Page images
PDF
EPUB

premiers jours de son gouvernement, honora les cendres de Turenne, et fit placer dans son palais les bustes de tous ces héros dont il égale la renommée. Déjà les artistes, animés par sa voix, se préparent à relever sur nos places désertes les statues des plus grands hommes français. Celui qui montra tant de respect pour leur mémoire a bien mérité que la sienue vive à jamais. Que ses leçons et ses exemples se perpétuent; que ses successeurs, formés par des frères dignes de lui, obtiennent un jour les mêmes honneurs! Le souvenir de cette solennité peut former une race de héros. Il nous sera toujours présent, il se confondra pour nous avec celui du jour solennel où l'empereur ouvrit notre session. Quand son trône s'élevait à cette même place, quand sa grande âme s'exprimait tout entière dans des paroles si dignes de ses actions, rien ne manquait sans doute à notre gloire; mais il manquait quelque chose à notre bonheur: celle dont la présence embelit toutes les fêtes n'était point dans cette enceinte. Aujourd'hui nos yeux peuvent la contempler! Les émotions de son cœur en ce mo ment répandent un nouveau charme sur elle, et chacun de nous en la regardant aime encore mieux celui dont elle partage la grandeur, et dont nous venons d'inaugurer l'image.

Clôture de la session.

DISCOURS de M. Ségur, conseiller d'état. Séance du 15 ventose an 13. (6 mars 1805.)

« Messieurs, en nous chargeant de vous apporter le décret qui termine cette mémorable session, Sa Majesté l'empereur nous a donné l'ordre de vous exprimer la satisfaction que lui fait éprouver votre utile concours à tout le bien qu'il a voulu faire.

» Avec cette harmonie de volonté, cette unité d'intentions, cet ensemble dans les efforts, aucun obstacle n'est insurmontable, aucune amélioration n'est impossible : les malheurs passés s'oublient; les opinions se confondent, les espérances. renaissent, les ressources s'augmentent, les forces se multiplient, et la confiance publique, accélérant la marche du temps, exécute tout ce que le génie a projeté, réalise tout ce qu'il a conçu, consolide tout ce qu'il a créé.

» Ce que vous avez vu, ce que vous avez entendu, ce qué vous avez fait pendant le cours de quelques mois suffirait pour occuper de longs souvenirs.

En vous rassemblant ici de toutes les parties de l'Empire,

dont vous êtes les dignes soutiens, vous êtes venus compléter, décorer et admirer ce noble et touchant spectacle, cette grande cérémonie, cette consécration religieuse et civique, qui semblaient réunir dans une même enceinte tout ce qui doit imprimer le respect, frapper les esprits, élever les âmes, enfin tout ce que l'union de la gloire et de la religion peut offrir d'auguste et de sacré.

» Vous avez vu un pontife vénérable, digne par ses vertus des premiers âges du christianisme, appeler les bénédictions célestes sur Napoléon, sur ses armes victorieuses, et sur son auguste épouse, que depuis longtemps la reconnaissance avait

bénie et couronnée.

» En présence de toutes les autorités, de toutes les classes des citoyens, de toutes les députations de nos invincibles armées, vous avez reçu le serment d'un empereur qui n'avait à promettre que la durée de la gloire qu'il nous avait acquise, des lois qu'il avait fait renaître, de la liberté de conscience qu'il avait établie, des institutions qu'il avait créées, de l'Empire qu'il venait de fonder.

» Et tandis que les voûtes du temple retentissaient des acclamations d'un peuple qui lui jurait unanimement une fidélité éternelle, ce peuple lui-même, tout entier répandu sur la surface de l'Empire, et qui se trouvait à la fois privé de chefs, d'administrateurs, de magistrats, de généraux, attestait par sa tranquillité profonde et par son respect pour l'ordre public. son adhésion à ce serment d'obéissance, son attachement au noble faisceau qui se formait pour sa gloire, et sa juste confiance dans le chef qui préside à ses destinées.

» Voilà, messieurs, la faible esquisse du premier tableau qui s'est offert à vos regards avant de reprendre le cours de vos utiles travaux.

» Bientôt votre session s'est ouverte, et Napoléon par sa présence est venu imprimer un caractère plus imposant, plus majestueux à vos séances. le respect qu'inspirait cette céréinonie vit dans tous les souvenirs, et le discours qu'a prononcé Sa Majesté est gravé dans tous les esprits.

» Vos acclamations vives, unanimes, prolongées, qu'il me semble encore entendre, m'avertissent qu'il est superflu de rappeler ici une solennité dont nous croyons encore être témoins, et un discours dont aucune parole ne sera perdue.

» Peu de jours après le ministre de l'intérieur est venu vous présenter le tableau de la situation de l'Empire. Cet exposé fidèle, satisfaisant pour nous, rassurant pour nos alliés, redoutable pour nos ennemis, vous répondait de la sécurité profonde avec laquelle vous pouviez vous livrer à l'examen impar

tial et tranquillée des projets qui devaient vous être successive

ment soumis.

[ocr errors]

Vous me permettrez sans doute ici, messieurs, de vous présenter avec satisfaction l'énumération rapide des différentes lois que vous avez rendues. Heureux le temps et le pays où le récit tient lieu d'éloges, et l'histoire de panégyrique!

[ocr errors]

Vous attendiez avec impatience la discussion du Code criminel, du Code de procédure et du Code de commerce, qui vous étaient annonces; mais l'empereur a pensé qu'ils devaient être encore plus mûris avant de vous être présentés, et vous avez approuvé la sagesse de celui qui sait apprécier la puissance du temps, quoiqu'il en ait si souvent devancé la marche.

Vos premières lois ont eu pour objet les vœux de quelques localités; vous avez encouragé leur activité en réalisant leurs espérances.

La ville d'Anvers a obtenu un tribunal de commerce: le temps approche où l'on verra renaître partout ce commerce, qu'avait détruit la violence, et sur les débris duquel s'était élevé le colosse britannique.

"

D'autres villes ont obtenu la translation de quelques tribunaux, et leur établissement dans des lieux où la justice sera plus à portée des justiciables, et plus convenablement placée. » En élevant un pont sur le Rhône, vous avez rétabli une utile communication entre les deux rives d'un fleuve rapide et dangereux.

» Vous avez débarrassé la Saône des entraves qui arrêtaient les navigateurs, et vous payez l'art industrieux qui rend dans cette partie la vie au commerce en lui donnant pour récompense les terrains qu'il doit conquérir sur les eaux.

[ocr errors]

Après avoir par une loi délivré la ville de Lyon de la contribution mobilière, de l'arbitraire qui l'accompagne, des vexations qu'elle entraîne; après avoir remplacé cette contribution par une taxe légère sur les consommations, impôt volontaire qui n'offre point de non-valeurs, et qui se perçoit sans gêne et sans injustice, vous avez pris des mesures qui feront disparaître les ruines de cette cité célèbre, et rendront la place Bonaparte digne du nom que lui donne la reconnaissance.

» D'autres lois autorisent des échanges, des aliénations, des impositions avantageuses pour une grande quantité de communes, et vous facilitez par ce moyen la construction des ports, le rétablissement des bacs, l'édification des monumens utiles, l'amélioration du sort des hospices, le service des cultes, et tout ce que l'intérêt, guidé par la sagesse, devait attendre des législateurs.

» Tandis que chez nos ennemis tout fermente, tout s'agite,

tout s'arme, vous prouvez par une loi sur la conscription que. nous n'avons pas besoin de nouveaux efforts, et cette loi nouvelle ne differe de celle de l'année dernière que par une répar— tition plus juste et plus modérée relativement à nos côtes et à nos départemens maritimes. (1)

» Vous avez régularisé la législation sur les consignations. » Cette partie de la propriété, dont les tribunaux suspendent la jouissance, ne sera plus si longtemps perdue sans intérêt pour les propriétaires, et leur remboursement sera plus prompt et plus assuré. En portant vos regards sur les cautionnemens vous avez aussi donné une plus forte garantie aux intérêts publics et privés, aux particuliers, aux prêteurs et à

l'Etat.

» La loi sur les douanes contient de nouvelles dispositions favorables à notre commerce, à notre industrie: elle diminue les droits d'entrée sur les matières premières nécessaires à nos fabriques, et les droits de sortie sur nos objets manufacturés ; elle accorde à de grandes villes des entrepôts que leur faisait souhaiter leur position, et prouve cette sollicitude éclairée d'un gouvernement paternel qui s'occupe autant des ateliers et des détails de l'administration que des grands objets qui décident de la destinée des Empires.

» Vous avez accordé pour la révision des jugemens obtenus par les communes dans les départemens de la rive gauche du Rhin un délai qu'exigeaient la justice, l'intérêt national, et la dispersion des titres dans des régions que le sort a si longtemps condamnées à être le théâtre de la guerre.

[ocr errors]

D'autres lois, venant au secours des administrations des prytanées et de celles de la Légion-d'Honneur, autorisent des aliénations, des échanges et des replacemens qui rendront leur dotation plus convenable, leurs revenus plus sûrs, leur gestion plus simple et plus facile.

[ocr errors]

Frappés d'un désordre trop longtemps toléré, vous avez ordonné qu'on désobstruât les voies publiques; votre loi fera disparaître ces démolitions interrompues, ces tristes ruines, cette image de la destruction qui contrastait si honteusement avec tant de créations et avec le rétablissement de l'ordre public.

» Par l'effet de vos sages décrets, toutes les routes de l'Empire vont offrir aux voyageurs du repos et de l'ombrage, et par

(1) Le 27 nivose, à la majorité de deux cent trois voix contre onze, le Corps législatif avait voté une levée de trente mille conscrits pour l'activité, et trente mille pour la réserve.

cette mesure salutaire vous multipliez la reproduction des bois que réclament les arts.

» Il existait entre Paris et les autres cités de l'Empire une différence sans motif sur les droits des actes civils; votre loi parle, et cette différence va cesser.

» Le sceau de l'État, adopté par vous, prend le caractère le plus propre à commander la confiance, à prescrire l'obéissance aux lois, dont il présage la durée.

» La cupidité s'était ouvert une voie honteuse que vous venez de fermer; vous avez diminué les frais de procédure de la justice criminelle retrancher des dépenses abusives, c'est prendre le moyen le plus noble pour augmenter les revenus de l'Etat.

» Pour encourager les bonnes mœurs, l'union des époux, la fécondité des mariages, vous avez approuvé la disposition. bienfaisante qui, sur chaque famille où sept enfans se trouvent vivans, en choisit un pour l'élever aux frais de l'Etat (1) : par là vous faites plus et mieux que les autres législateurs, qui accordaient des exemptions injustes, ou des récompenses pécuniaires plus dangereuses qu'utiles aux mœurs.

» Grâce à vos lois, les pupilles, les tuteurs, les prêteurs, trouveront dans le Piémont une garantie, un emploi pour leurs créances.

» Les orphelins, les enfans abandonnés avaient déjà obtenu des asiles; aujourd'hui vous leur faites trouver dans de sages administrations des parens et des tuteurs. Celui qui protège les états n'a pas cru devoir laisser sans appui l'innocence abandonnée, et vous avez fait par une loi pieuse un devoir général et sacré de ce qui n'était jusqu'à présent qu'une obligation volontaire, incertaine, et individuelle.

» La gendarmerie, ce corps si respectable, à qui nous devons en grande partie le retour de la tranquillité publique, trouve dans vos décrets une juste protection contre les brigands qu'elle poursuit: vous avez attribué aux tribunaux spéciaux le jugement des crimes de rébellion contre elle. Une triste expérience et trop de sang versé prouvaient la nécessité de cette loi juste et sévère.

[ocr errors]

L'Empereur avait ramené la paix dans cette Vendée, qu'on vit si longtemps en proie à la fureur des discordes civiles: les champs, ravagés tant de fois, y redeviennent fertiles; les passions y sont éteintes; le commerce y reprend la vie; enfin une capitale s'y élève sous le nom et l'augure de Napoléon.

(1) Loi du 29 nivose an 13.

« PreviousContinue »