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LE BUDGET

DU

ROYAUME DE LA HAUTE-ITALIE

1. Bilancio preventivo delle Entrate e delle Spese dell' Esercizio 1860 per le antiche provincie del Regno. Bilancio preventivo delle Entrate e delle Spese dell' Esercizio 1860 per la Lombardia, Torino, Stamperia Reale. - II. Bilancio di previsione della Finanza toscana dell'anno 1860, Firenze, Tipografia Reale. III. Il Bilancio dell' Emilia, di Gioachino Pepoli, Torino, Favale e Cia, 1860.

Dans une des séances consacrées par le parlement de Turin à la discussion du traité avec la France pour la cession de Nice et de la Savoie, un orateur, M. Carutti, prononçait avec émotion des paroles qui méritent d'être rappelées : « Le vieux Piémont n'est plus. Nous sommes arrivés aux derniers jours de son existence de huit siècles. Finis Pedemontis! » L'honorable député ajoutait : « Mais je sécherai mes larmes, si des cendres de mon ancienne patrie renaît l'Italie forte, l'Italie libre, l'Italie notre mère à tous. » Avec la Savoie en effet, berceau de la monarchie, avec le comté de Nice, asile hospitalier ouvert à toutes les aristocraties en même temps qu'à toutes les émigrations européennes, le Piémont semble avoir perdu un de ses traits distinctifs. Les accroissemens qu'il a reçus l'ont moins agrandi que la séparation de ces deux provinces ne l'a métamorphosé. Le Piémont n'est donc plus, et l'Italie n'est pas encore, telle du moins que la saluaient de leurs vœux M. Carutti et ses collègues. Quelle dénomination recevra le nouvel état formé de l'ancien Piémont, du Milanais, de la Toscane, de Parme, de Modène et de la

Romagne? La diplomatie est encore muette à ce sujet, et plus d'une grave question se cache sous les réserves qu'elle garde. Qu'il nous soit permis de devancer les cabinets européens dans la solution de cette difficulté grammaticale, et d'étudier sous une de ses faces spéciales, c'est-à-dire dans sa situation financière, le royaume de la Haute-Italie!

Dans l'état provisoire où se présentent les provinces unies sous l'autorité du roi Victor-Emmanuel, il semble que la question de l'indépendance domine et résume toutes les autres. Pour la plupart du moins, l'indépendance complète, l'affranchissement du joug étranger, des Alpes jusqu'à l'Adriatique, voilà ce qu'il faut obtenir d'abord et à tout prix. L'autonomie de la Toscane, le trône des Bourbons de Naples, la couronne temporelle du pape, les traditions municipales, l'esprit monarchique, les bases sur lesquelles repose l'église universelle, tout semble oublié, méconnu, sacrifié même à cette soif ardente de réhabilitation nationale qui pousse l'Italie à s'agréger et à se montrer unie aux yeux de l'Europe, mal édifiée encore sur l'issue de l'entreprise. En face de telles perspectives, de simples rapprochemens de chiffres courent sans doute le risque d'offrir un intérêt bien secondaire; la modeste étude d'un budget peut n'éveiller qu'une curiosité aisément distraite. Il y a plus; ne s'expose-t-on point, en faisant ressortir les charges que la guerre de l'indépendance impose aux populations italiennes, à fournir matière à de vils calculs et à faire estimer le prix comme inférieur aux sacrifices qu'il réclame? Telle n'est point assurément notre pensée; tel ne sera pas, nous l'espérons, le résultat de cet exposé. Il y a toujours une leçon morale à tirer du bilan des recettes et des dépenses de chaque gouvernement, et l'économie est bonne à recommander même dans les entreprises les plus glorieuses ou les plus fécondes. En second lieu, puisque la victoire appartient en définitive plus encore aux gros budgets qu'aux gros bataillons, on peut, dans la prévision d'une lutte prochaine, déterminer de quel côté penchera la balance en comparant les ressources financières des deux pays engagés dans le débat. Déjà la situation intérieure de l'Autriche a été l'objet dans la Revue d'une impartiale analyse (1); n'est-il point à propos de devancer les complications ultérieures, complications peut-être inévitables, et d'exposer aujourd'hui l'état financier du royaume de la Haute-Italie?

En 1857, une étude où l'on se proposait de mettre en regard des visées ambitieuses de la politique piémontaise les ressources financières du pays se terminait par ces considérations (2) : « Par com(1) Voyez la Revue du 1er mars 1860.

(2) Voyez la Revue du 15 octobre 1857, le Piémont, ses Finances, ses Chemins de fer.

bien d'années d'économie, de scrupuleuse attention à conserver l'équilibre des finances qu'il avait faites si prospères, Charles-Albert ne s'est-il pas préparé à jouer le rôle que les traditions de sa maison et la généreuse ambition de son peuple n'ont cessé de tracer au souverain de la Sardaigne par rapport à l'Italie! Pour être en mesure de reprendre utilement une pareille tâche, dix ans ininterrompus d'une administration ménagère et pacifique ne seraient pas de trop. » Ces conclusions se trouvaient motivées par l'énumération de toutes les charges que les événemens de 1848 et la guerre avec l'Autriche avaient imposées aux peuples de la Sardaigne. De 1848 à 1857, la dette publique s'était élevée de moins de 6 millions de rentes à plus de 41 millions. Les dépenses de l'état avaient crû chaque année dans des proportions faites pour inspirer les plus justes appréhensions. En 1847, elles n'étaient encore que de 119 millions; dans le projet de budget de 1858, on les évaluait à 148. Malgré l'établissement de nouveaux impôts, tels que la contribution personnelle et mobilière, la taxe des patentes, l'impôt sur les bâtisses, les successions, même sur les voitures, en dépit aussi de l'augmentation des anciens impôts, le budget des recettes, qui de 97 millions s'était élevé à 143 en 1858, présentait sur tous les exercices un déficit considérable. On était assurément fondé, en présence d'une situation semblable, à recommander la prudence et l'économie; mais une ressource extraordinaire qu'il n'était pas possible de comprendre parmi celles dont le gouvernement piémontais devait disposer, l'alliance française, le secours de nos armes et de notre budget, a permis de suivre une autre politique et d'atteindre plus vite un but plus élevé. Il s'agit de reconnaître dès à présent ce que cette conduite généreuse est venue ajouter de charges à celles que l'on trouvait déjà lourdes à la date précitée.

Le déficit prévu pour 1858 s'élevait à 5 millions, 148 millions de dépenses contre 143 de recettes. Par suite des dépenses extraordi- · naires, il a été en définitive de 14 millions. En 1859, pour parer aux 33 millions de déficit laissés par les années précédentes et à celui de l'année courante, le parlement vota un emprunt de 40 millions. Dès le 5 février de cette même année, le ministère présenta aux chambres le budget de 1860. Les dépenses y étaient évaluées à 157 millions, dont 149 pour dépenses ordinaires, 8 pour dépenses extraordinaires, et le déficit prévu sur les recettes montait à 8 millions 1/2; encore n'avait-on fait figurer que pour mémoire dans le budget du ministère des finances la somme à payer pour le service de la rente et de l'amortissement d'un nouvel emprunt de 50 millions non encore négocié, mais accordé par le parlement en vue des éventualités menaçantes. Déjà les budgets spéciaux de chaque mi

nistère avaient été votés, à l'exception de ceux de la guerre et de la marine, lorsque la chambre dut laisser la parole aux événemens et confier ses pleins pouvoirs au roi. C'est en vertu des prescriptions de la loi du 25 avril 1859 que, le 29 novembre de la même année, a été réglé par le roi seul le budget de 1860, c'est-à-dire le premier budget du Piémont transformé. A cette date, le budget ne comprend encore que les recettes et dépenses des anciens états et celles de la Lombardie, et déjà il s'élève au total de 296 millions pour les dépenses (258 millions dépenses ordinaires, 38 millions dépenses extraordinaires), et au chiffre de 256 millions seulement pour les recettes, dont 249 millions en recettes ordinaires et 7 en recettes extraordinaires.

Dans cet ensemble, les anciennes provinces figurent pour 214 millions de dépenses ordinaires et 163 de recettes de même nature. La presque totalité des dépenses et des recettes extraordinaires, 36 millions contre 7, est inscrite dans le budget qui concerne le Piémont seul. Les dépenses de la Lombardie s'élèvent à 46 millions, et les recettes à 86. Il résulte de ce premier rapprochement que le budget lombard présente un boni de 40 millions, et le budget piémontais un déficit de 80; mais il faut se hâter d'observer que dans les dépenses de la Lombardie ne figurent que les dépenses provinciales proprement dites. Toutes les dépenses centrales, celles qui concernent l'armée, la marine, les affaires étrangères, etc., sont réservées au budget des anciennes provinces, tant pour les dépenses extraordinaires que pour les dépenses ordinaires elles-mêmes. Dans le service de la dette publique, la Lombardie ne figure ni pour l'indemnité de guerre à payer à la France, ni pour les emprunts contractés pour les besoins de l'armée et de la flotte. En définitive, la séparation de ces deux budgets offre seulement l'avantage de comparer, dans le chiffre des impôts, la situation faite aux habitans du Piémont et à ceux de la Lombardie, accablée de tant de charges par la domination étrangère, et d'apprécier les améliorations que réserve l'avenir à cette nouvelle province du Piémont.

Les dépenses ordinaires et extraordinaires du Piémont proprement dit, pour 1860, s'élèvent donc à 250 millions, soit à 93 millions de plus que dans le projet présenté aux chambres au mois de février. Le ministère des finances figure sur cette augmentation pour 27 millions, celui des travaux publics pour 14, les ministères de la guerre et de la marine pour le surplus. Le supplément des dépenses du ministère des finances se compose principalement de 24 millions de rentes 5 pour 100 créées par la loi du 21 juin 1859 pour l'emprunt de 50 millions, par celle du 11 octobre de la même année pour le prêt des 100 millions reçus de la France et payés en

à-compte à l'Autriche sur la partie de la dette lombarde reprise par le Piémont; il faut y joindre le remboursement de 60 millions de dépenses militaires fait à la France en vertu du traité de Zurich. En une année, la rente 5 pour 100 seule s'est élevée de 19 1/2 å 43 millions 1/2. L'augmentation des dépenses du ministère des travaux publics a pour cause l'application à l'état de quelques travaux laissés précédemment à la charge des communes, la réparation de dégâts occasionnés par la guerre, l'exploitation des chemins de fer et l'augmentation du matériel, le service du télégraphe et des postes en Lombardie. L'augmentation de 30 millions sur les dépenses du ministère de la guerre résulte de l'augmentation mème de l'armée et d'une attribution de 15 millions votée pour construire des fortifications sur la nouvelle frontière. En résumé, le budget de la guerre (74 millions) et celui de la marine (13 millions) comprennent un total de 87 millions sur un budget général de 250 millions. Assurément la proportion est forte; mais si l'on considère que cette somme représente tout ce qui concerne la défense, non-seulement des anciennes provinces, mais encore celle de la Lombardie, peut-être trouvera-t-on qu'elle s'accorde davantage avec les résultats obtenus et le but poursuivi. Le budget du ministère des finances atteint un chiffre bien plus élevé, 110 millions sur 250, soit 42 pour 100 sur l'ensemble des dépenses. La dette afférente aux anciennes provinces y figure pour 73 millions, sans compter la dette viagère et l'intérêt de la dette flottante. Il y a douze ans, elle ne s'élevait qu'à 6 millions; il y a trois ans, elle n'était encore que de 41. Ne nous arrêtons pas à ces rapprochemens, ils inspireraient peut-être des réflexions injustes sur les nécessités glorieuses, mais cruelles, qui ont frappé le présent et l'avenir de charges aussi lourdes.

Les recettes, on l'a vu, ont suivi une progression plus lente que les dépenses. De 1857 à 1860, elles se sont accrues de 135 à 163 millions. Malheureusement cette augmentation de plus d'un cinquième n'est point due aux progrès de la richesse publique. Sauf une plusvalue de 4 millions environ dans le produit des chemins de fer, qui provient de ce que l'état a pris à sa charge l'exploitation des lignes de Turin à Cuneo et Saluces, et d'Alexandrie à Stradella, et qui est compensée par une augmentation de dépenses correspondante, l'accroissement des recettes a pour unique cause l'imposition du dixième de guerre sur les gabelles, sur les contributions directes, l'enregistrement et les domaines. La surcharge pour 1860 est de près de 4 millions sur les douanes, sel, droits maritimes, etc., de 7 millions sur l'impôt foncier, de 2 millions sur la taxe personnelle et mobilière et celle des patentes, de 1 million sur les droits d'en

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