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au delà des Pyrénées, sans cependant affaiblir ni ses armées d'Allemagne ni celle de Dalmatie.

Pour arriver à ce. but une levée de quatre-vingt mille homines paraît indispensable. Votre Majesté ne peut prendre ces quatre-vingt mille hommes que dans les quatre classes de la conscription des années 1806, 1807, 1808 et 1809..

Il est constaté, par les registres tenus dans mon ministère, qu'indépendamment des hommes qui se sont mariés depuis quatre ans la conscription de ces années en pourrait encore fournir six cent mille. En faisant sur ce nombre une levée de quatre-vingt mille hommes, Votre Majesté aura appelé un conscrit sur sept, et les cadres de l'armée se rempliront de soldats de vingt-un, de vingt-deux et de vingt-trois ans, c'est à dire d'hommes faits et prêts à supporter les fatigues de la,

guerre.

Il n'a point échappé à la prévoyance de Votre Majesté qu'un tel accroissement de forces nécessiterait une augmenta tion de dépense de plusieurs millions pour le département de la guerre. Votre Majesté ne veut pas que je l'entretienne de cet objet dans ce rapport; son ministre des finances s'est chargé d'y faire face sans augmenter en aucune manière les imposi tions établies par la dernière loi.

» Il est vrai, Sire, que l'usage suivi dans ces dernières an➡ nées aurait pu jusqu'à un certain point porter une partie dè vos neuples à se regarder comme libérés du devoir de la conscription du moment où ils auraient, sur la masse totale, fourni le contingent demandé pour l'année, et sous ce rapport ce que je propose à Votre Majesté semblerait exiger de la part de ses sujets un sacrifice. Mais, Sire, il n'est personne qui ne sache qu'aux termes des lois Votre Majesté serait autorisée à appeler sous ses drapeaux la totalité de la conscription non seulement des quatre dernières années, mais même des années antérieures; et quand il s'agirait d'un sacrifice réel, quel est le sacrifice que Votre Majesté n'ait pas le droit d'attendre de l'amour de ses peuples? Qui de nous ignore que Votre Majesté se sacrifie elle-même entièrement pour le bonheur de la France, et que de la prompte réussite de ses grands desseins dépend le repos du inonde, sa sûreté future et le rétablissement de la paix maritime, sans laquelle il n'est pour la France ni calme ni tranquillité?

༄།

En proposant à Votre Majesté de déclarer que désormais. aucun rappel de conscription antérieure n'aura lieu, je ne fais, Sire, que prévenir vos vues paternelles..

Je crois utile de proposer en même temps à Votre Majesté de décréter la levée de la conscription de 1810, et d'en

déterminer le nombre dès ce moment à quatre-vingt milles afin de former au besoin des camps de réserve, et de garder nos côtes au printemps. Cette conscription ne serait levée que dans le cas où Votre Majesté aurait à craindre la guerre de la part d'autres puissances, et elle ne le serait pas avant le mois de janvier prochain.

Sire, c'est un malheur attaché à la situation actuelle de l'Europe que, lorsqu'une puissance, sort de l'état de forces que comporte sa population, les autres puissances ne peuvent se dispenser d'augmenter le leur dans la même proportion.

» L'Angleterre, indépendamment de l'immense quantité de ses matelots, a plus de deux cent mille hommes sur pied; elle ne s'occupe à toutes les sessions de sa législature que de l'accroissement de ses troupes de terre. Les forces de l'Autriche ont été considérablement augmentées. La France, quoiqu'elle ait des armées plus nombreuses que toutes les autres puissances, a cependant moins d'hommes sous les armes qu'aucune d'elles relativement à sa population.

» Votre ministre des relations extérieures in'a assuré qu'une étroite alliance existait entre Votre Majesté et la Russie. Les armemens de l'Autriche avaient souvent excité ma sollicitude; le ministre y a répondu en me donnant la certitude que les meilleurs rapports existaient avec l'Autriche, et qu'il fallait regarder ses levées soit comme des précautions, soit comme le résultat des craintes que s'efforcent de faire uaître, dans toutes les cours de l'Europe les nombreux agens que l'Angleterre soudoie encore sur le continent.

» Mais s'il n'appartient pas à mon ministère d'approfondir les vues et les intérêts des cours, et de pénétrer dans le labyrinthe de la politique, il n'en est pas moins de mon devoir de ne rien négliger pour que les armées de Votre Majesté conservent sur tous les points toute la supériorité qu'elles peuvent avoir. Celles d'Albanie et de Dalmatic, de Danemarck et de l'Elbe ne peuvent point éprouver de diminution dans les circonstances actuelles.

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» Les dispositions que je propose à Votre Majesté donnent. à l'armée d'Espagne deux cent mille hommes sans affaiblir les autres armées; de sorte que, malgré l'accroissement de nos forces au delà des Pyrénées, lorsque la conscription de 1810 viendra à être levée, Votre Majesté aura accru ses armées d'Allemagne, du Nord et de l'Italie de plus quatrevingt mille hommes.

- Et quand, pour éviter la crise ou l'a entraîné une poli tique aussi fausse que passionnée, le gouvernement anglais; s'agitant de toutes parts, ne craint pas de réunir aux ressources

qu'il tire de ses vastes finances et de ses nombreuses flottes toutes les armes de l'intrigue, de la corruption et de l'imposture, qu'y aurait-il d'extraordinaire que l'immense population de la France offrit le spectacle d'un million d'hommes armés, prêts à punir l'Angleterre et tous ceux qu'elle, aurait séduits, et présentant partout cette masse de forces pour couvrir du même bouclier l'honneur et la sûreté de la France?

Quel autre résultat, Sire, devra-t-on attendre d'armées si nombreuses et d'une position si formidable, si ce n'est le prompt rétablissement du caine en Espagne, celui de la paix maritime, et cette tranquillité générale l'objet des vœux constans de Votre Majesté? Beaucoup de sang aura été épargné, parce que beaucoup d'hommes auront été prêts à en répandre; un bonheur permanent, préparé par les combinaisons de votre puissant génie, sera l'effet, Sire, des nouvelles preuves d'amour et de dévouement que vous donneront vos peuples, et de la noble contenance de cette nation que Votre Majesté a désignée sous le nom de grande à la postérité.

» Ministre de la guerre, et à ce titre organe des soldats français, qu'il me soit permis, Sire, d'être l'interprète de leurs sentimens pour vous. Votre Majesté nous verra toujours prêts à sacrifier notre vie pour sa gloire, qui est inséparable de la gloire nationale, à laquelle elle a tant ajouté, et pour les grands intérêts de la patrie.

Je suis avec respect, etc. Signé comte d'HUNEBOURG.

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MOTIFS du senatus-consulte qui met à la disposition du gouvernement CENT SOIXANTE MILLE CONSCRITS Savoir, vingt mille sur chacune des années 1806, 1807, 1808, 1809, et quatre-vingt mille sur l'année 1810; exposés par M. le comte Regnault (de Saint-Jean-d'Angely), conseiller d'état.”~

Monseigneur, sénateurs, vous avez vu continuer avec succès et avec gloire cette lutte honorable où la France combat, pour le droit des nations et l'indépendance de l'Europe, contre l'Angleterre usurpant la domination des mers et le monopole du commerce du monde.

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» D'un côté l'Empire français, uni à ses alliés, déploie tout ce que le génie a de puissance, tout ce que la nation a d'énergie, tout ce que les armées ont de bravoure, tout ce que le peuple a de dévouement.

» Le ministère anglais épuise d'un autre côté tout ce que l'intrigue a d'activité, tout ce que la mauvaise a d'astuce, tout ce que la corruption a d'odieux, tout ce que l'inhumanité a de cruel,

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» C'est à l'aide de ces moyens que l'Angleterre retarde

encore cette union générale du continent, cete ligue universelle de l'Europe qui menace sa tyrannie maritime, et qui doit la détruire.

20 Déjà les côtes de France, de Russie, d'Italie, d'Allemagne, de Turquie, sont interdites à la Grande-Bretagne.ins Mais elle a obtenu le honteux succès d'amener l'Espagne à la guerre civile par l'anarchie, et son unique objet dans ce nouvel attentat est d'ouvrir à ses marchandises unt le continent.

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xle Il faut le lui fermer; il faut que les armes achèvent d'exécuter dans les Espagnes l'arrêt d'exil prononcé parole continent contre les Anglais !

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» Sans doute, messieurs, et vous venez d'en avoir l'assufrance par le rapport du ministre de la guerre, nos armées dans leur état actuel pourraient fournir toutes les forces nécessaires à l'accomplissement de cette résolution sans compro© mettre la sûrété et la gloire de l'Empire.

» Toutefois il est des règles que la sagesse ne permet pas de violer, et en assurant la prompte pacification des Espagnes par l'action d'une force puissante, il ne faut pas laisser craindre J'affaiblissement de nos armées en Allemagne, quand une puissance voisine s'est occupée de fortifier les siennes.

Il faut donc en même temps pourvoir à une augmentation actuelle et à une augmentation à venir de nos armées.

Afin de remplir les besoins du moment, la justice et la sagesse se réunissent pour conseiller un appel sur les conscriptions précédentes.

S. M. n'a pas jugé convenable de remonter au delà des quatre dernières années.

» Elle a pensé qu'on pouvait appeler vingt mille hommes sur chaque classe, ou quatre-vingt mille sur les quatre classes, dont le nombre total était d'un million cinq cent huit mille Thuit cent vingt-sept, et sur lesquelles on n'a levé que trois cent vingt mille deux cent soixante-dix hommes. 10 al slogs Les conscrits mariés avant l'appel resteront dans leurs foyers, et une disposition positive rendra à une liberté absolue toutes les classes de conscrits des années antérieures, jusques et y compris l'an 14.

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» Cette levée, messieurs, d'après le mode suivi pour les tirages pendant les années sur lesquelles elle est prise, sera effectuée avec facilité, et employée avec avantage.

» Elle sera effectuée avec facilité, puisque tous les conserits ont leur numéro, et que le contingent de chaque canton, étant déterminé, sera rempli sans aucune des formes préalables auxquelles il a déjà été pourvu. ¿?

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Elle sera employée avec avantage, parce que les hommes qui la composeront, parvenus à la force de l'âge, seront bien plus propres à remplir les devoirs et à supporter les fatigues de la vie militaire.

» Après avoir pourvu au présent par cette levée, S. M. at jugé convenable de satisfaire en même temps à la prévoyance en appelant conditionnellement quatre-vingt mille hommes sur la conscription de 1810.

» Cette partie des forces dont vous êtes appelés, messieurs, à voter la disposition, ne sera levée qu'après le premier janvier prochain, et destinée qu'à la défense des côtes, à moins qu'une agression nouvelle n'en nécessite plus promptement l'emploi.

» Les armées de S. M. auront ainsi, messieurs, la force positive et la force éventuelle nécessaires pour rendre la paix à l'Espagne, la maintenir dans le reste de l'Europe, en imposer si la France était menacée, vaincre si elle était attaquée, et déconcerter les efforts de l'intrigue par l'appareil de la puis

sance.

» Et ce nouveau développement donné à notre système militaire s'opérera pourtant sans augmentation dans les impositions publiques.

» Les subsides votés par la dernière loi de finances suffisent pour pourvoir à tous les besoins.

» Tel est donc l'avantage de notre position, que, quand on ne peut dans les états voisins combattre ou menacer la France sans excéder par des levées d'hommes la proportion de la population, sans épuiser les ressources des finances et employer celle du papier-monnaie, il suffit à S. M. de rapprocher les armées de leur proportion avec la population de son Empire, et d'user des ressources pécuniaires que l'ordre, l'économie et la prévoyance lui ont ménagées.

» N'en doutez pas cependant, sénateurs, S. M. a calculé dans sa sollicitude, et évalué dans son amour pour ses peuples, › l'étendue des sacrifices que la gloire et la sûreté nationale prescrivent à la sagesse et à la prudence du souverain de demander.

» Mais vous le savez, messieurs, on assure le triomphe en multipliant les moyens de l'obtenir; on achète moins chèrement la victoire quand on la dispute moins longtemps; ou -évite même la nécessité de vaincre en montrant qu'on en a la puissance; et le cœur de S. M. est avare du sang de ses sujets autant qu'attentif à leur sûreté et soigneux de leur gloire.

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Le Sénat renvoie ces différentes communications, ainsi que le projet de senatus-consulte, à une commission composée de MM. les

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