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Fontes ou des canaux des contrées que le défaut de communication rendait comme étrangères les unes aux autres; tout marche à la fois et de front vers le terme où la prospérité devient générale. A mesure que le souverain avance dans la carrière du bien, ses vues s'étendent, ses forces s'accroissent, et les succès se multiplient. Dans vos sessions précédentes, mes→ sieurs, vous avez sanctionné de nombreux projets d'une utilité notable; mais ces projets étaient partiels ; c'étaient les premiers pas d'une marche hardie. Cette année vous avez embrassé le système tout entier des travaux publics; plusieurs millions d'arpens de marais pestilentiels, que des propriétaires isolés, manquant d'industrie ou de ressources, laissaient ensevelis sous les eaux depuis des siècles, vont bientôt être livrés à l'agriculture par l'effet du vaste plan de desséchement que le gouvernement a conçu, et que vous avez adopté. Ces conquêtes de la France sur elle-même deviendront ses triomphes pendant la paix. Le prince qui la gouverne n'aspire qu'à borner sa gloire à ces modestes trophées; son unique désir est de pouvoir s'occuper du bonheur de ses peuples : les victoires, les conquêtes et la renommée n'ont de prix à ses yeux que par les moyens qu'elles lui donnent d'opérer le bien avec plus de rapidité, de couvrir d'établissemens utiles la surface de l'Empire, et de substituer en Europe, aux rivalités qui amènent l'effusion du sang, une généreuse émulation dans l'art de rendre les hommes heureux et les nations florissantes.

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Messieurs, vous avez secondé les vues bienfaisantes de S. M.; votre coopération vous donne droit à une part de la reconnaissance et des bénédictions que lui réservent ses peuples, et qui sont sa plus douce récompense. » (L'orateur donne lecture du décret impérial qui déclare close la session de 1897.)

RÉPONSE du président (M. Fontanes ).

«Messieurs les orateurs du Conseil d'état, la session qui finit nous laissera des souvenirs doux et consolans. L'Etat, après de si longues guerres, n'a point demandé de nouveaux secours, et, contre l'usage établi par tous les conquérans, la gloire du monarque ne coûtera point au peuple de subsides extraordinaires.

» Le Corps législatif en se séparant est heureux d'annoncer à ceux qui l'ont envoyé que l'avenir doit accroître encore cette première amélioration dans les finances. Il en félicite surtout le gouvernement, car l'ordre et l'économie, les plus grands bienfaits des princes, sont aussi les meilleurs calculs de leur politique. Trop d'exemples ont prouvé que l'excès des dépenses amenait tôt ou tard la dernière catastrophe des empires, et que

XIX.

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la plus solide garantie du pouvoir est, comme aujourd'hui, dans une bonne administration de la fortune publique.

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Déjà l'heureuse influence de cette sage administration se fait sentir de toutes parts: la confiance a reparu; les effets publics ont repris une faveur presque inconnue dans les plus beaux jours de la paix. Un trésor riche, et par conséquent maître de ses opérations; les vrais principes du crédit mieux connus de jour en jour, et le service exact d'une Banque ouverte à tous les besoins, ont fait tomber l'intérêt de l'argent au taux le plus inodéré. Les décrets qu'une trop juste indignation a provoqués contre l'usure lui seront peut-être moins funestes que ce développement régulier du véritable esprit des finances. L'usure, toujours plus exigeante à mesure qu'elle est plus menacée, ne fonde ses calculs que sur la rareté de l'argent, et dès qu'il circule avec abondance et facilité dans un grand nombre de mains, elle est plus sûrement arrêtée que par les prohibitions et le déshonneur, dont elle se joua tant de fois.

>> Des abus non moins coupables réclamaient un Code de Commerce. La banqueroute et la fraude ont été dénoncées à la vengeance publique; mais le gouvernement par sa conduite a flétri d'avance les excès qu'il veut punir. Il se montre de plus en plus fidèle dans ses transactions et dans ses engagemens, et c'est encore ici que l'autorité des exemples est plus forte' rigueur même des lois.

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»Je ne rappellerai point, après les orateurs qui m'ont précédé (1), les divers travaux de cette session, si courte et si remplie. Je ne parlerai que d'un objet qui regarde essentiellement le Corps législatif, dont j'ai l'honneur d'être l'organe. Ce corps va recevoir une forme nouvelle; l'examen des projets de loi sera soumis à des commissions prises dans son sein, et les projets seront discutés par ses propres orateurs. Les talens qu'il renferme ne s'affligeront plus d'être ignorés ; ils pourront se montrer quelquefois à côté de ces hommes d'une vaste et profonde doctrine, ou d'une éloquence facile et brillante, qui viennent porter la parole au nom du gouvernement.

» Des membres d'un autre corps qui nous est cher à tant de titres, puisqu'il n'est en quelque sorte qu'une section du nôtre, viendront se réunir au centre commun, et nous accueillerons

(1) Un seul, M. Boulay (de la Meurthe), avait parlé; mais de même que deux orateurs du gouvernement accompagnaient ordinairement celui qui devait porter la parole, on avait adopté l'usage d'attribuer à ces trois orateurs le discours prononcé par l'un d'eux. Dans cette circonstance M. Boulay avait pour collègues, présens avec lui devant le Corps législatif, MM. Gantheaume et Bégouen.

avec joie leurs lumières et leur expérience. Sous un nom tout populaire, le Tribunat fut monarchique; ici, sous un autre nom, il restera populaire; et nous servirons ensemble, d'un zèle égal, la nation et le monarque.

» La majesté des assemblées nationales va renaître sans danger sous les auspices d'un grand homme; ces enceintes, naguère accoutumées à tant de clameurs, s'étonnaient de leur silence, et ce silence va cesser. Il ne faut pas sans doute que les tempêtes populaires y grondent encore; mais il convient que de graves discussions s'y fassent entendre, et la loi, solennellement délibérée, en aura plus de poids et d'autorité. Celui qui fit taire toutes les factions ne veut point que des voix respectueuses, mais libres, soient plus longtemps enchaînées. Ren-dons-nous dignes d'un tel bienfait. Que la tribune soit sans orages, et qu'on n'y applaudisse qu'aux triomphes modestes de la raison; que la vérité surtout s'y montre avec courage, mais avec sagesse, et qu'elle y brille de toute sa lumière: un grand prince doit en aimer l'éclat; elle seule est digne de lui; qu'en pourrait-il craindre? Plus on le regarde, et plus il s'élève; plus on le juge, et plus on l'admire. C'est avec le récit fidèle de ses actions qu'un jour l'histoire et la postérité, impartiales, composeront le plus beau de ses éloges.»

XII.

ÉMIGRATION DE LA MAISON DE BRAGANCE. OCCUPATION DU PORTUGAL PAR LES TROUPES FRANÇAISES.

SENAT. Séance du 16 janvier 1808, présidée par l'archi-chancelier.

Pièces communiquées au Sénat dans cette séance.

Premier RAPPORT fait à l'empereur par le ministre des relations. extérieures.

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Sire, le traité de Tilsit avait rétabli la paix du continent; il donnait l'espérance de la paix maritime. Deux grandes puissances se réunissaient pour la rendre au monde : Votre Majesté la proposait à l'Angleterre ; la Russie offrait sa médiation: qui n'eût pensé que la France et l'Europe allaient jouir du repos auquel elles aspirent, et que les voeux de Votre Majesté pour arriver à cet unique et noble but de ses travaux, triomphes, de ses innombrables sacrifices, seraient enfin rem

de ses

plis? Mais une fureur nouvelle s'était emparée de l'Angleterre. Irritée par la paix du continent, elle a rejeté la médiation de la Russie avec des formes insultantes pour cette grande puissance, et à ces paroles de paix que Votre Majesté avait fait entendre, elle a répondu par l'expédition de Copenhague. Ainsi elle a mis le comble aux hostilités qu'elle exerce depuis longtemps contre tous les neutres, insultant leur pavillon, attaquant leur commerce et leur indépendance.

» Votre Majesté, contre qui ce système odieux était dirigé, était sans doute en droit d'appeler les puissances du continent à maintenir leur neutralité contre l'Angleterre, et à ne plus servir d'instrument à la jalouse haine de cette puissance; elle était en droit de demander à toute l'Europe de concourir au rétablissement de la paix des mers, dont l'Europe éprouve si impérieu'sement le besoin, et à l'affermissement du véritable droit des gens maritime, que l'Angleterre déclare hautement ne plus respecter. Et quelle ligue serait plus justifiée par l'humanité 'et commandée par des intérêts plus chers aux nations!

» Les Anglais méconnaissent la souveraineté de tous les gouvernemens : tous les gouvernemens doivent donc se mettre en état de guerre contre les Anglais; ils le doivent au sentiment de leur dignité; ils le doivent pour soutenir l'honneur de leurs peuples; ils le doivent pour remplir toutes les obligations qui lient entre eux les souverains de l'Europe.

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» L'Angleterre viole les droits des souverains lorsqu'elle oblige les bâtimens navigant sous le pavillon d'une autre puissance à recevoir la visite des vaisseaux anglais, à se détourner de la route où les conduit leur commerce, et de la destination autorisée par leur souverain; lorsque ces bâtimens sont entraînés dans les ports d'Angleterre, et que, sans égard pour les expéditions dont ils sont munis et pour le pavillon qu'ils por→ tent, les Anglais les traitent comme s'ils étaient sans aveu et sans garantie.

>> Par les règles de blocus que les Anglais ont établies, ils ont insulté à l'indépendance de tous les pavillons; ils ont violé le droit public de tous les temps, qui ne déclare une place en état de blocus que lorsqu'elle est investie par terre et par mer, et exposée au péril d'être prise : le droit de blocus permet alors d'empêcher qu'une place ne reçoive des secours et n'entretienne avec le dehors des communications. Mais en l'étendant à des ports non bloqués, à des empires entiers, à des côtes immenses, sur lesquelles ils avaient à peine quelques bricks, quelques frégates, les Anglais ont attaqué non seulement leurs enneinis, mais toutes les nations neutres, dont la dignité même le devoir, sont de faire respecter leurs droits.

» Il n'est aucun souverain de l'Europe qui ne reconnaisse que si son territoire, sa juridiction venaient à être violés au détriment de Votre Majesté, il n'en fût responsable. Si un vaisseau français était saisi dans le port de Trieste ou dans celui de Lisbonne, le gouvernement de Portugal et le souverain à qui Trieste appartient auraient à regarder comme un outrage personnel cette violence et ce dommage causé à des sujets de Votre Majesté ; ils ne pourraient hésiter à contraindre par la force l'Angleterre à respecter leurs ports et leur territoire. S'ils tenaient une conduite contraire, ils se constitueraient complices du tort fait par l'Angleterre à vos sujets; ils se constitueraient en état de guerre avec Votre Majesté.

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Quand le gouvernement portugais a souffert que ses bâtimens fussent visités par les vaisseaux anglais, son indépendance a été violée, de son consentement, par l'outrage fait à son pavillon, comme elle l'aurait été sí l'Angleterre avait violé son territoire ou ses ports.

» Les vaisseaux d'une puissance sont comme des portions de son territoire qui flottent sur les mers, et qui, couvertes de son pavillon, doivent jouir de la même indépendance, être défendues contre les mêmes atteintes.

» Cette conduite du Portugal donnait à Votre Majesté le droit de lui proposer l'alternative, ou de faire cause commune avec elle, en maintenant les droits de son pavillon et en déclarant la guerre à l'Angleterre, ou d'être considéré comme complice du mal qui résulterait de cette violation pour les intérêts de Votre Majesté.

>> Partout on a reconnu la nécessité de prendre contre l'Angleterre des dispositions semblables, de lui fermer tous les ports, de lui appliquer par représailles l'inhospitalité de ses principes. L'ennemi du continent doit être mis en interdit au milieu des mers, dont il prétend se réserver l'empire.

» Dans cette position, toutes les puissances pouvaient et devaient attendre l'une de l'autre un mutuel appui. La désertion de l'une d'entre elles était une infraction aux lois de confiance et d'intérêt qui les unissaient toutes; elle rompait la chaîne protectrice étendue autour du continent; elle ouvrait au cominerce de l'Angleterre un coupable accès, quand tous les autres états concertaient leurs efforts pour enlever à leur ennemi commun le marché de l'Europe.

» Et dans quel moment le Portugal a-t-il trahi la cause du continent? L'Angleterre devait-elle espérer encore un allié, lorsqu'exerçant ses violences sur toutes les mers elle menaçait le nouveau monde comme l'ancien, attaquait sans motif d'agression le pavillon des Américains, et inondait de leur sang

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