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suprême; et, grâce à vos soins, nous serons garantis des maux que son excès pourrait entraîner,

» Les ressources nationales se développeront avec d'autant plns d'énergie que Votre Majesté promet d'en ménager l'emploi avec plus de surveillance.

» Vous ne proposez point de nouveaux subsides , malgré les préparatifs immenses de la guerre. Vous méritez, Sire, que les Français ne comptent jamais leurs sacrifices, puisque vous comptez si bien leurs besoins.

» Ce grand peuple, adorateur des grands hommes, se précipita toujours à leur suite, et quand des chefs illustres l'appellent au combat on a besoin de retenir son courage plutôt que de l'exciter. Fidèle à vos grands desseins, il protégera les états que vous avez créés, et dont une sage politique doit assurer l'existence.

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» Mais si, comme vous ce peuple généreux est prêt à la guerre, comme vous il ne désire que la paix; et, trop prudent pour céder ses droits légitimes, il est trop fort pour exagérer ses prétentions.

Votre Majesté déclare elle-même qu'elle ne veut point agrandir le territoire de la France, mais en maintenir l'mtegrité. Ces paroles doivent ôter tout prétexte à nos ennemis. En effet, Sire, vous n'avez plus besoin de la gloire des conquêtes`: vous serez aussi grand dans les détails de l'administration intérieure que sur le champ des batailles; on parlera de vos institutions autant que de vos victoires.

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» Un long avenir est devant vous. Tout ce que Votre Majesté médite pour le bonheur de la France aura son exécution; le plus beau destin ne sera point interrompu; et d'ailleurs il est un genre de gloire qui ne meurt jamais. Les traités peuvent être abolis par des traités nouveaux; le fruit des victoires est quelquefois perdu; la grandeur même des empires nuit à leur durée; mais l'amour et l'admiration perpétuent les exemples de ceux qui ont fondé ou rétabli la société sur la triple base des lois, des mœurs et de la religion. L'ouvrage de ces hommes rares se conserve longtemps, et leur esprit gouverne la postérité.

"Cette gloire, Sire, un jour sera la vôtre. Vos actions. comme vos paroles nous en donnent l'assurance.

"

Aujourd'hui la voix de tous les départemens se fait entendre à Votre Majesté; ils sont réunis en quelque sorte autour d'elle dans la personne de leurs députés. Chacun de nous n'a pu concourir encore que par son opinion individuelle au grand acte qui vous a donné la couronne: c'est en corps maintenant que nous manifestons le même vœu. peuple et ses députés

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ne se repentiront jamais de l'avoir formé : ils serviront avec le même zèle un pouvoir dont votre génie prouve de plus en plus tous les avantages, et dont votre sagesse a discerné toutes les limites. »

RÉPONSE de l'empereur.

« Messieurs les députés des départemens au Corps législatifs, j'agrée les sentimens exprimés dans l'adresse que vous venez de me présenter; je désire qu'ils soient toujours vos guides dans vos discussions et dans vos délibérations. Les sentimens que j'ai exprimés moi-même à l'ouverture de votre session seront aussi constamment les guides et les principes de mon gouvernement et de mon administration.

Inauguration de la statue de Napoléon dans le lieu des séances du Corps législatif.

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(Voyez, dans le tome précédent, l'arrêté pris à ce sujet sur la proposition de Marcorelle, le 3 germinal an 12. La statue de Napoléon fut exécutée par Chaudet, à qui le Corps législatif vota des témoignages de satisfaction pour la beauté du travail de ce monument. L'inauguration en fut célébrée avec pompe et enthousiasme; l'impératrice et la plupart des grands personnages de l'empire étaient présens. MM. Vaublanc et Fontanes prononcèrent chacun un discours. Après la cérémonie il y eut banquet, bal, illumination. Pendant une heure environ que l'empereur parut à cette fête il ne cessa d'y recevoir l'expression bruyante des sentimens qu'il inspirait. )

DISCOURS prononcé par M. Viénot-Vaublanc, questeur du Corps législatif, pour l'inauguration de la statue de l'empereur. Le 24 nivose an 13. (14 janvier 1805.)

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« Messieurs, vous avez signalé l'achèvement du Code civil des Français par un acte d'admiration et de reconnaissance. Vous avez décerné une statue au prince illustre dont la volonté ferme et constante a fait achever ce grand ouvrage, en même temps que sa vaste intelligence a répandu la plus vive lumière sur cette noble partie des institutions humaines. Premier consul alors, empereur des Français aujourd'hui, il paraît dans le temple des lois la tête ornée de cette couronne triomphale dont la Victoire l'a ceinte si souvent en lui présageant le bandeau des rois, et couvert du manteau impérial, le noble attribut de la première des dignités parmi les hommes.

» Sans doute dans ce jour solennel, en présence des princes

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et des grands de l'Etat, devant la personne auguste que l'Empire désigne par son penchant à faire le bien plus encore que par le haut rang dont cette vertu la rend si digue; dans cette fête de la gloire, où nous voudrions pouvoir réunir tous les Français, vous permettrez à ma faible voix de s'élever un instant, et de vous rappeler par quelles actions immortelles Napoléon s'est ouvert cette immense carrière de puissance et d'honneurs. Si la louange corrompt les âmes faibles, elle est l'aliment des grandes âmes. Les belles actions des héros sont un engagement qu'ils prennent envers la patrie : les rappeler c'est leur dire qu'on attend d'eux encore ces grandes pensées, ces généreux sentimens, ces faits glorieux si noblement récompensés par l'admiration et la reconnaissance publiques. Quel homme, plus que Napoléon, mérita de ses contemporains, comme de la postérité, cet honneur suprême que vous lui décernez aujourd'hui! Né pour les grandes choses, impatient de briser les entraves qui l'arrêtaient, dès l'âge de vingt ans il rendait d'importans services à l'Etat. Echappé si jeune encore aux dangers de la guerre, un plus grand péril le menaçait, et le démon du mal, parcourant la République et la couvrant de victimes, fut près de joindre à cet holocauste impie celui qu'attendait une si belle destinée. Mais à peine la France, glorieuse au delà de ses frontières autant qu'infortunée au dedans de ses cités, espère enfin des jours plus sereins, qu'elle voit tout à coup une nouvelle auréole de gloire militaire environner sa tête auguste, qui s'élevait péniblement du sein des ruines. Etonnée, elle regarde d'où partent ces nouveaux rayons; ses yeux se fixent sur l'Italie, où elle voit un jeune guerrier marquant chaque jour par un triomphe!

le

par

nouveau

>> L'armée française était peu nombreuse, et souffrait toutes les privations: Bonaparte lui montre l'abondance dans le chemin de la gloire. Bientôt il a vaincu dans les champs de Montenotte, de Millesimo, de Dego; quatre nouvelles victoires et passage du Pô lui ouvrent la route de l'Italie. Mais Lodi lui prépare un plus grand péril, une plus grande gloire; Lodi, défendu l'armée entière de Beaulieu; Lodi, dont le pout, couvert du feu de trente bouches de bronze, semblait opposer une barrière insurmontable. Il a peint lui-même dans ses dépêches la colonne formidable de nos grenadiers paraissant hésiter un instant; il a peint les généraux Berthier, Massena, Dallemagne, et une foule de braves se précipitant à la tête, et fixant la victoire encore incertaine. Quinze jours, chose incroyable! ont suffi pour tant d'exploits, et montrent à la France et à l'Europe, comme un météore éclatant, la jeunesse d'un

guerrier qui dès les premiers pas dans la carrière égale les plus grands capitaines.

» Essayons de le suivre dans le cours rapide de ses victoires. Il passe le Mincio l'ennemi fuit dans le Tyrol; Mantoue est investie. On lui oppose successivement quatre chefs d'une conduite et d'une valeur éprouvées; on lui oppose successivement cinq armées : c'est en vain ; quinze victoires, aussi rapides qu'éclatantes, sont remportées par les Français, qui, pour la première fois, pénètrent aux sources de la Brenta et dans l'antique ville de Trente. La célèbre bataille d'Arcole remplit toute l'Europe de son éclat : Mantoue tombe au bruit de nouvelles victoires; Mantoue, où l'honorable vieillesse de Wurmser dut être consolée par les nobles respects de son jeune vainqueur.

le

» Bientôt après les combats de Langara et de Sacile, passage et la bataille du Tagliamento, la prise de Gradisca, huit nouveaux combats, aussi glorieux que les premiers, conduisirent nos drapeaux sur le sommet des Alpes noriques, terminèrent cette glorieuse campagne de seize mois.

» Au milieu de tant de victoires, quels pensez-vous que furent les vœux les plus ardens de celui à qui l'on aurait pardonné de ne désirer que la guerre, et d'en redouter le terme? Il voulait la paix ; il la demandait avec instance; et c'est alors que commença de se manifester ce grand caractère, aussi pacifique que guerrier, qu'il a fait éclater depuis au milieu de ses nouveaux triomphes. Déjà le roi de Sardaigne, les ducs de Parme et de Modène, la Toscane et la superbe Rome, où il dédaigna de monter au Capitole, l'avaient vu leur donner la paix avec autant d'empressement et de modération qu'il avait mis d'ardeur à les vaincre. Enfin le traité de Campo-Formio mit le comble à sa gloire.

» Rendez témoignage à mes paroles, illustres compagnons de ses victoires, vous surtout, assis dans nos rangs et honorés du sceptre antique des guerriers français ! C'est à vous à nous peindre ce courage qui brave tous les dangers, cette prévoyance qu'aucune circonstance nouvelle ne peut étonner, cet esprit ferme et constant que rien ne peut rebuter, ces soudaines illuminations qui dans le danger révèlent le seul parti qu'il faut, prendre; c'est de votre bouche que nous aimerions à entendre le récit de tous ces grands efforts de la vertu militaire, de cette campagne si glorieuse pour les vainqueurs, honorable pour les vaincus , qui ne cessèrent, sous plusieurs chef's justement renommés, d'opposer une résistance magnanime à une ardeur indomptable, et n'abaissèrent qu'avec honneur l'aigle de l'Autriche devant les drapeaux français.

» Mais, avec plus d'enthousiasme encore que je n'ai raconté tant d'exploits, je placerai près d'eux les nobles égards prodigués par un jeune vainqueur au souverain Pontife, glorieux et premier exemple donné à la France du retour à cette dignité des convenances, aussi nécessaire aux gouvernemens que naturelle au caractère français, plus honorable encore pour celui qui en pratique les loyales maximes que pour celui qui en est l'objet! C'est à ces traits, messieurs, que j'aime à vous arrêter; c'est par là que Napoléon commence à bannir de la France cette grossièreté cynique qui rendait méconnaissable la nation réputée la plus polie de l'Europe. Quand nous paraissions avoir perdu à jamais cette urbanité, le fruit des bienséances, et qui les maintient, un jeune homme, au milieu des combats, du sang et du carnage, nous en rappelait les anciennes leçons! C'est que la hauteur de l'âme et l'élévation du caractère enseignent ces attentions mutuelles qui lient les hommes entre eux, et cette disposition de l'esprit qui se plaît aux choses nobles et élevées, répand sur le langage et les manières cette dignité qui la rappelle à son tour. A peine a-t-il ajouté cette gloire nouvelle à celle de tant d'exploits, que la Méditerranée est couverte de nos vaisseaux; et dans cette Egypte si fameuse, qui vit jadis la gloire et les malheurs d'un de nos plus grands rois, la défaite de Massoure est vengée, et les beys coupables envers la France sont puis. A peine les murs bâtis par Alexandre étaient-ils emportés de vive force, que Bonaparte était victorieux à Chébraisse; et à côté de ces fameuses pyramides qui semblent indestructibles, de nouveaux exploits ont rendu la gloire française impérissable comme elles. Gaza, Nazareth et les rives du Jourdain revoient nos drapeaux six cents ans après avoir été gouvernés par neuf rois français; une armée innombrable est vaincue près du MontThabor; quinze mille Turcs déploient vainement une intrépidité féroce près des restes de l'ancienne Canope; et bientôt après une alliance auguste ajouta son éclat à celui dont la victoire avait couvert le jeune guerrier qui contribua le plus au succès de cette journée.

>> Oh! si je n'étais pressé par le temps, avec quel charme je m'étendrais sur ces détails si attachans, déjà tracés par le digne compagnon de ses travaux, qui dans sa jeunesse combattit pour l'indépendance de l'Amérique; en Europe, en Asie, en Afrique, pour la gloire française, et qui jouit ainsi du bonheur singulier d'avoir concouru aux triomphes de la France dans les quatre parties du monde ! Mais toutes mes pensées sont devancées par une seule; la gloire m'entraîne des bords du Nil aux rives de la Seine, où elle me montre Napoléon placé par le génie de la

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