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pour les femmes noires et pour le recrutement des habitations, soit anciennes, soit nouvelles. L'affranchissement aurait été adopté par les colons, qui auraient vu à la fin qu'ils ne dépensaient pas plus en paiement de journées de travail de nègres libres qu'en frais d'hôpital, d'habillement, de nourriture et de recrutement des nègres esclaves. Bientôt la population noire se serait augmentée par les naissances; les cultures se seraient accrues, si elles ne sont pas déjà trop considérables, et ne se nuisent pas par la surabondance de leurs produits; les colonies auraient prospéré.

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Mais ce n'était pas là ce que voulait l'Angleterre; elle était trop embarrassée du superflu des productions de ses colonies, qu'elle ne pouvait pas empêcher d'importer chez elle, ni confiner dans ses ports francs, et sur lesquelles elle ne peut pas imposer de forts droits. Elle venait de donner à l'Inde, dans l'imprévoyance de son égoïsme, les cultures des tropiques dont elle ne pourra pas solder les frais.

I

« La prohibition de la traite des noirs est donc un des grands avantages que l'Angleterre a obtenus du deuxième traité de Paris et de ceux qui en ont été le complément. Elle a été fatale à la France, non en ce sens que les deux colonies principales et en pleine culture qui lui restaient, la Martinique et la Guadeloupe, eussent besoin de noirs, mais pour ses établissemens de la Guyane

120 novembre 1815.

française. Des negres y sont nécessaires, 1o pour recruter les ateliers, surtout ceux des cotonniers qui donnent de beaux produits; 2° pour l'exploitation des bois durs communs, propres à remplacer en France, les chênes pour les beaux madriers, les noyers pour les arts et l'ébénisterie commune, et l'orme pour quelques parties du charronnage, toutes espèces de bois qui deviennent rares, et dont pendant long-temps on sera de plus en plus privé; 3° pour ouvrir les abords des terres hautes de la Guyane, terres éminemment saines et fecondes, où, sous une température moins brûlante et moins humide que dans les alluvions ou terres basses qui en sont les parties habitées, ou pourrait former des établissemens pour les Européens, et servir le système de colonisation que les excédans de la population toujours croissante obligent à former avec maturité, quoique avec promptitude. »

Qui ne sait que la traite et le commerce des noirs servent admirablement la cupidité des Européens? Jamais on n'a contesté ce fait ; et dans les débats que cette grande question a fait naître, soit au parlement d'Angleterre en 1807, ou aux cortès d'Espagne en 1811, personne ne l'a révoqué en doute. Mais le moyen est si odieux, si opposé à tous les principes religieux et d'humanité, qu'il fallait bien en finir, et montrer qu'au moins les nations civilisées avaient en horreur ce commerce précéde et suivi de tant d'actes de

cruauté, qu'il n'y a que les hommes qu'une longue et coupable habitude y a accoutumés qui n'en soient point révoltés.

Il n'est pas au reste une seule objection à laquelle on n'ait répondu victorieusement ; et quand il serait vrai que l'Angleterre trouvât plus d'avantage qu'aucune autre nation à l'abolition de la traite, serait-ce une raison pour ne pas applaudir aux efforts que les hommes généreux de cette nation ont faits pour y parvenir? Heureux si la basse avidité des colons et de leurs facteurs ne fût pas parvenue, si non à en détruire, du moins à en affaiblir les effets par la contrebande et le commerce clandestin qu'on fait encore des nègres, même jusque dans les colonies britanniques !

Mais le zèle de la société établie à Londres et les soins du gouvernement font espérer qu'on obtiendra enfin l'exécution de la loi des nations à cet égard, et des engagemens pris pour la faire respecter.

L'on doit cette justice aux monarques de nos jours, d'avoir enfin tenu compte dans leurs derniers traités des droits de l'humanité, jusqu'alors relégués parmi les théories qu'on appelait dédaigneusement philosophiques. Il n'est pas étranger à notre sujet de faire connaître les actes qui sont émanés de leurs conseils à cet égard; la persévérance des amis de la liberté ne s'est point démentie, et a été couronnée d'un succès aussi désirable qu'inattendu. La déclaration des ministres

assemblés au congrès de Vienne (8 février 1814) en est un des plus éclatans, et doit trouver place ici.

Les plénipotentiaires des puissances qui ont signé le traité de Paris du 30 mai 1814, réunis en conférence, ayant pris en considération que le commerce connu sous le nom de traite des nègres d'Afrique a été envisagé par les hommes justes et éclairés de tous les temps comme répugnant aux principes d'humanité et de morale universelle ;

Que les circonstances particulières auxquelles ce commerce a dû sa naissance, et la difficulté d'en interrompre brusquement le cours, ont pu couvrir jusqu'à un certain point ce qu'il y avait d'odieux dans sa conservation, mais qu'enfin la voix publique s'est élevée dans tous les pays civilisés pour demander qu'il soit supprimé le plus tôt possible;

« Que, depuis que le caractère et les détails de ce commerce ont été mieux connus, et les maux de toutes espèces qui l'accompagnent complètement dévoilés, plusieurs des gouvernemens européens ont pris en effet la résolution de le faire cesser,, et que successivement toutes les puissances possédant des colonies dans les différentes parties du monde ont reconnu, soit par des actes législatifs, soit par des traités et autres engagemens formels, l'obligation et la nécessité de l'abolir;

Que, par un article séparé du dernier traité de

Paris (30 mai 1814), la Grande-Bretagne et la France se sont engagées à réunir leurs efforts au congrès de Vienne pour faire prononcer par toutes les puissances de la chrétienté l'abolition universelle et définitive de la traite des nègres ;

Que les plénipotentiaires réunis dans le congrès ne sauraient mieux honorer leur mission, remplir leurs devoirs et manifester les principes qui guident leurs augustes souverains, qu'en travaillant à réaliser cet engagement, en proclamant au nom de leurs souverains le vœu de mettre un terme à un fléau qui a si long-temps désolé l'Afrique, dégradé l'Europe, et affligé l'humanité:

<< Lesdits plénipotentiaires sont convenus d'ouvrir leurs délibérations sur les moyens d'accomplir un objet aussi salutaire par une déclaration solennelle des principes qui les ont dirigés dans ce travail.

«En conséquence et dûment autorisés à cet acte par l'adhésion unanime de leurs cours respectives, au principe énoncé dans ledit article du traité de Paris, ils déclarent à la face de l'Europe que, regardant l'abolition universelle de la traite des nègres comme une mesure particulièrement digne de leur attention, conforme à l'esprit

Voici cet article du traité du 30 mai 1814:

Sa majesté très-chrétienne, partageant sans réserve tous les sentimens de sa majesté britannique relativement à un genre de commerce que repoussent et les principes de la justice naturelle et les lumières du temps où nous vivons, s'engage à réunir au futur congrès tous ses efforts à ceux de sa majesté britannique pour faire prononcer par

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