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produits étrangers, et mit des droits énormes à leur introduction. Il éluda l'exécution des traités de commerce quilui parurent désavantageux: mais le mal était fait; l'infériorité des produits de son industrie était trop grande, et l'intérêt du commerce trop puissant pour que les actes de l'autorité fussent exécutés. La France et l'Angleterre continuèrent leur commerce avec l'Espagne, malgré les vexations et la sévérité des lois. On imprimait sur les produits la marque d'un fabricant espagnol. Les commerçans du midi de la France s'abonnaient à l'année avec les chefs des douanes pour introduire leurs marchandises. L'or et l'argent étaient versés dans nos villes frontières moyennant un léger sacrifice. Les établissemens industriels formés en Espagne n'étaient plus qu'un moyen de faciliter la fraude et de la faire circuler impunément dans l'intérieur.

« En consultant les traités de commerce par lesquels l'Espagne s'est successivement liée avec la France, on est étonné de voir qu'elle n'en a presque jamais observé aucune condition. Le pacte de famille, le traité de 1761, la convention de 1763, et les articles supplémentaires de 1774, avaient stipulé que les Français et les Espagnols ne feraient qu'un même peuple dans toutes leurs relations commerciales 1. Ces conditions n'ont ja

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Qu'il nous soit permis de faire une réflexion sur ce passage du célèbre auteur de l'Industrie française. Sans doute il y aurait à s'étonner que, d'après les traités, les deux nations ne se fussent pas

en Europe les nombreuses productions du Mexique et du Pérou contre des objets qu'elle envoyait à ses colons. Au commencement du dix-huitième siècle, l'Espagne ne retirait presque plus de son territoire européen que quelques grossières productions nécessaires à la consommation de ses habitans, et elle n'offrait au commerce qu'un petit nombre d'objets particuliers à son sol, tels que ses laines, ses soudes et ses vins.

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« Si l'Espagne, riche des productions du Nouveau-Monde, avait su conserver sa prééminence manufacturière, elle serait aujourd'hui, sans aucun doute, la nation la plus puissante de l'Europe; mais le système qu'elle a suivi l'a fait descendre du rang où elle s'était élevée ; et, devenue tributaire de l'industrie de ses voisins, elle a retiré moins d'avantages de son sol et de ses colonies que les étrangers, à qui elle fournissait les matières premières qui en provenaient, pour les reprendre ensuite en objets fabriqués.

« Vers la fin du dernier siècle, le gouvernement espagnol s'occupa enfin de faire revivre l'industrie dans ses états, et employa divers moyens pour arriver à ce but. Il prohiba d'abord presque tous les

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Depuis l'établissement de Philippe v petit-fils de Louis xiv,` sur le trône d'Espagne, et les guerres qui ont précédé cet événement, l'Espagne a vu décroître sa prospérité intérieure. Le gouvernement s'est rapetissé, si l'on peut employer une telle expression. L'inquisition, le despotisme, la corruption de cour, les intrigues prirent la place des principes et des habitudes salutaires qui avaient jusqu'alors conservé quelque influence.

produits étrangers, et mit des droits énormes à leur introduction. Il éluda l'exécution des traités de commerce quilui parurent désavantageux: mais le mal était fait; l'infériorité des produits de son industrie était trop grande, et l'intérêt du commerce trop puissant pour que les actes de l'autorité fussent exécutés. La France et l'Angleterre continuèrent leur commerce avec l'Espagne, malgré les vexations et la sévérité des lois. On imprimait sur les produits la marque d'un fabricant espagnol. Les commerçans du midi de la France s'abonnaient à l'année avec les chefs des douanes pour introduire leurs marchandises. L'or et l'argent étaient versés dans nos villes frontières moyennant un léger sacrifice. Les établissemens industriels formés en Espagne n'étaient plus qu'un moyen de faciliter la fraude et de la faire circuler impunément dans l'intérieur.

« En consultant les traités de commerce par lesquels l'Espagne s'est successivement liée avec la France, on est étonné de voir qu'elle n'en a presque jamais observé aucune condition. Le pacte de famille, le traité de 1761, la convention de 1763, et les articles supplémentaires de 1774, avaient stipulé que les Français et les Espagnols ne feraient qu'un même peuple dans toutes leurs relations commerciales 1. Ces conditions n'ont ja

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Qu'il nous soit permis de faire une réflexion sur ce passage du célèbre auteur de l'Industrie française. Sans doute il y aurait à s'étonner que, d'après les traités, les deux nations ne se fussent pas

mais reçu leur exécution en Espagne, et la France y a été constamment sacrifiée à l'Angleterre. L'écarlate des fabriques anglaises entrait dans l'assortiment des expéditions, tandis que l'écarlate française était imposée séparément, et très-cher; on tarifait les draps fins d'Angleterre comme draps de qualité ordinaire, ceux des autres nations payaient beaucoup plus.

« Les contestations qu'éprouvaient les commerçans français en Espagne devenaient interminables par la nécessité de passer par la filière de ces nombreuses chancelleries qui prononçaient sur les affaires commerciales : les Anglais avaient obtenu une juridiction plus prompte et moins dispendieuse. Les visites se faisaient en tout temps par les douaniers dans les magasins des Français, tandis que dans ceux des Anglais elles ne pouvaient avoir lieu qu'en présence du commissaire des relations commerciales ou de son délégué.

« Les choses étaient dans cet état lorsque l'ordonnance de 1779 vint aggraver notre position en Espagne en repoussant plusieurs articles importans de nos fabriques, et en augmentant les droits d'entrée de beaucoup d'autres. Cette ordonnance prohiba les cotonnades; et la loi fut ob

comportées comme une seule et même nation, si ces traités avaient été négo iés ou au moins sanctionnés du consentement et avec l'avis et l'assentiment des peuples; mais ceux-ci n'y étant pour rien, n'étant ni consultés, ni pris pour juges de leurs intérêts, la force des choses l'emporta, et les deux peuples restèrent aussi divisés que s'il n'y avait point eu de traités.

servée avec une telle rigueur, que l'on confisquait les tissus de fil dans lesquels on est forcé de faire entrer quelques bandes de coton rouge ou violet, parce que ces couleurs sont plus belles et plus solides sur le coton que sur le fil. Cet acte de prohibition ferma un immense débouché à nos fabriques de mouchoirs du Béarn et de la Mayenne, et à celles de batiste et de linon de Saint-Quentin, Courtray et Valenciennes.

« La chapellerie française, surtout celle de Lyon, avait eu jusque-là un grand débouché de ses produits en Espagne; mais la même ordonnance anéantit ce commerce; l'importation en fut prohibée pour Madrid, et dans un rayon de trente lieues autour de cette capitale ; partout ailleurs le droit fut établi de 3 livres 10 sous à 5 livres 15 sous par chapeau, selon le degré de finesse, indépendamment de la taxe d'inter-nation, qui était de trente-trois pour cent de la valeur.

« Les bas de soie avaient eu leur entrée libre jusqu'à cette époque, et la France en fournissait à l'Espagne environ quarante mille douzaines par an; l'ordonnance en soumit l'importation à un droit tellement fort, qu'il équivalait à une prohibition. Nos toiles et nos draps éprouvèrent les mêmes embarras. Ajoutons à cela que tous les actes des agens du fisc étaient arbitraires, que la législation variait au gré des préposés et de l'administration du port. La visite des vaisseaux devait être faite conformément aux sages disposi

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