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dans la province de Kampot, mais il parait que certains industriels, comme autrefois le fisc royal, fabriquent du salpêtre avec le guano de chéiroptères, établis dans les ruines des monuments khmers.

ARDOISES ET CALCAIRES. Il faut enfin signaler, pour clore cette énumération, qu'on trouve au Cambodge des tourbières, des schistes ardoisiers et des carrières assez importantes de calcaire (Kampot), de marbres (Pursat) et de grés (Cheung-Prey).

Les montagnes renferment plusieurs mines exploitables, celles de Kompong-Soaï, entre autres, dont le rendement paraît devoir être très rémunérateur. Malheureusement, le mauvais état des voies de communication et la cherté du combustible ont empêché jusqu'ici des exploitations sérieuses.

Les Kouys, tribus sauvages vivant au Nord de KompongSoaï, à proximité des gisements les plus riches, ont été jusqu'ici les seuls à en profiter.

Comme on a pu s'en rendre compte par cette rapide étude, l'industrie cambodgienne a un champ très vaste d'exploitation, mais elle est loin d'être florissante.

A cela rien d'étonnant, car les indigènes n'ont pas les moyens dont disposent les peuples qui veulent réussir.

Cependant on n'est pas éloigné de croire que le Cambodge pourrait, dans l'avenir, obtenir là encore une prospérité considérable, et il n'est pas inutile de signaler aux particuliers les bénéfices que l'on pourrait retirer du développement raisonné de l'industrie dans ce pays.

D'ailleurs, d'importantes maisons de la place de Saïgon ont ouvert des succursales à Pnom-Penh. Une industrie nouvelle, celle de l'égrenage du coton, a été créée dans une des îles du Grand-Fleuve, l'ile de Khsach-Kandal. Une huilerie pour le traitement des graines de coton est venue s'ajouter à l'entreprise première et ses débuts ont été couronnés de succès.

LE

PROTECTORAT FRANÇAIS

Établissement du Protectorat Français.

Le Cambodge luttait depuis longtemps contre l'Annam et le Siam, lorsque peu après la guerre de Crimée, le roi Ang-Duong, père du souverain actuel, pensa que la France, qui avait une si grande influence dans le monde, pouvait seule le délivrer de ses ennemis et l'appela à son secours.

Il envoya un mandarin au Consul de France de Singapoure avec mission de lui déclarer que le roi du Cambodge désirait se placer sous le protectorat français.

Le gouvernement désigna aussitôt M. de Montigny pour cette mission. Mais, au lieu d'aller directement auprès du roi du Cambodge, ce singulier diplomate s'arrêta à Bangkok, fut invité à un festin par la cour de Siam, et là, oubliant que la discrétion est une qualité fondamentale en tout, laissa échapper le but de sa mission.

Le roi de Siam, beaucoup plus habile, ne fit rien paraître mais lorsque notre Ambassadeur partit, il embarqua à son bord un mandarin qui porta au roi du Cambodge une lettre de

menaces.

Ang-Duong, se croyant trahi par notre gouvernement, refusa de signer le traité qu'il proposait à Napoléon III, et qui était extrêmement avantageux pour nous.

A la mort de Ang-Duong, le prince Norodom, àgé de 24 ans, monta sur le trône. Son frère Votha, irrité du choix des ministres, prit les armes et souleva le royaume. Au cours de cette sédition, plusieurs chrétiens furent massacrés.

L'amiral Bonard, gouverneur de la Cochinchine, intervint alors et ayant refusé de remettre aux révoltés et à leurs alliés les Siamois, le chef de cette insurrection qui s'était réfugié auprès de lui, marqua ainsi la volonté de la France de ne pas tolérer plus longtemps l'ingérence du Siam dans les affaires du Cambodge. Il proposa à Norodom un projet de traité qui fut accepté et envoyé en France pour être ratifié.

Cette ratification fut longue et laborieuse. Elle arriva cependant au moment où la cour de Siam voulait célébrer seule à Bangkok le couronnement de Norodom et il fut décidé que le souverain recevrait la couronne à Oudong des représentants de la France et du Siam comme son père l'avait reçue de ceux du Siam et de l'Annam.

TRAITÉ DE 1867. - A l'instigation d'un forgeron Pacombo, ancien moine, qui se faisait passer pour un prince royal, des troubles graves se produisirent. Norodom demanda des secours à Bangkok et à Saïgon, mais l'amiral Jurien de la Gravière lui fit comprendre qu'il n'avait désomais qu'une seule protection, celle de la France. Et le 15 juillet 1867, pour désintéresser le Siam de ses prétentions sur le Cambodge, la France passa un traité avec lui et, faute grave, lui abandonna la suzeraineté des provinces de Battambang et d'Angkor que les Siamois possédaient à titre absolument précaire.

Ce traité malencontreux fut signé à Paris sans consulter Norodom et sans prendre l'avis du gouverneur de Cochinchine. Le roi du Cambodge protesta et cette protestation pourrait un jour ou l'autre servir de base à de nouvelles négociations; l'annexion de ces provinces serait précieuse pour notre protectorat, tandis qu'elles sont inutiles dans la main du Siam qui n'en tire aucun profit.

Il serait désirable que notre diplomatie nous fit récupérer ces deux provinces de Battambang et d'Angkor que le Siam détient d'ailleurs presque sans droit.

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TRAITÉ DE 1884. Enfin, en 1884, M. Thomson, gouverneur de l'Indo-Chine, fit reconnaitre définitivement à Norodom le protectorat français. Ce fut, aux dires de quelques-uns, un véritable coup de force. Une nuit, M. Thomson fit cerner, diton, le palais de Norodom par deux compagnies de tirailleurs annamites, commandées, l'une par le capitaine d'Albignac et l'autre par le capitaine Jamousky. Le gouverneur pénétra daus le palais, avec sa suite, réveilla le roi qui dormait et lui enjoignit de signer un projet de traité. Le lendemain un soulèvement formidable se produisit d'un bout à l'autre du royaume.

Cette dramatique version est assez invraisemblable. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'en 1884 le roi du Cambodge accepta notre Protectorat ; que les bonzes se révoltèrent; qu'au cours de cette insurrection périt Mgr Guyonnard, missionnaire apostolique, qui fut décapité par les rebelles, le 31 janvier 1886; que ces révoltes furent sévèrement réprimées et qu'à l'heure présente une garnison insignifiante suffit pour maintenir l'ordre désormais généralement établi.

II. L'œuvre du Protecto at Français.

Les troubles une fois châtiés, notre Protectorat se mit à l'œuvre et là où commandaient autrefois la barbarie et l'injustice, régnent maintenant l'ordre et le bon droit.

L'ambition de la France est de relever un Etat qui brilla jadis d'un prodigieux éclat et de faire renaître dans le pays la sécurité et le travail, conditions essentielles de toute civilisation et de tout progrès.

On peut dire que cette œuvre qui se réalise chaque jour, lentement, il est vrai, mais sûrement, sera bientôt complète.

Mais pour cela, il faut lutter contre les éléments, contre les rebelles, contre les traditions de barbarie, l'absolutisme de l'autorité indigène, l'apathie des naturels et contre la pénurie des ressources surtout.

Mais notre Protectorat ne recule devant aucun effort pour mener à bonne fin l'œuvre qu'il a résolu d'achever.

ESCLAVAGE ET PIRATERIE. Lorsque nous sommes arrivés au Cambodge, l'esclavage et la piraterie étaient en honneur dans le pays; les Khmers qui, au XIIe siècle, faisaient la chasse à l'homme, avaient légué cette coutume à leurs descendants qui, allant plus loin, en étaient arrivés à réduire à l'esclavage les enfants des esclaves, les débiteurs insolvables et les coupables de rébellion.

La France a supprimé au Cambodge ces pratiques barbares; le budget en a souflert, car le fisc gagnait six francs par tête d'esclave, mais la dignité de notre pays s'est une fois de plus affirmée dans cet acte d'humanité.

IMPÔTS ET SPOLIATIONS.

Lorsque la France étendit son Protectorat sur le Cambodge, Norodom ruinait le pays par son luxe; le roi avait un harem de 400 femmes, une armée de danseuses, une garde d'honneur de pages et de fonctionnaires, un orchestre siamois, une flottille de vapeurs et de barques et 300 éléphants. Son orfèvrerie et sa table occupaient plusieurs milliers de sujets.

Les princes avaient droit presque au même luxe et aux mêmes débauches.

Forcément les mandarins qni devaient fournir ces énormes revenus au souverain étaient obligés de spolier le peuple; la propriété individuelle était constamment violée, les cultures étaient grevées de droits exorbitants, les poivrières étaient imposées à raison de 700 à 800 francs l'hectare; les bananes payaient des impôts odieusement lourds.

Aussi, qu'arriva-t-il ? C'est que les Cambodgiens aimèrent mieux chomer que d'abandonner leurs récoltes et leurs terres à la tyrannie des agents du roi.

Mais notre Protectorat a mis bon ordre à toutes ces dépenses.

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