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et ruiner ceux des négocians de notre nation qui, sur la foi des traités, se sont établis à Batavia. Il s'en faut que nous soyons partisans de la guerre ; mais notre cabinet ne souffrira pas que le système hostile suivi par les Hollandais envers les sujets britanniques continue de les exposer aux plus mauvais traitemens. Il exigera par des remontrances énergiques que ce cours d'usurpation et d'agression ait un terme. S'il en était autrement, tout le commerce oriental serait perdu. Les Hollandais s'emparent graduellement du monopole, et haussent arbitrairement le prix des productions de ce vaste archipel. Ils envoient pour leur propre compte des vaisseaux au Bengale pour y vendre le cuivre du Japon et l'étain de Banca au préjudice du commerce anglais et des intérêts de, notre nation.

« Tous ces détails mettent au plus grand jour notre méprise. Devions nous leur rétrocéder ce pays? Mais nous n'avons pas encore articulé tous nos griefs contre leur ambition. Dans la vue d'interrompre toute communication entre les indigènes et nous, ils ont, vers la fin de 1818, mis en commission trois vaisseaux de ligne, cinq frégates, plusieurs sloops et beaucoup d'autres bâtimens armés. En un mot, la tranquillité ne peut plus régner dans cette partie du globe. En conséquence des restrictions imaginées par les Hollandais, le prix des denrées coloniales est triple à Java de ce qu'il était quand cette belle île se

felicitait d'être sous le gouvernement sage et pa-. ternel de la Grande-Bretagne. Nous répétons que la guerre ne saurait nous compter parmi ses partisans; mais il s'en faut que nous soyons disposés à sacrifier les droits, les intérêts, l'honneur de notre pays à une nation avide et rivale. L'Angleterre a été trop prodigue dans ses concessions envers la Hollande; mais, quoiqu'on ait sujet de s'en repentir, nous ne voulons pas enfreindre le traité. Qu'en vertu de cet acte diplomatique ils jouissent de ce qu'ils ont droit de posséder, mais qu'ils ne se mêlent plus de l'indépendance des ports nationaux, et qu'ils ne gènent plus notre commerce suivant leur caprice. »

Ces plaintes, quelque exagérées qu'elles soient, n'en annoncent pas moins les germes de divisions qui existent entre les deux nations, et qu'aux premières hostilités en Europe les possessions des Hollandais aux Indes seront exposées à devenir la proie de l'Angleterre.

La ville de Malacca est peu considérable par elle-même; mais elle l'est par sa position, par son commerce, qui pourrait être plus grand, et qui se borne au poivre et à quelques autres productions de l'île.

Les marchandises dont le gouvernement hollandais permet la descente à Malacca, sont, des draps légers, des vins en bouteilles, et quelques articles de modes.

On en peut tirer du poivre, du coton, du ben

join, du sagou, du bois rouge, qui trouve son débit à Bombay, de la noix d'areck, des rotins ou cannes, dont on fait un bon commerce avec la Chrine.

Les navires trouvent en abondance à Malacca des provisions de bouche : les volailles, le poisson, les légumes, les fruits y sont à très-bon marché ; le mangoustan, ce fruit si recherché par son goût, y est très-commun.

Mais l'activité hollandaise réduit à peu de chose pour le commerce étranger tant d'avantages; il en est de même de Sumatra, où les Hollandais ont aussi des établissemens.

Lorsqu'ils se montrèrent en 1818 sur les côtes de cette grande île pour prendre possession de leurs comptoirs, soumis aux Anglais pendant la guerre, ils y trouvèrent un concurrent d'un caractère ferme et d'un mérite distingué, sir Thomas Raffles, qui commandait l'escadre anglaise dans ces parages. Il en sera question plus bas, car le trait qui le concerne mérite de figurer dans cet aperçu de l'état des colonies. Mais disons un mot d'abord de Sumatra, mieux connue et appréciée aujourd'hui qu'autrefois.

Elle n'est séparée que par un détroit de la presqu'île de Malacca ; on lui donne près de dix degrés du nord au sud; cette immense étendue n'est ni également peuplée, ni même connue dans sa totalité. Les chaleurs y sont tempérées par des vents de terre et de mer qui se succèdent régulièrement,

et par des pluies très-fréquentes. Des Malais en occupent la partie méridionale; ils ont leurs maisons ou plutôt leurs cabanes élevées sur des piliers de bambou et couvertes de feuilles de palmier.

C'est dans le nord de Sumatra qu'on recueille le meilleur camphre et le meilleur benjoin dé l'Asie; il s'en fait un grand commerce avec les Chinois et les Japonais. Le pays est en général

très-fertile.

Les Malais établis à Sumatra sont, comme ceux de Malacca, adonnés à la piraterie, qu'ils exercent surtout dans le détroit. On ne saurait trop se mettre en garde contre eux. Ils sont d'autant plus à craindre qu'ils font la course avec de grandes pirogues qu'ils manœuvrent aisément; ils abordent de nuit, avec beaucoup d'audace et de férocité, les navires qui se laissent surprendre; ils les pillent après en avoir égorgé l'équipage : ils arment aussi des bâtimens à deux mâts qui portent de l'artillerie; ils en réunissent quelquefois plusieurs pour attaquer de gros navires.

Achem est la capitale de l'ile, et le plus grand marché; elle a un port excellent, fréquenté principalement par des Hollandais, des Anglais, des Portugais, des Danois et des Chinois.

On y porte de l'Europe, du fer, du cuivre, de l'acier, du plomb, des armes, des munitions de guerre, et des draps d'or; de l'Inde on y porte des mousselines, des toiles peintes, des cotons filés et en bourre, de la soie, de l'argent, et surtout

du riz, parce que le territoire n'en produit pas assez pour le besoin des habitans..

L'argent qu'on y porte y est échangé contre de l'or. Ce commerce donne du profit; mais il ne peut être fait que par des personnes qui aient les connaissances nécessaires pour découvrir la fraude dont les Achemois, qui sont très-fripons, usent toujours lorsqu'ils vendent ce métal.

Outre cet or, dont on fait commerce et qui se trouve en quantité dans la rivière qui passe à Achem, on tire de cette ville les productions de l'île, surtout le camphre et le benjoin.

A peu de distance et à l'est de Sumatra, visà-vis le fort Palembang, est située l'île de Banca, que les Anglais remirent aux Hollandais. Elle fut l'occasion d'une discussion assez vive entre les deux nations: cette discussion fait trop connaître l'esprit qui les anime pour ne pas en donner quelque détail ici.

En rétrocédant aux Hollandais tout ce qu'ils avaient possédé dans l'Inde en 1803, l'Angleterre conclut au mois d'août 1814 une convention avec le roi des Pays-Bas, par laquelle la Hollande lui abandonnait en toute propriété la colonie de Cochin sur la côte de Malabar en échange de Banca, l'une des îles de l'archipel de la Sonde.

Cette île est précieuse pour les Hollandais, surtout par l'étain qu'elle tire de ses mines, et qu'on dit supérieur à celui d'Angleterre ; au moins est-il certain que les Chinois le préfèrent, parce qu'il est

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