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dans les coffres de l'Etat ; 5o, que son Altesse donne des lettres patentes de non préjudice aux Etats, semblables à celles qui furent données par Charles III aux Etats généraux en 1602 et en 1607. >>

Les députés présentent ensuite à S. A. quelques griefs, remontrances et supplications touchant l'Etat ecclésiastique principalement (on demande que les publications ne soient plus. faites au prône par les curés, mais bien par les sergents à la sortie de la messe); touchant aussi la justice (on sollicite que les offices de juges et d'avocats ne soient plus donnés à prix d'argent mais réservés au mérite; que les juges soient des gens honorables et qu'il ne leur soit plus permis d'aller manger avec les parties ou seuls dans les tavernes ou ailleurs, que l'on rédige un réglement pour les tabellions, afin d'éviter les fautes notables et exactions qu'ils commettent journellement au préjudice du public, etc...)

Le bailliage des Vosges produit ses griefs particuliers concernant surtout la juridiction des Assises. Le Bailliage d'Epinal réclame spécialement le rétablissement du préliminaire de conciliation par devant le bailli ou son lieutenant. Enfin, tout l'Etat émet le vœu que les nobles qui exercent les professions d'apothicaires, orfèvres, taverniers et autres semblables services dérogeant à la qualité de nobles, quittent ces professions ou renoncent à leur titre de noblesse ; que la chasse ne soit plus commandée que pour le service de S. A. et que la quantité de vin qui lui est nécessaire soit indiquée par le grand maître; 4o...; 5o, qu'il soit défendu aux demoiselles qui ne sont point mariées à des gentilshommes, de se faire appeler « madame », afin d'éviter la confusion; 60 que l'on établisse des peines corporelles contre les banqueroutiers; 7° que l'on arrête les étrangers afin de connaître leur conduite, ainsi que cela se pratique en France à l'égard des Lorrains; 8° qu'il scit fait défense aux maîtres des ribeaux et aux maîtres des hautes œuvres, de s'ingérer dans les noces sous prétexte de lever un prétendu droit

de 9 gros sur les nouveaux mariés; 9° que soit abolie la maitrise des « escorcheurs » instituée par la Cour des Comptes.

Dans le courant de notre histoire, nous aurons plus d'une fois l'occasion de constater l'intervention du prince dans les affaires municipales, soit qu'il tranche d'inépuisables contestations, qu'il redresse des injustices ou qu'il prohibe telles entreprises d'un caractère essentiellement local. C'est à lui qu'on a recours, par exemple, pour empêcher la fondation à Epinal d'un couvent de capucins, à raison de la stérilité du lieu et de la pauvreté des artisans.

Le Duc n'est guère plus riche que ses sujets; outre les aides considérables votés par les Etats, il emprunte aux Villes; à Epinal il doit 20,000 francs. Ce sont toutes ces dépenses qui affolent le budget et qui lui donnent cette ampleur inusitée, que nous avons signalée.

Tout cela est fort peu de chose si l'on songe à l'avenir prochain qui menace Epinal et la Lorraine.

Menaces de guerre. Préparatifs militaires.

Ce n'est pas cependant la paix absolue, et les ennemis du dehors n'ont pas laissé de donner à une partie du duché de sérieuses inquiétudes, tandis qu'ils en ravageaient une autre. Le comte de Mansfeld levait des troupes en Allemagne avec le concours des princes protestants et, disait-on, l'appui pécuniaire de la France.

Le prétexte était qu'il fallait secourir Berg-Op-Zoom, assiégé par les Espagnols et les Hollandais. Mansfeld, accompagné du comte de Brunswick et de plusieurs autres seigneurs allemands, envahit la Lorraine à la tête d'une armée forte de 60 à 80,000 hommes. Ils y firent mille désordres, dit Dom Calmet, et ils brûlèrent grand nombre de villages. Le nom des soldats Mansfelds est encore en horreur aujourd'hui parmi les peuples et la mémoire des maux qu'ils y causèrent n'est pas encore effacée». Don Gonzague de Cordoue les joignit à Fleurus, les battit et

les mit en déroute. Mansfeld rallia à peu près 20,000 hommes, « les autres se sauvèrent comme ils purent dans le Luxembourg, la Lorraine et le Barrois où la plupart périrent par les mains des paysans qu'ils avaient pillés et brûlés sur leur passage. »(1)

Epinal n'eut pas à souffrir de cette invasion qui ne parait pas l'avoir touché. Mais le duc Henry avait fait des levées de troupes pour contenir le flot des ennemis et Epinal avait fourni son contingent.

La ville fait des préparatifs belliqueux dès 1614. Claude Caytel, lieutenant du bailli, et d'autres, visitent chez les bourgeois pour s'assurer s'ils sont bien munis des armes ordonnées par le bailli « auxmonstres de 1610 ». La semaine de la Pentecôte, le bailli arrive lui-même à Epinal, par ordre de S. A., pour faire monter la garde au château et pourvoir à la sûreté de la ville, pour recommander d'autre part aux maires du bailliage, de tenir leurs hommes prêts pour le service du Duc de Lorraine, s'il en a besoin.

La ville fait marché avec Jean le Huart, fondeur, pour deux pièces d'artillerie. On fait prix de 150 francs pour les deux, les Conseillers vont à la place du Poux « au sujet de recongnoistre et faire les preuves du fauconneau, fait et fondu par Jean Huart, fondeux ». On monte la pièce sur 2 roues et on la remise à l'arsenal.

On achète 36 cuirasses avec brassards et casques et 36 fers de piques, amenés de Strasbourg, moyennant 481 francs et 7 gros de Lorraine. On s'approvisionne aussi de poudre. On en achète 362 livres, à raison de 110 francs les 100 livres.

On dépose cette poudre au magasin de la porte de la Fontaine, en même temps que deux cents livres de cordage et mèches.

Le bailli vient encore spécialement à Epinal pour mettre à exécution l'ordre de son Altesse, portant création d'une Milice en ses duchés de Lorraine et Barrois et terres enclavées.

(1) Dom Calmet, loc. cit.

Cependant, on fortifie la ville. On établit des crocs à la galerie du Petit Pont, pour accrocher les armes des bourgeois qui montent la garde. On visite les ruines de la Tour Jean Pierre, située derrière la maison de Delange Mourel « et des murailles adjacentes, depuis la porte d'Ambrail jusques à la porte d'Arches, au sujet d'en recognoistre les ruines; on emploie des ouvriers à relever un pan de mur qui commande le fossé de la porte d'Ambrail. Laurent Jubainville, recouvreur de hauts ouvrages, travaille pendant 42 jours aux mêmes tours et murailles de la porte d'Ambrail. Il extirpe les ronces, espines et seugnons qui emportaient en bas lesdites murailles ».

Ailleurs, on occupe 7 hommes à arracher aussi les ronces et les buissons qui sont sur les murailles. On les remet partout en état.

On établit un corps de garde dans la maison de Simon Vaillant; on reconstruit celui du grand Moulin. Les exercices de la milice sont de plus en plus fréquents. Le Bailli y préside. Il est présent en 1617, la semaine de l'Ascension, quand les 56 << eslus >> ont fait monstre sur la place du Poux « pour recognoistre et voir leurs gestes ». Après l'exercice, les soldats font un repas qui coûte 32 francs. Le Bailli et plusieurs autres font aussi un diner « après avoir remis et remonté les corselets chacun en leur place, lesdits soldats désarmés après la retraite faite ».

On achète six piques de réserve pour les Miliciens. C'est Pierre Doyette, maître tambour, qui bat « durant la milice et qui sonne la diane à 6 heures du matin pour faire assembler la garde ».

En 1622 on redouble d'activité ; les troupes manœuvrent au Poux, cependant que six bourgeois font écarter les enfants. et jeunes gens; plus loin on signale encore que les << sergents » de bandes font faire l'exercice aux jeunes gens d'Epinal au Poux. On construit un nouveau corps de garde sur une tour à la porte de la Fontaine. On mure les portes du grand Moulin et d'Ambrail. On fourbit les pièces de canon et on

achète 358 livres de poudre à 125 francs les cent livres. On sonne le toscin tous les jours et la diane tous les matins Epinal reçoit une garnison sous les ordres de M. de Ville. Elle est composée de cavalerie légère et d'artillerie. M. de Ville arrive le samedi 19 février 1622; le Bailli l'invite à dîner ainsi que Dubroc, son lieutenant, et d'autres genthilshommes. La charge est lourde pour la ville. Demange Beuray, gouverneur, va à Nancy pour voir s'il est possible que les soldats de M. de Ville sortent de la ville afin de soulager le peuple. Il n'obtient rien, « sinon que d'être nourri d'espérance ». Le Bailli réussit mieux dans ses démarches, et pour ses bons offices on lui donne 400 francs. Cette brève occupation avait cependant coûté à Epinal 1,377 francs et 10 gros, sans parler des personnages dont la réception est dispendieuse, comme M. de Ragecourt, M. Rambourcel, commissaire des guerres, etc... M. de Campremy avait dès le début poussé des pointes jusqu'à Padoux, à ce de reconnaitre les troupes qui y passaient; on lui avait envoyé du vin et du gibier pour traiter leur général; puis, c'est Demange Boban qui va jusqu'à Blamont à trois reprises pour avoir des nouvelles de l'ennemi, lorsque les Mansfeldt passaient » en Lorraine. Tout cela est coûteux.

Cette année (1622), les dépenses de la ville atteignent 42,817 francs; mais heureusement, si l'alerte avait été chaude, ce ne fut, pour Epinal du moins, qu'une alerte. Le temps est prochain où la ville n'aura plus la même fortune et ne pourra plus éviter le péril, voire les plus sombres malheurs.

VI

Charles IV (1628-1675). Son avènement.

Henri II meurt en 1628. Il est remplacé sur le trône de Lorraine par son neveu Charles, fils aîné de François de Vaudemont, son frère.

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