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la société et de la religion. Si la mort ne me surprend pas au milieu de mes travaux, j'espère laisser à la postérité un souvenir qui serve à jamais d'exemple ou de reproche à mes suc

cesseurs.

» Mon ministre de l'intérieur vous fera l'exposé de la situation de l'Empire. Les orateurs de mon Conseil d'état vous présenteront les différens besoins de la législation. J'ai ordonné qu'on mît sous vos yeux les comptes que mes ministres m'ont rendus de la gestion de leur département. Je suis satisfait de l'état prospère de nos finances; quelles que soient les dépenses,.. elles sont couvertes par les recettes. Quelque étendus qu'aient été les préparatifs qu'a nécessités la guerre dans laquelle nous sommes engagés, je ne demanderai à mon peuple aucun nouveau sacrifice.

» Il m'aurait été doux, à une époque aussi solennelle, de voir la paix régner sur le monde; mais les principes politiques de nos ennemis, leur conduite récente envers l'Espagne, en font assez connaître les difficultés. Je ne veux pas accroître le territoire de la France, mais en maintenir l'intégrité. Je n'ai point l'ambition d'exercer en Europe une plus grande influence; mais je ne veux pas déchoir de celle que j'ai acquise. Aucun état ne sera incorporé dans l'Empire; mais je ne sacrifierai point mes droits, les liens qui m'unissent aux états que j'ai créés.

» En me décernant la couronne, mon peuple a pris l'engagement de faire tous les efforts que requerraient les circonstances pour lui conserver cet éclat qui est nécessaire à sa prospérité, et à sa gloire comme à la mienne. Je suis plein de confiance dans l'énergie de la nation et dans ses sentimens pour moi ses plus chers intérêts sont l'objet constant de mes sollicitudes.

» Messieurs les députés des départemens au Corps législatif, messieurs les tribuns et les membres de mon Conseil d'état, votre conduite pendant les sessions précédentes, le zèle qui vous anime pour la patrie, pour ma personne, me sont garans de l'assistance que je vous demande, et que je trouverai en vous pendant le cours de cette session. »

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EXPOSÉ de la situation de l'Empire français. Lu devant le Corps législatif par M. Champaguy, ministre de l'intérieur, dans la séance du 10 nivose an 13. (51 décembre 1804.)

« La situation intérieure de la France est aujourd'hui ce qu'elle fut dans les temps les plus calmes : point de mouvement qui puisse alarmer la tranquillité publique; point de délit qui appartienne au souvenir de la révolution; partout des entreprises utiles, partout l'amélioration des propriétés publiques et privées attestent les progrès de la confiance et de la

sécurité.

» Le levain des opinions n'aigrit plus les esprits, le sentiment de l'intérêt général, les principes de l'ordre social, mieux conlus et plus épurés, ont attaché tous les cœurs à la prospérité commune. C'est ce que proclament tous les administrateurs; c'est ce qu'a reconnu l'empereur dans tous les départemens qu'il a parcourus; c'est ce qui vient d'être démontré de la manière la plus éclatante. Toutes les armées se sont vues à la fois séparées de leurs généraux; tous les corps militaires de leurs chefs; les tribunaux supérieurs privés de leurs premiers magistrats; le ministère public de ses premiers organes; les églises de leurs principaux pasteurs; les villes, les campagnes délaissées simultanément par tout ce qui a du pouvoir et de l'influence sur les esprits; le peuple partout abandonné à son génie; et le peuple partout s'est montré voulant l'ordre et des lois.

» Dans le même moment le souverain pontife traversait la France, Des rives du Pô jusqu'aux bords de la Seine, partout il a été l'objet d'un hommage religieux que lui a rendu avec amour et respect cette immense majorité qui, fidèle à l'antique doctrine, voit un père commun et le centre de la commune croyance dans celui que toute l'Europe révère comme un souverain élevé au trône par sa piété et ses vertus.

>> Une trame ourdie par un gouvernement implacable allait replonger la France dans l'abîme des guerres civiles et de l'anarchie. A la découverte de cette horrible trame, la France entière s'est émue, des inquiétudes mal assoupies se sont réveillées; et dans tous les esprits à la fois se sont retrouvés des principes qui ont été ceux de tous les sages, et qui furent constamment les nôtres avant que l'erreur et la faiblesse eussent aliéné les esprits, et que de coupables intrigues eussent égaré les opi

nions.

» On avait éprouvé que le pouvoir partagé était sans accord

et sans force; on avait senti c i que, confié pour un temps, il n'était que précaire, et ne permettait ni les longs travaux ni les longues pensées; que, confié pour la vie d'un seul homme, il s'affaiblissait avec lui, et ne laissait après lui que les chances de discorde et d'anarchie; on a reconnu enfin qu'il n'y avait, pour les grandes nations, de salut que dans le pouvoir héréditaire, que seul il assurait leur vie politique, et embrassait dans sa durée les générations et les siècles.

» Le Sénat a été, comme il devait l'être, l'organe de l'inquiétude commune. Bientôt a éclaté ce vœu d'hérédité qui était dans tous les cœurs vraiment français; il a été proclamé par les colléges électoraux, par les armées. Le Conseil d'état, des magistrats, les hommes les plus éclairés ont été consultés, et leur réponse a été unanime.

» La nécessité du pouvoir héréditaire dans un état aussi vaste que la France avait été depuis longtemps aperçue par le premier consul. Vainement il avait résisté à la force des principes; vainement il avait tenté d'établir un système d'élection qui pût perpétuer l'autorité et la transmettre sans danger et sans trouble.

» L'inquiétude publique, les espérances de nos ennemis accusaient son ouvrage : sa mort devait être la ruine de ses travaux. C'était à ce terme que nous attendaient la jalousie de l'étranger, et l'esprit de discorde et d'anarchie. La raison, le sentiment, l'expérience, disaient également à tous les Français qu'il n'y avait de transmission certaine du pouvoir que celle qui s'opérait sans intervalle; qu'il n'y avait de succession tranquille que celle qui était réglée par les lois de la nature.

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Lorsque de tels motifs appuyaient des vœux aussi pressans, la détermination du premier consul ne pouvait être douteuse. Il résolut donc d'accepter pour lui, et pour deux de ses frères après lui, le fardeau que lui imposait la nécessité des circons

tances.

» De ses méditations, mûries par des conférences avec les membres du Sénat, par des discussions dans les conseils, par les observations des hommes les plus sages, s'est formée une série de dispositions qui fixe l'hérédité du trône impérial;

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Qui assigne aux princes leurs droits et leurs devoirs;

Qui promet à l'héritier de l'Empire une éducation réglée par les lois, et telle qu'il sera digne de ses hautes destinées ; Qui désigne ceux qui dans le cas de minorité seront appelés à la régence, et marque les limites de leur pouvoir;

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Qui place entre le trône et les citoyens des dignités et des offices accessibles à tous, encouragemens et récompenses des vertus publiques;

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Qui donne aux hommes honorés de grandes distinctions,

ou revêtus d'une grande autorité, des juges assez grands pour ne fléchir ni devant leur autorité ni devant leurs distinctions;

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Qui donne aux délits contre la sûreté publique et les intérêts de l'Empire des juges essentiellement attachés à la sûreté de l'Empire et à ses intérêts;

Qui met plus d'éclat et plus de poids dans les fonctions du législateur, plus de développement et plus d'étendue dans la discussion publique des lois;

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Qui rappelle les tribunaux et leurs jugemens à ces antiques dénominations qui avaient obtenu le respect des siècles;

Qui garantit enfin les droits du prince et du peuple par des sermens, gardiens éternels de tous les intérêts.

Ces dispositions ont été décrétées par le senatus-consulte du 28 floréal dernier. Le peuple français a manifesté sa volonté libre et indépendante; il a voulu l'hérédité de la dignité impériale dans la descendance directe, légitime et adoptive de Napoléon Bonaparte, dans la descendance directe et légitime de Joseph Bonaparte, dans la descendance directe et légitime de Louis Bonaparte.

» Dès ce moment Napoléon a été, au plus juste des titres, empereur des Français; nul autre acte n'était nécessaire pour constater ses droits et consacrer son autorité.

» Mais il a voulu rendre à la France ses formes antiques rappeler parmi nous ces institutions que la Divinité semble avoir inspirées, et imprimer au commencement de son règne le sceau de la religion même. Pour donner aux Français une preuve éclatante de sa tendresse paternelle, le chef de l'Eglise a voulu prêter son ministère à cette auguste cérémonie.

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Quelles impressions profondes et durables elle a laissées dans l'âme de l'empereur et dans le souvenir de la nation! Quels entretiens pour les races futures! Quel sujet d'admiration pour l'Europe!

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Napoléon prosterné au pied des autels qu'il vient de relever; le souverain pontife implorant sur la France et sur lui les bénédictions célestes, et dans ses vœux pour la félicité d'une nation en brassant la félicité de toutes les nations!

» Des pasteurs et des prêtres, naguère divisés, unissant à ses supplications leur reconnaissance et leur voix !

» Les sénateurs, les législateurs, les tribuns, des magistrats, des guerriers, les administrateurs du peuple, et ceux qui président à ses assemblées, confondant ensemble leurs opinions, leurs espérances et leurs vœux; des souverains, des princes, des ambassadeurs, frappés par ce grand spectacle de la France rassise sur ses anciens fondemens, et par son repos assurant le repos de leur patrie!

» Au milieu de cette pompe, et sous les regards de l'Eternel, Napoléon prononçant le serment immuable qui assure l'inté grité de l'Empire, la stabilité des propriétés, la perpétuité des institutions, le respect des lois et le bonheur de la nation!

» Le serment de Napoléon sera à jamais la terreur des ennemis et l'égide des Français. Si nos frontières sont attaquées, il sera répété à la tête de nos armées, et nos frontières ne craindront plus l'invasion étrangère.

» Il sera présent à la mémoire des délégués de l'autorité ; il leur rappellera le but de leurs travaux et la règle de leurs devoirs; et s'il ne garantit pas leur administration de quelques erreurs, il en assurera la prompte réparation.

» Les principes qu'il consacre seront ceux de notre législation. Désormais moins de lois nouvelles seront proposées aux délibérations du Corps législatif. Le Code civil a rempli l'attentę publique il est dans la mémoire des citoyens; il éclaire leur marche et leurs transactions, et partout il est célébré comme un bienfait.

» Un projet de Code criminel, achevé depuis deux ans a été soumis à la censure de tribunaux, et subit en ce moment les dernières discussions du Conseil d'état.

» Le Code de la procédure et le Code du commerce en sont encore où les avaient laissés les travaux de l'année précédente. Des soins plus pressans ont appelé l'empereur, et il est dans ses maximes de ne proposer aux délibérations des législateurs que des projets de lois mûris par de longues et sages discus

sions.

» Les écoles de législation vont s'ouvrir; des inspecteurs sont nommés qui en éclaireront l'enseignement, et empêcheront qu'il ne dégénère en vaines et stériles épreuves. Les lycées, les écoles secondaires se remplissent d'une jeunesse avide d'instruction. De Fontainebleau est déjà sortie une milice qui marque dans nos armées par sa tenue, par ses connaissances, par son respect pour la discipline.

» L'Ecole polytechnique peuple de sujets utiles nos arsenaux, nos ports et nos ateliers.

» A Compiègne, l'école des arts et métiers obtient tous les jours de nouveaux succès. Celle qui se forme sur les limites de la Vendée y est attendue avec impatience, et bientôt y sera en pleine activité.

» Des prix ont été décernés aux sciences, aux lettres et aux arts; et dans une période de dix ans, assignée aux travaux que Sa Majesté veut récompenser, elle a droit d'attendre que le génie français enfantera des chefs-d'œuvre.

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Dans le département des ponts et chaussées les ouvrages

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