples, et qu'il offre à tous les gouvernemens une solide garantie; mais vous avez su, messieurs, vous associer à tant de gloire, et mériter l'estime et la bienveillance de l'empereur en l'aidant de votre influence. Vous avez appelé la jeunesse française au champ d'honneur, et annoncé par des vœux prophétiques cette immortelle victoire qui daus l'espace de quelques heures nous rendit l'Italie, et prépara la paix continentale. Une inspiration encore plus sublime et plus salutaire vous fit inviter le Sénat et le peuple à placer la couronne impériale sur la tête de Napoléon, à rendre pour jamais impossible le retour du régime féodal, à consolider les bienfaits de la révolution en fondant une nouvelle dynastie. Appelés à défendre notre système politique, vous avez plus fait, messieurs, vous avez demandé les institutions qui doivent en éterniser la durée.

>> En rappelant cette époque, précédée de grands événemens et illustrée par de plus grands résultats, je suis frappé de ce généreux désintéressement qui pendant le cours de vos intéressans et utiles travaux vous a rendus inaccessibles aux suggestions de l'intérêt personnel, et vous a constamment inspiré le noble sacrifice de toutes les considérations étrangères au bien de la patrie. Parmi les améliorations que notre charte constitutionnelle a reçues depuis l'an 8, on distinguera celles qui concernent l'organisation de la législature; le plus beau trait de votre gloire sera d'en avoir les premiers senti l'utilité, et de les avoir pré

parées. La répartition des fonctions législatives, et l'état d'isolement dans lequel la Constitution de l'an 8 avait laissé les différens corps auxquels elle les avait distribuées, pouvaient entraîner des inconvéniens; non contens de les écarter par votre sagesse, vous vous empressâtes d'en prévenir la possibilité : bientôt, et d'après vos désirs, des communications intimes s'établirent entre vous et le Conseil d'état; des discussions particulières, abrégèrent les discussions de tribune, et le concours de vos lumières fit acquérir à notre législation de nombreux perfectionnemens.

>> Ce changement dans la pratique en appelait un dans les formes. Les projets de loi vous étant communiqués avant leur présentation officielle, la discussion publique ne pouvait être réellement utile que dans le sein du Corps législatif; elle y fut transférée par le senatus-consulte organique du 28 floréal an 12, et les sections du Tribunat y furent appelées pour énoncer leur opinion et en développer les motifs par l'organe de leurs ora

teurs.

>> Pendant les trois années qui se sont écoulées depuis cette organisation, vous avez rendu de nouveaux et d'importans services. S. M. nous a ordonné, messieurs, de vous assurer de toute la satisfaction que vous lui avez fait éprouver par votre conduite. L'un des motifs des dispositions que nous sommes chargés de vous communiquer a été le désir de vous donner de nouvelles marques de son estime et de sa confiance. En rendant au Corps législatif la plénitude de ses attributions naturelles, le senatus-consulte du 19 août dernier y appelle ceux d'entre vous dont les fonctions ne devaient se terminer que dans quelques années. Ainsi, messieurs, on retrouvera le Tribunat au milieu du Corps législatif: il y portera l'excellent esprit qui l'anime; il y trouvera de nouveaux moyens d'être utile, et il y acquerra de droits à la reconnaissance nationale et à la bienveillance de S. M. »

nouveaux

L'orateur du gouvernement termine en donnant lecture du senatusconsulte du 19 août 1807; en voici les articles :

« Art. 1er. A l'avenir, et à compter de la fin de la session qui va s'ouvrir, la discussion préalable des lois, qui est faite par les sections du Tribunat, le sera pendant la durée de chaque session trois commissions du Corps législatif, sous le titre, la par première, de commission de législation civile et criminelle; la seconde, de commission d'administration intérieure; la troisième, de commission des finances.

» 2. Chacune de ces commissions délibérera séparément et

sans assistans; elle sera composée de sept membres nommés par le Corps législatif, au scrutin secret et à la majorité absolue des voix. Le président sera nommé par l'empereur, soit parmi les membres de la commission, soit parmi les autres membres du Corps législatif.

» 3. La forme du scrutin sera dirigée de manière qu'il y ait, autant qu'il sera possible, quatre jurisconsultes dans la commission de législation.

» 4. En cas de discordance d'opinions entre la section du Conseil d'état qui aura rédigé le projet de loi et la commission compétente du Corps législatif, l'une et l'autre se réuniront en conférence sous la présidence de l'archichancelier de l'Empire, ou de l'architrésorier, suivant la nature des objets à examiner.

>> 5. Si les conseillers d'état et les membres de la commission du Corps législatif sont du même avis, le président de la commission sera entendu après que l'orateur du Conseil d'état aura exposé devant le Corps législatif les motifs de la loi.

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6. Lorsque la commission se décidera contre le projet de loi, tous les membres de la commission auront la faculté d'exposer devant le Corps législatif les motifs de leur opinion.

>> 7. Les membres de la commission qui auront discuté un projet de loi seront admis, comme les autres membres du Corps législatif, à voter sur le projet.

>> 8. Lorsque les circonstances donneront lieu à l'examen de quelque projet d'une importance particulière, il sera loisible à l'empereur d'appeler dans l'intervalle de deux sessions les membres du Corps législatif nécessaires pour former les commissions, lesquelles procéderont de suite à la discussion préalable du projet. Ces commissions se trouveront nommées pour la session prochaine.

9. Les membres du Tribunat qui, aux termes de l'acte du Sénat conservateur en date du 17 fructidor an 1o, devaient rester jusqu'en l'an 17, et dont les pouvoirs avaient été, par l'article 89 de l'Acte des Constitutions de l'Empire du 28 floreal an 12, prorogés jusqu'en l'an 21, correspondant à l'année 1812 du calendrier grégorien, entreront au Corps législatif, et feront partie de ce Corps jusqu'à l'époque où leurs fonctions auraient dû cesser au Tribunat.

» 10. A l'avenir nul ne pourra être nommé membre du Corps législatif à moins qu'il n'ait QUARANTE ANS accomplis. » (1)

(1) Cette disposition, introduite comme furtivement dans ce senatas-consulte, n'a été l'objet d'aucun examen, n'a été appuyée d'aucuns motifs par les orateurs du gouvernement, ni devant le Tribunat, ni devant le Corqs législatif.

RÉPONSE du président (M. Fabre de l'àude).

« Messieurs les orateurs du gouvernement, le Tribunat reçoit avec respect et confiance le senatus-consulte qui confere ses attributions constitutionnelles au Corps législatif.

>> Cette grande autorité en acquerra plus de lustre et de considération.

» Les trois commissions qui seront nommées dans son sein pour la discussion solennelle des projets de loi seront composées d'hommes distingués par leurs talens et par une longue expérience dans les affaires publiques; ils sentiront tout le prix. des rapports qui vont exister entre eux et MM. les conseillers d'état.

» Nous n'avons pour nous que des regrets à exprimer de voir cesser à notre égard des communications qui nous ont mérité des témoignages de satisfaction de la part de l'empereur, qui ont produit l'heureux effet de reconstituer en peu d'années nos finances, cette base si essentielle de la force et de la durée des empires, et d'améliorer si sensiblement les autres parties de la législation par la confection des Codes Civil, de Procédure et de Commerce.

» La justice éclatante qui vient de nous être rendue par vous, messieurs, qui êtes les organes de la pensée du souverain, nous dispense de retracernos longs travaux et les actes de courage et de dévouement qui honoreront à jamais le Tribunat.

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Jusqu'ici dans nos réunions, que l'estime et l'amitié ren– daient intimes et fréquentes, nous nous animions, nous nous enflammions d'une émulation mutuelle pour le service de l'empereur et de la patrie; désormais, dans notre douloureuse séparation, ce qui nous consolera sera le souvenir d'avoir bien servi S. M., et l'espoir de lui consacrer encore individuellement les restes de nos forces et de nos moyens. »

PROPOSITION de M. Carrion-Nisas, tribun.

« Messieurs, l'empereur a jugé qu'il était utile de transférer au Corps législatif les attributions constitutionnelles du Tribunat.

» Le Sénat a donné son adhésion à cette mesure; tel est l'objet du senatus-consulte qui vient de vous être communiqué.

» Cette communication a été accompagnée de tant de témoignages d'estime et de bienveillance de la part du souverain pour ses fidèles sujets les membres du Tribunat; ces témoi-gnages sont d'un si grand qrix; ils ont eu une solennité si

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