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généralité des citoyens qui se trouvent atteints par ledit acte reviendraient d'eux-mêmes à des sentimens plus conformes à leur devoir; mais cette indulgence de notre part, au lieu de produire les salutaires effets que nous en espérions, n'a eu qu'un résultat tout contraire sur plusieurs des habitans.

«

C'est pourquoi nous avons, et d'après l'avis de notre capitaine-général et gouverneur en chef, et aussi d'après l'avis de notre conseil de la colonie, jugé convenable d'émettre la présente proclamation royale, pour publier et déclarer, afin de pourvoir à la sûreté immédiate aussi-bien qu'à la sécurité future de cette colonie naissante, que toutes les personnes qui se trouvent atteintes par ledit acte, ou dont l'âge est entre treize et soixante ans, lesquelles, en refusant de prêter ledit serment de milice, ont ainsi donné à leurs enfans et à leurs apprentis l'exemple de la désobéissance et de l'insubordination, ont perdu tous droits et titres à toute espèce de propriétés, soit meubles ou immeubles, et sont en conséquence, conformément aux première et seconde sections dudit acte, déclarés hors de la loi. L'indulgence que nous leur avions accordée par des principes d'humanité, qu'elles n'ont pas eu assez de gratitude pour apprécier et pour reconnaître, touche à sa fin. Qu'on sache donc qu'aussitôt que la saison des pluies sera passée, ou qu'à compter du 20 novembre prochain, c'est notre volonté que toute personne

passive de l'acte de milice, et qui persisterait dans son refus de s'y conformer, ou de se soumettre à quelque autre loi imposée à nos sujets, doit cesser de faire sa résidence dans aucun lieu de la péninsule de Sierra-Leone.

Cependant, pour ne pas nous écarter de ces principes de douceur et de modération qui nous ont constamment dirigés dans les mesures de gouvernement de notre colonie, et dans lesquels quelques habitans n'ont voulu voir que de la faiblesse et de la timidité, il nous plaît de déclarer que la Princesse Charlotte, ou quelque autre de nos vaisseaux, conduira, avec leurs familles, sur tel point de la côte qu'elles voudront désigner les personnes qui seraient mécontentes de notre régime actuel. »

Cette proclamation ne fit qu'irriter les esprits. « Notre intention, disaient les habitans de SierraLeone, m'a jamais été de nous soustraire à l'obéissance que nous devons au gouvernement. Nous verserons jusqu'à la dernière goutte de notre sang pour la défense de la colonie; mais nous sommes attachés à nos femmes et à nos enfans, et nous ne pouvons supporter l'idée de contracter un engagement qui pourrait un jour nous obliger à nous séparer d'eux. »

Ces raisons méritaient d'autant plus d'être écoutées, que les habitans de la colonie, surtout les marrons, ou nègres fugitifs qui s'y étaient réfu

• Donnée à Freetown, chef-lieu de la colonie, le 26 septembre 1812.

giés, ont toujours montré de la viguenr et de la bonne volonté toutes les fois que la sûreté de la colonie a été menacée. Ils sont naturellement attachés à la liberté, et ne pensent qu'avec horreur à ces règlemens de la discipline militaire qui soumettent le soldat à la peine du fouet. Ils l'abhorrent d'autant plus qu'ils ont eu occasion de le voir infliger à de malheureux esclaves noirs dans les Indes occidentales.

On conçoit qu'avec de pareils sentimens ces colons ne purent admettre qu'avec une répugnance soupçonneuse l'idée de se soumettre à un serment d'après lequel ils s'engageraient comme matelots sur des bâtimens qui, si le service du roi l'exigeait, pourraient peut-être, en les reconduisant dans ces mêmes Indes occidentales, les replacer encore une fois sous la verge de leurs bourreaux. Quoi qu'il en soit, le gouvernement anglais persista dans ces mesures rigoureuses, et n'eut aucun égard aux sentimens des colons.

Loin de diminuer la dépopulation, cette mesure l'augmenta; plus de cent lots ou portions de terre furent abandonnés; les maisons des malheureux qui s'étaient enfuis furent marquées de la lettre R (rebelle); les moissons qu'ils avaient fait naître dans les petits carrés de terrain qui leur avaient été départis impitoyablement détruites et pillées par les régimens africains et les nègres prisonniers.

Cependant le gouvernement chercha de nou

veau à rappeler ces fugitifs, et à obtenir d'eux la prestation du serment; il y réussit à l'égard du plus grand nombre, en promettant qu'on n'en abuserait point pour les contraindre à s'expatrier. Mais cette réconciliation n'a point détruit le mal dans sa racine; le même esprit d'aigreur et de mécontentement s'est conservé dans la colonie; il durera et mettra obstacle aux progrès de la colonie tant que les règlemens ne seront pas changés.

La capitale de Sierra-Leone se composait en 1814 de deux mille noirs, que leur constitution physique rendait propres au travail. On ne comprenait pas dans ce nombre les esclaves pris sur mer, qui ont été délivrés par la cour de l'amirauté, et qui formaient une population de près de trois mille individus. Aujourd'hui la capitale renferme dans ses murs quatre cents maisons, dont la valeur est estimée 26,000 livres sterling.

Au mois d'avril 1820 il n'y avait pas moins de six mille nègres capturés, qui avaient été envoyés dans la colonie depuis la suppression de la traite en 1807, par les vaisseaux de guerre anglais. A leur arrivée, ceux qui ont l'âge convenable sont envoyés dans les villages voisins; on assigne à chaque famille une habitation et une portion de terres, et ils sont entretenus aux frais du gouvernement pendant une année, à l'expiration de laquelle ils sont tenus de pourvoir à leurs besoins. Les enfans capturés sont aussi envoyés dans les villages, où ils restent à l'école jusqu'à ce qu'ils se

marient; ce qui a toujours lieu de bonne heure. A la tête de chaque village est un missionnaire salarié par le gouvernement, qui y exerce la double fonction de pasteur et de maître d'école.

Les premiers noirs qui ont fait le fonds de la colonie ont été transportés, comme nous l'avons dit, de la Nouvelle-Écosse et de la Jamaïque. Les colons sont en général pauvres, et ne peuvent que difficilement se défaire des produits de leur culture. Cependant Freetown est située d'une manière avantageuse pour ce qui concerne les relations commerciales. Le territoire qui l'environne est montagneux, à la vérité, mais les vallées sont fertiles, si on en exepte quelques endroits qui, par les larges pierres dont ils sont couverts, ne peuvent recevoir le soc de la charrue.

Le climat est favorable à la culture du coton, du café, de l'indigo, du tabac, du riz, du maïs, etc. Cependant les bénéfices qui pourraient résulter, pour les habitans, de l'exportation de ces objets sont encore peu considérables, les cultivateurs s'occupant surtout à faire croître dans leurs petits carrés de terrain de la cassave, des fèves, etc., et cela dans une quantité proportionnée aux besoins de leur consommation journalière ; de façon qu'en y ajoutant ce qu'ils se procurent d'alimens par la pêche, ils se trouvent pour les autres provisions dans la dépendance des naturels du pays. Cette situation est entretenue par le manque de capitaux nécessaires pour se livrer avantageuse

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