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LA PRESSE

L'Administration est secondée dans son œuvre par la Presse, qui, fidèle aux bonnes traditions et soucieuse de collaborer au bien public, apporte à la gestion des intérêts généraux, sans s'attarder à de vaines polémiques, l'appui de ses lumières et de son précieux concours.

Les journaux les plus répandus dans le pays et qui s'occupent le plus régulièrement du Cambodge sont: Le Mékong, journal quotidien, qui se publie à Saïgon depuis environ huit ans (directeurs MM. Leriche), et Le Courrier de Saigon, journal bi-hebdomadaire, remontant à une douzaine d'années (directeur M. L. Jammes).

Ces périodiques, très estimés en Indo-Chine, très pondérés, traitant avec compétence les questions économiques les plus profitables pour le pays, rendent, par leur correspondants au Cambodge, de grands services au royaume et à l'administration française.

Quelques extraits indiqueront leur souci de se rendre utiles à notre œuvre de pénétration.

Lettre du Cambodge

(Du Mékong):

Dans l'avant-dernière correspondance que je vous adressais, je parlais des dégâts qu'avaient occasionnés sur les cultures du Cambodge quinze jours d'une pluie continuelle et hors saison.

Ces dégâts à ce moment-là n'étaient encore qu'hypothétiques, car les nouvelles de l'intérieur n'avaient pas eu le temps d'arriver à Pnom-Penh.

Aujourd'hui, on sait à peu près quelles sont les cultures qui ont été le plus éprouvées.

Ce sont, en premier lieu, les riz, qui, dans certaines contrées ont beaucoup souffert; des champs entiers qui étaient presque à maturité ont été submergés, et les indigènes en étaient réduits pour les récolter à circuler dans leurs rizières en barque et à enlever à la main les épis, sans couper la paille.

En second rang, viennent les cotons. Près d'un cinquième des champs a dû être réensemencé, les pieds trop jeunes ayant péri. Les eaux baissent sérieusement; bientôt le canal sera à sec, et vraiment ce ne sera point trop tôt, car depuis qu'il n'y a que fort peu d'eau, les sampans indigènes dont le tirant d'eau est très faible continuaient d'y séjourner, et naturellement ceux qui les habitaient n'avaient cure d'aller déposer leurs ordures, ainsi que les détritus divers de leur nourriture, plus loin.

Si cette situation eût duré quelque temps encore, on en serait arrivé à ne plus pouvoir circuler sur les quais sans se boucher le nez.

Le retrait des eaux aura du moins cet avantage de les obliger à transporter leurs pénates ailleurs.

N'empêche que voilà une question qu'il faudra évidemment trancher un jour, celle du comblement ou du creusement du canal.

Les avis sont, à ce qu'on m'affirme, très partagés; les uns ne voyant pas l'utilité de cette voie voudraient la combler, y établir un boulevard, et tout au bout de ce boulevard, c'est-à-dire à plus d'un kilomètre du fleuve, construire la nouvelle et future (oh! combien) Résidence supérieure.

C'est évidemment un point de vue, et si surtout on éclairait ce boulevard avec quelque chose qui éclaire (l'acétylène, par exemple), j'avoue que le coup d'oeil serait assez joli.

Mais, à côté de ceux-là, il y a ceux qui disent que pour combler le canal il faudrait fatre un trou quelque part et un autre à la caisse du Protectorat; or, cela semble assez bizarre de faire un trou pour en boucher un autre, et comme le premier trou a déjà coûté pas mal d'argent, le second, sans être ruineux, ne serait pas bon marché. Il n'y aurait ensuite pas de raison pour que, lancé dans cette voie, on en fasse un troisième, puis un quatrième, etc., le dernier servant toujours à combler le précédent. Un trou en chasse un autre.

Dieu sait où ce système ménerait les finances du Protectorat. Puis il y a encore une raison qui fait que ce système de comblement ne semble pas très pratique.

Il y a des ponts sur ce canal; il y a d'abord en plein centre le pont du Trésor, qui, de loin, produit son effet; il y a aussi le grand pont du village catholique, et si l'on comble le canal que fera-t-on de tous ces ponts? il faudra les démolir, car, sans le canal, leur existence ne s'expliquerait plus.

Donc, de démolition en démolition, on en arriverait à dépenser pour détruire un travail beaucoup plus que le travail n'a coûté à exécuter.

Et, par suite, conserver le canal nous semble encore ce qu'il y a de plus pratique.

Mais si on le conserve en vertu du principe que, pour être en bon état, un trou, serait-il petit trou pas cher, doit être entretenu, il faudrait l'entretenir, c'est-à-dire, sinon le creuser plus bas que son niveau premier, au moins le maintenir à cette profondeur et ne point permettre aux indigènes qui habitent le long de ses berges d'y déposer, masqués par les végétations annuelles, les détribus innommables que chacun sait pendant les basses eaux.

Si même il était possible de le creuser suffisamment pour qu'il y ait de l'eau en toute saison, nous serions personnellement partisan de cette solution; cela permettrait un sport très agréable, le canotage, et des promenades en barques légères, qui varieraient un peu la monotonie du sempiternel tour d'inspection.

En fait de comblement ou de remblai, il en est un qui s'impose réellement, et dans le plus bref délai, c'est-à-dire aussitôt que le permettra la baisse des eaux, c'est le remblai du vaste terrain vague qui borde la rue de Kampot, tout à côté du marché. Ce terrain est une immense mare, où croupissent constamment les eaux de pluie, et dont les habitants de la rue de Kampot se servent pour ainsi dire comme d'un dépotoir. Peutêtre même, au point de vue sanitaire de la ville, ne serait-il pas très prudent, en cas d'épidémie, d'avoir ainsi en plein centre de la ville un foyer de miasmes délétères.

Il est vrai qu'à un autre point de vue, cette mare constitue une des curiosités de la ville, car tous les ans, à la saison des pluies, les indigènes y sément du riz, et on a ainsi sous les yeux, en pleine capitale du Cambodge, l'illusion de la rase campagne, avec l'une de ses cultures préférées, et la plus prospère. Du reste, ce terrain, étant bien fumé à la saison sèche, le riz y

pousse avec une vigueur extraordinaire, et celui qui l'ensemence sait bien qu'il ne perd pas son temps.

Un groupe de lecteurs du Mékong me prie de me faire son interprête pour demander aux autorités compétentes pourquoi jusqu'à ce jour on n'a pu encore expédier de France sur l'IndoChine ou inversement des colis postaux de dix kilogs. Ces colis postaux existent de France sur l'Algérie et vice-versa. On ne comprend donc pas bien pourquoi nous ne jouirions pas ici des mêmes faveurs que les Algériens. On affirme que des démarches ont été faites déjà en France dans ce but; nous ne pouvons que souhaiter qu'elles soient continuées et qu'il leur soit accordé une solution favorable. Cette mesure sera bien accueillie par tous, colons, négociants et fonctionnaires.

Lux.

Du Courrier de Saigon.

CAMBODGE. De notre correspondant :

La baisse des eaux continue sa marche rétrograde laissant à nu de vastes étendues de pays sur le Mékong, les berges apparaissent maintenant avec leur pente abrupte; des cultures naissantes sortent de terre, au fur et à mesure du retrait des eaux.

Les bateaux ont cessé, depuis longtemps déjà, leur course vers les hautes régions laotiennes. Les rapides impassables laissent émerger leurs masses rocheuses à travers lesquelles le Mékong roule avec des bruits de tonnerre.

C'est le moment de la pêche, de la culture et du travail. Il règne ici une fraîcheur inaccoutumée et nous avons un degré ou deux de moins que l'année dernière à pareille époque. Les nuits sont presque froides; les Européens, quand arrive la rosée matinale, sont obligés de se couvrir soigneusement dans leur lit.

La température est incontestablement plus basse ici qu'en Cochinchine. En remontant vers Kratié, les brises se rafraîchissent et la nuit, sur les forêts silencieuses, passe un air glacial qui pénètre et dégourdit.

Tout le mois de décembre et le mois de janvier seront ainsi plus supportables.

Cette courte période nous dédommage un peu des chaleurs torrides de la saison sèche, supérieure à celles de Saigon.

La fête des eaux a eu lieu il y a une vingtaine de jours, sans tambours ni trompettes. On disait que le Roi était indisposé et que son état ne lui permettait pas de donner à cette fête nationale l'éclat solennel des autres années.

Quoiqu'il en soit, le Roi se porte aujourd'hui à merveille.

Il a l'àme chevillée au corps. Voilà 30 ans qu'on le dit mourant; les médecins l'ont condamné à plusieurs reprises.

L'un deux, réputé cependant fort habile, assurait, il y a dix ans environ, que Norodom n'en avait pas pour six mois.

Son astrologue est décidément plus fort que tous les empoisonneurs patentés et brevetés de nos facultés européennes.

M. Ducos contrairement à ce qu'on dit à Saïgon restera encore de longs mois au Cambodge. Il y est du reste très sympathique et très honoré.

On ignore encore l'époque des fêtes de la crémation royale. Le Mên ou catafalque est presque terminé.

M. A Chlun, trésorier général de Sa Majesté Norodom a perdu son fils ainé; cette mort a profondément affecté le ministre cambodgien, aux peines duquel ses nombreux amis indigènes et français de grand cœur compatissent. R. N.

Du Mékong de Saïgon :

Le premier but à atteindre, comme je l'ai dit plus haut, est de ramener à nous tous les commerces et toutes les industries que nous avons laissé prendre par les Chinois, qui ne sont que des parasites et des draîneurs de notre argent et de celui de nos sujets français. Nous pouvons y réussir si nous nous associons tous pour créer des industries concurrentes et, quelle que soit la faible part pour laquelle chacun entrera dans l'association, celle-ci possèdera dans le pays une force morale qui sera constituée par nos efforts réunis. La puissance pécuniaire appartiendra peut-être à des capitaux importés en grande partie de France, mais la puissance de résistance et de lutte proviendra de l'union de tous les intéressées présents dans la colonie et dont la vigilance toujours en éveil ne permettra pas les faiblesses et les abandons dont les Chinois seuls ont profité.

L'industrie du décorticage des riz a été créé ici par des Fran

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