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des Indes. On la regarde comme une des plus grandes du monde, ayant deux cent soixante-six lieues sur deux cent trente-cinq de large, et une surface de vingt-cinq mille trois cent trente-quatre lieues carrées. L'intérieur est marécageux, et habité par des peuples dont les maisons, construites sur pilotis au milieu des rivières, annoncent une civilisation à peine ébauchée. Les côtes sont peuplées de Macassarois, de Javanais, de Malais, et de Maures mahométans.

Le terroir y produit en abondance du riz, du coton, du sucre, du poivre, du camphre, qui, comme on sait, est la gomme d'un arbre extrêmement haut, et qui s'étend beaucoup. Il faut ajouter à ces diverses productions le benjoin, le sang-dragon, divers bois de construction, que les Chinois emploient pour construire des junks et des meubles; enfin le sagou qu'on y fabrique est excellent. On sait que cette espèce d'aliment est commune à toutes les îles de la Sonde, des Célèbes et des Moluques : c'est une pâte végétale que l'on retire d'une sorte de palmier. Les habitans de ces îles en font des petits pains qui se conservent long-temps, lorsqu'ils sont à l'abri de l'humidité. On le prépare aussi en petits grains; le feu sur lequel on les dessèche leur donne une couleur rousse à l'extérieur : c'est dans cet état qu'on l'achète pour le transporter en Europe et à la Chine. Cuit dans le bouillon ou dans le lait, il forme un aliment assez agréable, mais peu nour

rissant c'est pour cela qu'il convient aux enfans comme première nourriture.

Il y a beaucoup de Chinois établis à Bornéo, où ils ont des colonies très-anciennes, vivent dans une grande sécurité, et font un commerce assez considérable avec leur pays. Ils y importent des porcelaines, des toiles de coton, des soieries, et en exportent les productions, qui toutes sont propres pour la Chiné.

Les naturels de Bornéo sont féroces, d'une société peu sûre, et ce n'est qu'avec peine et beaucoup de difficultés que les Européens commercent avec eux. Les Hollandais ont des établissemens sur les côtes de cette île soumis au gouvernement général de Batavia. Leurs comptoirs y sont en bon état, et leur ont été rendus par les Anglais, qui néanmoins n'ont point abandonné l'espoir d'y conserver un établissement si utile à leur commerce dans ces régions.

Après la paix de 1815, et par suite des traités qu'elle a amenés, les Hollandais mirent une grande activité à rentrer dans leurs établissemens de l'Inde. Le moment était favorable pour eux, l'Angleterre regardant le nouveau royaume-uni des Pays-Bas et de la Hollande comme son ouvrage, et comme devant rester dans son alliance et sa dépendance. Des commissaires hollandais se rendirent dans les possessions de la Sonde, des Célèbes et des Moluques, pour y être remis en possession par les Anglais. Le gouvernement de Java fut réorganisé

sur un plus grand pied; les Célèbes et les Moluques y furent incorporées.

Ce fut au printemps de 1818 qu'une expédition partit de Batavia, se rendit à Bornéo, releva les anciens comptoirs hollandais, en établit de nouveaux, et les commissaires-généraux du roi des Pays-Bas conclurent un traité avantageux avec le sultan de Pontiana. Les grands vassaux de ce prince, qui avait aussi transigé en leur nom, se révoltèrent contre lui. Le sultan marche à leur rencontre à la tête de ses troupes, grossies par une division de Hollandais; il remporte une victoire complète. Ce prince, dans l'excès de sa reconnaissance, augmente encore les priviléges déjà obtenus par ses nouveaux alliés, qui voient ainsi sous leur influence exclusive une des îles les plus vastes et les plus fertiles du globe, une île dont on n'approchait qu'en tremblant, parce qu'on supposait que ceux qui l'habitaient n'avaient aucun principe de civilisation.

Ainsi, par des conquêtes et par une adresse ambitieuse, la Hollande s'étend dans les îles de la même manière que la compagnie anglaise sur le continent de l'Inde : aussi verrons-nous peut-être un jour ces deux puissances éclater en reproches, se disputer quelques possessions, et s'entre-détruire par des hostilités de toute espèce. Déjà nous avons vu éclater leur jalousie; nous avons vu la hauteur britannique s'irriter de l'ambition des commissaires bataves.

Toujours attachés à l'exécution pleine et entière de la rentrée en possession des colonies rendues en vertu du traité de 1814, ces commissaires donnèrent ordre à la même expédition d'aller à Malacca, d'y arborer le drapeau du royaume des Pays-Bas, et de relever les comptoirs hollandais dans cette presqu'île importante. Sentant toute l'utilité d'un pareil établissement, le gouvernement de Batavia y fit placer une station maritime afin de le protéger deux vaisseaux de haut bord et une frégate se tiennent dans le port ou croisent aux environs pour le mettre à l'abri de toute tentative ennemie.

La presqu'ile de Malacca, où est la ville de ce nom, est fort étroite, et d'environ cent-dix lieues de long. Quelques écrivains pensent que c'est la Chersonèse d'or des anciens. Elle ne tient au continent que par le nord, où elle confine aux états de Siam, ou plutôt au royaume de Johor, qui en a été démembré, et qui en est seulement tributaire : elle est séparée de Sumatra par le détroit de Malacca. Le principal produit de cette île est en poivre, dents d'éléphant, cannes, gommes. Le climat est un des plus doux et des plus agréables de l'univers.

Les habitans portent le nom de Malais, qui est commun à ceux des îles de la Sonde. Ce sont des hommes féroces et dangereux; on évite autant que l'on peut d'en avoir dans les équipages des navires. Leur principal métier est la piraterie, qu'ils

exercent avec une grande audace et avec succès. L'établissement de Malacca donne la clef des îles de la Sonde, des Moluques, de la Chine et du Japon. Ainsi on ne peut s'étonner de l'importance qu'ont mise les Hollandais à le ravoir : mais on peut trouver étrange la facilité avec laquelle les Anglais l'ont rendu. Aussi n'en sont-ils pas à témoigner leur mécontentement au sujet des concessions faites à la Hollande par la dernière paix.

Un de leurs papiers les plus accrédités dit à ce sujet : « Les Hollandais poursuivent le cours de leurs travaux iniques dans l'archipel Indien; ils ont fermé les ports et forcé les navires nationaux à porter le pavillon et des papiers hollandais. Les ports, naguères indépendans de Bornéo, de Célèbes, de Sumatra, sont aujourd'hui (1820) en leur pouvoir, et ils ne manqueront point d'y établir le système d'exclusion qu'ils suivirent au dix-septième siècle. Qui pourra jamais oublier leurs barbaries, et particulièrement celles dont ils se souillèrent à Amboine en 1621, où ils mirent à la torture des Anglais qui s'y étaient établis, et finirent par les massacrer? Le monopole de cette île et de celle de Banda tomba dès-lors dans leurs mains. Ils avouent aujourd'hui les mêmes intentions; ils poursuivent dans ces parages lointains le même système d'hostilités contre le commerce britannique. Tout est mis par eux en usage pour dégrader et avilir le nom anglais, pour harceler

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