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side, direct ou indirect, sous quelque nom que ce puisse être qu'en vertu de la loi ;

» Enfin le rapport général de son gouvernement au seul but primitif de tout gouvernement, l'intérêt, le bonheur et la gloire du peuple.

» C'est le fond du serment que Votre Majesté impériale va prêter au peuple français; ce sont les propres termes que vous faire votre loi et celle de vos successeurs. avez choisis pour D'après les circonstances Votre Majesté y ajoute l'engagement de maintenir :

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L'intégrité du territoire de la République française, qui doit rester indivisible;

>> Les acquisitions des biens nationaux, qui ont été la solde de notre indépendance;

» La sublime institution de votre Légion d'Honneur, digne prix des services rendus à la patrie.

» Avec ces accessoires, ce serment remarquable paraît avoir été écrit sous la dictée de la nation tout entière : c'est à ce prix aussi que la nation tout entière jure de vous être fidèle. Ces deux sermens se correspondent; ils se garantissent l'un l'autre : ce sont les anneaux réciproques d'une alliance indissoluble. Et parmi tant de grandes vues qui distingueront à jamais le senatus-consulte du 28 floréal, ce qui cimente tout l'ouvrage, ce qui lui imprime le sceau de l'immortalité, Sire, c'est la pensée đu titre des sermens. Le vertueux Trajan en avait eu l'idée à Rome; mais il n'en donna que l'exemple: ce ne fut de sa part qu'un trait neuf et sublime (1), qui ne fut pas la règle des autres empereurs ; au lieu que Votre Majesté en a fait un devoir non seulement à ceux qui devront après elle monter au trône impérial, mais à ceux qui seront les régens de l'Empire dans les cas de minorité. Ainsi tout se trouve prévu : c'est cet art de lier l'avenir au présent qui est le secret du génie.

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Depuis longtemps la France ne demandait qu'un pareil acte; il était à la fois sollicité par l'éloquence des écrivains les plus profonds; reconnu nécessaire, même au sein de la cour, par les ministres les plus sages; invoqué en un mot par un cri général dans les classes les plus vulgaires; mais ceux qui étaient appelés à occuper le premier rang chez le premier des peuples étaient loin d'être à son niveau. S'il faut surpasser en vertu ceux qu'on surpasse en dignité, il ne faut pas non plus leur être inférieur par la raison. Le peuple français était mûr

(1) « Trajan prêta, debout, un serment énergique au consul de l'année, assis dans sa chaise curule. »>

pour améliorer son état politique. Hélas! bien loin de l'y aider, on lui a fait courir le risque de voir la France se dissoudre, au gré de ceux qui désiraient d'effacer son nom sur la carte; elle était devenue le foyer d'un volcan qui ébranlait le monde, mais qui s'engloutissait lui-même.

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Pour fermer cet abime il fallait plus qu'un Curtius; suivant l'idée profonde d'un auteur politique (1), il fallait qu'un grand homme choisit pour le théâtre de son gouvernement et la matière de sa gloire les ruines de cet état qu'il se proposerait de refondre et de rajeunir; il fallait que cet homme fût digne de donner son nom et d'imprimer son mouvement à une dynastie nouvelle; il fallait qu'il fût au dessus de ses contemporains de leur aveu, par leurs suffrages, sans contradiction ni des siens ni des étrangers. Dans l'état où se trouvent les sociétés actuelles, on sent comme autrefois le besoin d'être gouverné; mais les moyens de gouverner sont devenus plus difficiles, parce que leur objet est plus vaste et plus compliqué. Labruyère a bien dit qu'il ne faut ni art ni science pour exercer la tyrannie cela fut vrai dans tous les temps; mais fonder un empire modéré et durable sur trente-deux millions d'hommes braves, sensibles, éclairés; mais savoir s'arrêter soi-même et ne faire servir la gloire éclatante des armes qu'au maintien paisible des lois; mais tenir en suspens d'une main ferme et juste les deux bassins de la balance où sont en équilibre d'un côté les devoirs du prince, et de l'autre les droits du peuple; mais faire ce prodige au dix-neuvième siècle, ce ne peut être le partage que d'un esprit supérieur.

>> Nous n'avons rien dans nos annales qu'on puisse mettre en parallèle. Nous pouvons du moins les citer : c'est encore un de vos bienfaits; car Votre Majesté impériale restitue aussi aux Français l'usage de leur propre histoire, qui sans vous leur serait devenue étrangère.

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» Dans un siècle moins avancé nous lisons que PhilippeAuguste, avant le combat de Bouvines, mit sa couronne sur l'autel, et, la faisant voir à ses troupes, leur dit à haute voix : Français, si vous croyez qu'un autre mérite mieux que moi » de porter la couronne, la voilà! Nommez le plus digne; je » suis prêt de lui obéir. Mais si vous me croyez capable de » vous commander, il vous faut défendre aujourd'hui votre » chef et vos biens, vos familles et votre honneur. » A ces mots les soldats tombèrent à ses pieds, et demandèrent à genoux sa bénédiction, qui fut suivie de la victoire.

(1) « Le florentin Machiavel, trop loué par les uns et trop décrié par les autres. >>

»

Que cet exemple, Sire, s'applique heureusement à Votre Majesté impériale! non pas qu'elle ait besoin de nous adresser ces paroles; c'est le Sénat conservateur et le peuple français qui vous assurent par ma voix qu'ils sont fiers de leur empereur. S'ils vous ont offert la couronne, s'ils la rendent héréditaire dans votre descendance et dans celle de vos deux frères, c'est parce qu'il n'existe dans le monde aucun homme plus digne de porter le sceptre de la France, ni aucune famille plus chérie des Français. Commandés par Napoléon, ou par ses fils ou ses neveux, imbus de son esprit, formés à son exemple, liés enfin par son serment, nous, Sire, et les fils de nos fils, nous défendrons jusqu'à la mort ce gouvernement tutélaire, objet de notre orgueil comme de notre amour, parce qu'en lui nous défendrons notre chef et nos biens, nos familles et notre honneur.

» Sire, vous avez pris pour devise de nos monnaies ces mots que vous justifiez : Dieu protége la France. Oh! oui, Dieu protége la France, puisqu'il vous a créé pour elle. Père de la patrie, au nom de ce Dieu protecteur, bénissez vos enfans, et, sûr de leur fidélité, comptez que rien ne peut ni effacer de leur esprit ni déraciner de leur cœur les engagemens résultans du contrat mutuel qui vient d'intervenir entre la nation française et la famille impériale!

» Mais il faut compléter tout ce qui a rapport à ce contrat auguste, et pour y parvenir le Sénat m'a chargé de prier Votre Majesté de faire promulguer d'une manière solennelle le senatus-consulte du 15 brumaire dernier, qui proclame le vœu du peuple pour l'hérédité de l'empire; ce grand acte national est lié naturellement à l'auguste cérémonie du sacre et du serment de Votre Majesté impériale. L'établissement de l'Empire est un phénomène éclatant; mais nous désirons qu'il soit stable, et il ne peut le devenir que par l'ordre établi pour la succession au trône. La sécurité du grand peuple et la vôtre, Sire, en dépendent; on ne saurait donc prendre trop de précautions ni déployer trop d'appareil pour graver cette idée, et pour l'enfoncer plus avant dans les imaginations. Ce fut jadis un sentiment: la révolution eut pour objet de l'étouffer. Nous ranimons ce feu sacré sur les autels de la patrie; la politique le rallume; la religion le consacre; la liberté lui applaudit : il ne doit plus s'éteindre.

» Souffrez que le Sénat insiste sur ce point capital. C'est par là surtout qu'il mérite son titre de conservateur; n'eût-il rendu que ce service, il aurait bien justifié et le rang qu'il tient dans l'Etat, et la perspective qu'il offre à l'émulation des meilleurs citoyens.

Dans l'absence du trône, Sire, tous les grands caractères

se livrent à des factions: un peuple est d'autant plus à plaindre qu'il a des enfans plus illustres; tout ce qui pourrait faire l'orgueil des nations en devient alors le fléau. Dès qu'il y a un tròne dignement occupé, les sublimes vertus ont une récompense; c'est d'en approcher de plus près, et la distinction est d'autant plus flatteuse que des dignités plus réelles portent des noms plus imposans. Le titre d'empereur a toujours rappelé non cette royauté devant laquelle s'humilient et se prosternent des sujets, mais l'idée grande et libérale d'un premier magistrat commandant au nom de la loi, à laquelle des citoyens s'honorent d'obéir. Le titre du Sénat indique aussi une assemblée de magistrats choisis, éprouvés par de longs travaux, et vénérables par leur âge. Plus l'empereur est grand, plus le Sénat doit être auguste.

» Heureux à cet égard les membres du Sénat français! Il n'y a pas d'ambition, militaire ou civile, qui ne puisse être satisfaite de l'espoir d'arriver au rang de ces pères conscrits, appelés les premiers à se trouver présens lors du serment que l'empereur doit prêter au peuple français. Oui, Sire, nous regarderons comme le plus beau de nos jours celui où nous aurons été les premiers témoins nécessaires de votre engagement envers la nation; et nous demanderons au ciel pompe d'un si grand jour ne se répète en France que dans les la temps les plus lointains, et pour nos arrière-neveux. Ah! puisse-t-il en être des fêtes du couronnement comme des fêtes séculaires, que nul individu romain dans le cours de sa vie ne put jamais voir qu'une fois!

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que

Enfin, Sire, la conséquence de l'hérédité proclamée c'est le dépôt dans nos archives des actes qui constatent l'état civil des princes du sang impérial. Nous réclamons ce grand dépôt, et le Sénat conservateur prie Votre Majesté de donner promptement les ordres nécessaires pour que ces actes importans, confiés à sa garde par l'article 13 du titre III de l'Acte des Constitutions du 28 floréal dernier, lui soient apportés dans les formes et avec la solennité qui peuvent garantir au peuple l'authenticité de ces actes, auxquels doit s'attacher l'éternelle durée de l'Empire français.

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RÉPONSE de l'empereur.

« Je monte au trône où m'a appelé le von unanime du Sénat, du peuple et de l'armée, le cœur plein du sentiment des grandes destinées de ce peuple, que du milieu des camps j'ai le premier salué du nom de grand.

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Depuis mon adolescence mes pensées tout entières lui

sont dévolues; et, je dois le dire ici, mes plaisirs et mes peines ne se composent plus aujourd'hui que du bonheur ou du malheur de mon peuple.

» Mes descendans conserveront longtemps ce trône.

» Dans les camps ils seront les premiers soldats de l'armée, sacrifiant leur vie pour la défense de leur pays.

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Magistrats, ils ne perdront jamais de vue que le mépris des lois et l'ébranlement de l'ordre social ne sont que le résultat des faiblesses et de l'incertitude des princes.

» Vous, sénateurs, dont les conseils et l'appui ne m'ont jamais manqué dans les circonstances les plus difficiles, votre esprit se transmettra à vos successeurs; soyez toujours les soutiens et les premiers conseillers de ce trône, si nécessaire au bonheur de ce vaste empire.

II.

SESSION DE L'AN XIII.

DISCOURS (1) prononcé par l'empereur à l'ouverture de la session du Corps législatif, le 6 nivose an 13. (27 décembre 1804.)

« Messieurs les députés des départemens au Corps législatif, messieurs les tribuns et les membres de mon Conseil d'état, je viens présider à l'ouverture de votre session : c'est un caractère plus imposant et plus auguste que je veux imprimer à vos tra

vaux.

» Princes, magistrats, soldats, citoyens, nous n'avons tous dans notre carrière qu'un seul but; l'intérêt de la patrie. Si ce trône, sur lequel la Providence et la volonté de la nation m'ont fait monter, est cher à mes yeux, c'est parce que, seul, il peut défendre et conserver les intérêts les plus sacrés du peuple français. Sans un gouvernement fort et paternel, la France aurait à craindre le retour des maux qu'elle a soufferts.

» La faiblesse du pouvoir suprême est la plus affreuse calamité des peuples. Soldat ou premier consul, je n'ai eu qu'une pensée; empereur, je n'en ai point d'autre : les prospérités de la France. J'ai été assez heureux pour l'illustrer par des victoires, pour la consolider par des traités, pour l'arracher aux discordes civiles, et y préparer la renaissance des mœurs, de

(1) C'est la première session ouverte par l'empereur.

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