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tion actuelle des états de l'Europe à qui la guerre et le commerce ont laissé des possessions coloniales.

On jugera de leur importance par de tableau du produit que l'Europe en retire, et des avantages proportionnés dont elles font jouir leurs posses

seurs.

Qu'on ne s'attende pas cependant à trouver dans cette analyse la précision d'un calcul arithmétique; c'en est un d'appréciation, mais suffisant néanmoins pour se former une idée de ce que peuvent être les richesses coloniales distribuées dans les milliers de canaux où elles circulent.

par

Remarquons que, pour être justes appréciateurs dans ce résultat, nous ne devons pas rechercher seulement ce qui revient aux métropoles par leurs colonies, mais encore ce que les colonies font produire aux métropoles. Cette réciprocité double les avantages des possessions coloniales. En effet, tout ce qu'elles demandent à la métropole, et la forcent l'attrait des bénéfices et des échanges d'ajou ter à ses produits et à ses travaux, sont des valeurs nouvelles que les colonies versent dans son sein. Ainsi, lorsqu'une d'elles livre à la mère-patrie cent millions de denrées pour une valeur de cinquante millions qu'elle en reçoit, le résultat de cet échange, produit par l'intermédiaire de la colonie, n'équivaut pas seulement à cent millions, mais à cent cinquante, parce qu'elle a commandé à la métropole un travail de cinquante millions

qui, sans elle, n'aurait pas eu de consommateurs, et par conséquent n'aurait pas existé.

Il est donc vrai que les colonies et les métropoles réagissent utilement les unes sur les autres; que les premières, en offrant des consommateurs aux secondes, y excitent l'industrie et offrent des salaires au travail; qu'ainsi, pour bien apprécier les colonies, il faut tenir compte de cette double action. On peut même aller plus loin; car, regardant toute colonie, une fois qu'elle est formée, sous quelque régime qu'elle existe, comme un nouvel état habitué aux jouissances de l'Europe, on doit, dans l'estimation qu'on en fait, faire entrer même celles qui ont cessé d'appartenir à la métropole, et qui ne tiennent à elle que par le grand lień du commerce, qui unit toutes les nations. Ainsi les États-Unis, quoique séparés et indépendans de l'Angleterre, ne cessent pas d'entrer dans l'ordre colonial de l'Europe comme formés par elle, consommant un grand nombre de ses produits, et lui restant attachés par des rapports que le changement de la domination politique n'a pu détruire.

Il résulte de ces considérations deux vérités importantes au commerce : l'une que, dans la perte que quelques états ont faite de leurs colonies ou de quelques-unes d'elles, le dommage n'a pas été seulement d'être privés des riches produits qu'ils en tiraient, mais encore des débouchés qu'elles offraient aux produits de leur industrie; en second

lieu, que cette dernière perte n'est pas totale, et que, tous les genres d'industrie ne pouvant pas, avec un égal avantage, s'établir partout, l'Europe trouve toujours dans les établissemens coloniaux des débouchés, lorsque ces établissemens n'ont point passé sous une domination étrangère et exclusive, mais ont subi quelque révolution qui les a rendus indépendans comme les États-Unis, SaintDomingue, et les colonies espagnoles d'Amérique.

Cherchons donc à apprécier les avantages des colonies relativement à l'Europe par l'estimation des valeurs qu'elles mettent dans le commerce et qu'elles offrent aux divers genres de consommateurs. Quoiqu'un pareil tableau ne puisse être d'une exactitude parfaite, nous le répétons, il n'en offrira pas moins l'état probable des possessions coloniales envers l'Europe, et celui de l'Europe envers elles.

Le Portugal retire de toutes ses colonies une valeur de 80,000,000 de francs; les métaux et les diamans entrent dans cette somme pour 35,000,000; il envoie dans les colonies en marchandises de son crû pour 10,000,000. On sait que les diamans et les métaux sont le produit de la souveraineté, c'est-à-dire qu'ils ne sont mis dans la circulation que par l'entremise du gouvernement. Les marchandises portugaises entrent dans ce commerce pour un peu moins d'un quart, c'est-àdire comme est à 4

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Nous devons observer que, quels que soient les morcellemens ou

La Hollande ne reçoit de ses colonies de l'Inde, après le paiement des frais de la souveraineté, que 7,000,000. On sait que dans un espace de dix ans les ventes de la compagnie hollandaise se sont élevées annuellement à une somme de 42,000,000; mais on ignore à quelle somme de marchandises cette vente pouvait correspondre, parce que ses produits se composent de plusieurs branches, et parce qu'aussi la Hollande, unissant la souveraineté au commerce, la force à l'industrie, comprend dans cette somme les produits d'arrangemens faits avec de petits princes qui lui cèdent à très-bas prix des objets qu'elle vend fort cher en Europe. Il est connu que, dans l'espace de quatorze ans, la Hollande exporta aux Indes une somme métallique de 146,000,000; elle retirait de ses possessions au Cap de BonneEspérance, de Surinam, de Curaçao et SaintEustache, pour une valeur de 15,000,000 de francs.

L'Angleterre entre pour la moitié des envois que le Portugal fait au Brésil, même depuis l'établissement de la cour de Lisbonne dans cette colonie cette moitié peut s'élever à une somme de 10,000,000 de francs. Le Canada lui produit 38,000,000; Terre-Neuve et les pêcheries scissions politiques d'un état, il est possible de les considérer en masse pour apprécier sa richesse coloniale, lorsque ses parties démembrées sont restées indépendantes ou sous deux fractions du même gouvernement, tel qu'est le Portugal aujourd'hui, divisé en deux grands siéges de la souveraineté.

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40,000,000; l'Inde, tous frais payés, 40,000,000, en y comprenant la moitié de cette somme apportée annuellement par les employés de la compagnie des Indes; la valeur des marchandises anglaises portées dans l'Inde, 60,000,000; ajoutons à ces résultats considérables ceux du commerce d'Inde en Inde, de la mer Rouge et du golfe Persique, qu'on ne peut évaluer à moins de 30,000,000.

L'Angleterre fait un très-grand commerce avec les États-Unis; il offrait en 1801 une exportation pour cette partie du monde qui s'est élevée à 155,000,000, et en recevait pour 45,000,000 en marchandises du pays; des îles anglaises des Antilles, 130,000,000; la traite 15,000,000; le commerce avec le continent espagnol 50,000,000.

La France n'a jamais regardé comme d'un revenu avantageux sous le rapport commercial les établissemens des Ile-de-France et de Bourbon; nos comptoirs de l'Inde même ne jetaient pas dans la circulation des valeurs au dessus des frais qu'ils entraînaient; mais Cayenne, donnait 30,000,000; Terre-Neuve 7,000,000; et Saint-Domingue, la Guadeloupe, la Martinique, 250,000,000.

La France consommait pour 150,000,000 de denrées coloniales; elle revendait le reste. L'étendue de cette revente faisait pencher en sa faveur la balance du commerce qu'elle obtenait annuellement, et qui allait à la somme de 40,000,000

L'Espagne retirait de ses cólonies, en mé

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