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Il résulte de ce tableau, qui se rapporte à 1804, que le revenu net des possessions espagnoles l'emportait sur celui des possessions anglaises différence qui s'explique par celle des frais d'administration et du service militaire, plus considérable dans les possessions anglaises que partout ailleurs. Au surplus, on n'a fait entrer dans cette estimation que le territoire sur lequel la compagnie anglaise a acquis la souveraineté, et l'on n'y comprend pas les alliés et les tributaires, tels que le Nizam, les princes d'Oude, de Carnatic, de Mysore, de Cochin, de Travancore, sur lesquels les Anglais lèvent des tributs plus ou moins considérables.

Ces considérations peuvent faire apprécier l'énorme perte que doit faire l'Espagne par la séparation du continent américain, et la puissance à laquelle s'élèverait celui-ci, si, par une sage et vigoureuse conduite, il parvenait à assurer son indépendance sous une forme de gouvernement régulier et libre. On en sera encore plus convaincu par les résultats suivans.

Les colonies espagnoles se composent, 1° de provinces continentales en Amérique; 2° d'îles dans la même partie du monde ; 3° de possessions dans l'Inde et en Afrique.

Les premières sont : la vice-royauté de la Nouvelle-Espagne, celle du Pérou, celle de BuenosAyres, celle de la Nouvelle-Grenade, la capitainie générale de Caracas, du Chili, de Guatimala;

à quoi on pourrait ajouter les Florides ou la Louisiane, si la cession aux États-Unis n'était pas confirmée; les secondes, Cuba, Porto-Rico; les troisièmes, les îles Philippines et les îles Marianes; enfin les quatrièmes se bornent aux Canaries, annexées au gouvernement de l'Andalousie.

Entrons dans quelques détails. De ces possessions, plusieurs feraient à elles seules des états puissans. Tel est le Mexique ou la Nouvelle-Espagne, dont le savant M. Humbolt nous a donné une si belle et si riche description.

Ce royaume, aujourd'hui entraîné dans une guerre pour la liberté, est, par son état de civilisation, bien supérieur à ce que l'on observe dans les autres possessions espagnoles. Cependant plusieurs branches de l'agriculture ont atteint un plus haut degré de perfection dans la province de Caracas que dans la Nouvelle-Espagne. C'est que moins une colonie a de mines, plus l'industrie de ses habitans se porte à la culture des productions végétales; mais cela ne suffit pas pour hâter les progrès de la civilisation, et le développement de l'industrie. La fertilité du sol d'ailleurs est plus grande dans les provinces de Cumana, de la Nouvelle-Barcelone et de Venezuela. Elle est plus grande sur les bords de l'Orénoque et dans la partie boréale de la Nouvelle-Grenade que dans le royaume du Mexique, dont plusieurs régions sont stériles, manquent d'eau, et paraissent dénuées de végétation. Mais, en considerant la

grandeur de la population du Mexique, le nombre de villes considérables qui y sont rapprochées les unes des autres, l'énorme valeur de l'exploitation métallique et son influence sur le commerce de l'Europe et de l'Asie, on explique facilement la préférence que la cour de Madrid accordait au Mexique sur ses autres colonies.

On a vu, par le tableau général des possessions espagnoles, que le Mexique a une surface de cent dix-huit mille lieues carrées, dont deux tiers sont sous la zone tempérée. Le tiers renfermé dans la zone torride jouit en grande partie, à cause de l'extrême élévation de ses plateaux, d'une température analogue à celle qu'on trouve au printemps dans le midi de l'Italie et de l'Espagne.

Cette étendue n'a pas une population proportionnée, mais cependant supérieure à toute autre population dans cette partie du monde. Les recensemens les plus exacts la portent à cinq millions huit cent quarante mille habitans, parmi lesquels deux millions et demi d'indigènes de race cuivrée, un million d'Espagnols mexicains, soixante-dix mille espagnols européens, presque

1 Un préjugé répandu en Europe fait croire qu'un très-petit nombre d'indigènes à teint cuivré, ou descendans des anciens Mexicains, s'est conservé jusqu'à nos jours. Les cruautés des Européens ont fait disparaître les anciens habitans des Antilles, à la vérité; mais on on n'est point parvenu à cet horrible résultat sur le continent américain. Dans la Nouvelle-Espagne, dit M. Humbolt, qui y a séjourné, le nombre des Indiens excède deux millions et demi, en ne comptant que ceux qui sont de race pure sans mélange de sang européen ou africain.» (Tome 1, page 368.)

pas de nègres esclaves. La population est concentrée sur le plateau central. Le clergé ne comprend que quatorze mille individus. Mexico a cent trente-cinq mille habitans.

L'agriculture n'a pas à beaucoup près atteint le degré de prospérité auquel elle parviendra. La banane, le manioc, le maïs et les céréales sont les substances qu'elle donne pour la nourriturè du peuple. Les céréales, cultivées sous la zone torride et partout où le sol s'élève de cinq à six cents toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer, y produisent vingt-quatre grains pour un. Le maguey (agave) peut être considéré comme la vigne des indigènes. La culture de la canne à sucre y a fait depuis peu des progrès rapides: la VeraCruz exporte annuellement onze millions de livres pesant, ou pour 1,300,000 piastres de sucre mexicain 1. On recolte du coton de la plus belle qualité sur les côtes occidentales. Les cultures du cacao et de l'indigo sont négligées, La vanille des forêts de Quilate offre une récolte annuelle de neuf cents milliers. Le tabac est cultivé avec soin dans les districts d'Oribaza et de Cordova; la cire abonde dans le Yucatan; la récolte de la cochenille d'Oaxaca est de huit cent mille livres pesant par an; les bêtes à cornes se sont extrêmement multipliées dans les provincias inter

Cette piastre répond, comme on sait, à 5 francs et quelques centimes; c'est du sucre à 14 sous tournois ou 70 centimes la livre poids de marc, valeur dans le port.

nas et sur les côtes orientales, entre Panuco et Huasacualco. Les dîmes du clergé, dont la valeur désigne l'accroissement du produit, avaient augmenté d'un cinquième depuis 1800.

Mais ce qui distingue plus particulièrement le Mexique ou la Nouvelle-Espagne parmi toutes les contrées de l'Amérique, c'est le produit de ses mines. On estime qu'il est annuellement de seize cents kilogrammes en or, de cinq cent trente-sept mille kilogr. en argent, évalués 23,000,000 de piastres, ou près de la moitié de la valeur des métaux précieux qu'on retire annuellement des mines des deux Amériques.

L'hôtel des monnaies de Mexico a fourni de 1690 à 1803, plus de 1,353,000,000 de piastres. Trois districts de mines, Guanaxuato, Zacatecas et Catorce, qui forment un groupe central placé entre les 21 et 24 degrés de latitude, donnent presla moitié de tout l'or et de tout l'argent qui que sont retirés annuellement des mines de la Nouvelle-Espagne. Le seul filon de Guanaxuato, plus riche que le gîte de minerai du Potosi, fournit, année commune, cent trente mille kilogrammes d'argent, ou un sixième de tout l'argent que l'Amé

On donne le nom de provincias internas à l'étendue de pays qui se trouve au nord et au nord-ouest du royaume de la Nouvelle-Galice. Elles comprennent 1° le petit royaume de Léon, 2o la colonie du Nouveau-Sant-Ander, 3° le Texas, 4° la Nouvelle-Biscaye, 5o So

nora,

6o Cahahuila, 7° le Nuevo- Mexico. Elles forment une étendue de cinquante-neuf mille trois cent soixante-quinze lieues carrées, peuplée de trois cent cinquante-neuf mille deux cents habitans.

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