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sent que trop, malgré le zèle des sociétés anglaises et la surveillance des escadres destinées à réprimer les infracteurs. L'esprit de parti s'est emparé de ce point important de la police des peuples; les hommes dévoués au pouvoir absolu, et partisans des principes serviles, sont encore les apologistes de la traite; les sophismes qu'ils emploient, trouvant de l'appui dans le système de propriété qu'ils attribuent aux possesseurs des colonies sur les hommes, jettent de l'incertitude et du doute sur les maximes de la justice, bases de la civilisation; la cupidité vient avec sa logique intéressée ajouter à leurs argumens, et entraver les mesures dictées par la sagesse, par l'esprit de liberté, et par la haute décision des monarques.

Mais, quelle que soit pour le moment l'imparfaite exécution des lois d'abolition de la traite, la révolution en est commencée; ce grand changement dans la législation des colonies doit en amener dans leur régime, et en modifier le système. C'était donc une obligation pour nous d'exposer ces détails; ils servent en quelque sorte d'introduction à ceux où nous allons entrer. En les rapportant ici, nous en avons profité pour donner une notion de la législation politique sur ce sujet important, parce que, voulant instruire et diriger, nous n'avons pas.cru devoir omettre d'aussi utiles documens pour ceux qui se livrent aux spéculations du commerce ou aux entreprises coloniales. Cette marche, nous le répétons, trop négligée

peut-être par ceux des écrivains qui ont embrassé le même sujet que nous, méritait que nous en fissions la règle de notre conduite dans ce travail.

Peut-être aussi aurions - nous dû rappeler ici quelques-uns des autres événemens qui ont influé sur le sort des colonies et de leurs relations avec les métropoles; alors nous aurions passé en revue les efforts des peuples pour secouer le joug pesant du despotisme; les succès des uns, les revers des autres; l'Amérique du nord triomphante et marchant à la prospérité la plus soutenue ; celle du midi développant toute l'ardeur qu'inspire l'amour de l'indépendance, mais encore incertaine du succès de ses efforts. Nous aurions parlé aussi de cette idée chevaleresque et généreuse d'attaquer les barbaresques dans leurs repaires, et de joindre ainsi à l'abolition du commerce des noirs celle du commerce des blancs, plus honteuse que la première, parce qu'elle suppose, dans ceux qui la permettent, lâcheté, bassesse, ou servile cupidité. Mais cette noble entreprise a été abandonnée. Les partisans de la vieille diplomatie, les ennemis de la France, sont parvenus à la faire tomber en oubli après en avoir fait un objet de dérision. Les monarques, si souvent absolus quand il s'agit des peuples soumis à leur sceptre, ont fléchi devant la grossièreté des régences barbaresques. Ainsi nous n'aurons point à entretenir nos lecteurs de l'influence qu'une aussi grande et aussi

salutaire détermination aurait eue sur le sort du commerce colonial et sur celui de nos établissemens en Afrique.

Mais l'événement qui a le plus changé l'ordre et la hiérarchie qui y régnaient, est la révolution dont le continent a été agité et l'est encore au moment où nous traçons ces lignes. Les élémens de la société politique et tous les intérêts légitimes ou tyranniques y ont été attaqués, détruits ou changés, et les principes législatifs établis sur de nouvelles bases. Partout une lutte inégale s'est établie entre le peuple et les maîtres du territoire, sans qu'on puisse décider encore de quel côté restera la victoire, et si la liberté que chaque parti invoque ne finira pas par disparaître entièrement sous le chaos des lois constitutionnelles dont on semble vouloir l'étayer. Mais, quel que soit le résultat de ces agitations continentales, les possessions indiennes doivent en ressentir les effets, et il est dans l'objet de cet ouvrage de les indiquer.

Le premier est le changement de domination qu'ont subi un assez grand nombre d'entre elles.

La guerre avait depuis vingt ans laissé leur sort dans un état incertain; le traité du 30 mai 1814 en a fixé la destinée. Plusieurs des colonies conquises par l'étranger ont été rendues à leurs anciens maîtres, d'autres sont restées dans les mains. de leurs détenteurs, et l'Angleterre a surtout profité de cette circonstance pour accroître ses do

maines et fortifier sa domination dans les deux Indes.

Si nous voulions suivre, dans le tableau que nous traçons, l'ordre que présentent l'importance et l'étendue des colonies de chacun des états européens, nous aurions à commencer par l'Angleterre. Ses nombreux domaines dans l'Inde, et le commerce immense qu'elle fait sur le globe, seraient des motifs décisifs pour la placer en tête des autres. Mais nous avons promis de nous conformer à l'ordre suivi par notre savant prédécesseur, et cet ordre nous indique une marche diffé

rente.

Celle qu'il a adoptée se rattache à la succession des découvertes, qu'il suit pour ainsi dire à travers les temps et les événemens : nous nous y conformons donc, en commençant par le Portugal.

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COLONIES PORTUGAISES.

LE Portugal n'était plus depuis long-temps ce qu'on l'avait vu à l'époque où Vasco de Gama doubla ce cap si redouté, nommé depuis Cap de Bonne-Espérance. La domination anglaise, le défaut d'esprit public, la superstition et le despotisme y avaient engourdi les âmes. Contens de suivre la route qui leur avait été tracée, les Portugais ne figuraient plus dans les annales du monde qu'au rang des peuples façonnés aux chaînes de la servitude, et soumis aux intérêts de l'Angleterre.

Des événemens inattendus sont venus les en tirer. Le plus considérable est sans contredit le transfèrement de la cour au Brésil: attachons-nous à en connaître les causes; elles tiennent essentiellement au sujet qui nous occupe.

Un homme puissant, hardi, perspicace, est sorti du sein de la révolution française; tous les genres de gloire et de succès entouraient et consolidaient sa puissance; de vastes projets, d'immenses combinaisons étendaient ses vues sur le globe entier : il eût voulu le partager avec le seul peuple chez qui le génie des grandes choses s'allie avec les combinaisons d'une politique intéressée. Il se trompa. Les excès des premiers hommes de la révolution furent pour le cabinet de Londres

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