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cation s'est proposé de réaliser. Les élèves de l'école supérieure d'architecture de Madrid, qui font périodiquement des excursions dans les provinces sous la conduite de leurs professeurs, sont employés à dessiner les vues des monumens, et ces vues sont ensuite livrées à la gravure. L'un des graveurs, M. Martinez, est un artiste distingué, élève de M. Henriquel Dupont, et connu en Espagne par la reproduction de quelques-uns des plus beaux tableaux de Murillo. Ce n'est pas tout: afin qu'un travail de cette importance soit plus accessible, le texte, qui sort des ateliers de l'imprimerie royale, est rédigé à la fois en français et en espagnol. Ainsi une subvention de l'état, le zèle éclairé d'une commission, le concours des élèves de l'école d'architecture, de graveurs et d'écrivains habiles, ce sont là les moyens pratiques d'exécution d'une œuvre faite pour rivaliser avec les plus remarquables publications du même ordre. Les deux premières livraisons, qui ont vu le jour, reproduisent quelques-uns des monumens de Tolède, la Puerta del Vino de Grenade, et donnent l'idée du luxe de ce grand travail, des soins intelligens avec lesquels il s'accomplit.

Ce sera, si l'on me passe ce terme, un grand voyage à travers l'Espagne monumentale du passé. Et que de richesses doit révéler une œuvre ainsi conçue! On peut, à vrai dire, voyager de toutes façons et même avec fruit en Espagne, sans appeler à son aide le luxe du dessin et de la gravure. M. Antoine de Latour par exemple ne cherche nullement à rivaliser avec le beau livre des Monumentos arquitectonicos de España; mais ces monumens, il les décrit avec intelligence, avec amour, dirai-je, dans ce nouveau récit de ses excursions qu'il appelle Tolède et les Bords du Tage. M. de Latour est un de ces voyageurs que la fortune des révolutions jette dans un pays, qui s'y fixent volontairement, et qui paient leur bienvenue en sympathie studieuse et éclairée. Il n'en est point à son premier récit sur l'Espagne, et il emploie le meilleur système, qui est de ne pas tout mêler, d'éviter de faire tourbillonner les impressions en laissant à chaque contrée une place distincte dans les descriptions. Le livre de Tolède et les Bords du Tage est la suite des premières études de l'auteur sur l'Andalousie, sur Séville et Cadix, et rien ne diffère plus de Séville ou de Cadix véritablement que Tolède, la cité impériale, aujourd'hui solitaire et endormie sur ses sept collines. Lorsqu'on s'engage dans les rues désertes et silencieuses de la vieille ville, il semble qu'on entre dans une nécropole; on se sent bientôt vivre dans l'atmosphère des souvenirs, on voit en quelque sorte tous les grands débris romains, goths ou arabes; on heurte la porte murée de la maison des Toledo, ou l'on se trouve en face de quelque ancienne mosquée convertie en église. M. de Latour est un de ces voyageurs qui racontent d'une façon instructive ce qu'ils voient; il recueille les souvenirs et les traditions, la légende et l'histoire. Ce qu'il a fait pour Séville et Cadix, il le fait pour Tolède. Le Tage a en lui son historien comme le Guadalquivir, et, chemin faisant, l'auteur mêle la biographie littéraire à la description ou à l'histoire, évoquant la mémoire de Garcilasso de la Vega et de Moratin. Tolède dormait jusqu'ici; sera-t-elle réveillée aujourd'hui par le bruit du chemin de fer qui conduit de Madrid au pied de ses collines? Le chemin de fer s'arrête maintenant à Tolède: il jette les voyageurs étonnés devant le pont d'Alcantara; mais il doit aller plus loin, et alors qui sait si, comme semble le craindre M. de La

tour, la vieille cité impériale, la ville des grands archevêques et des conciles, ne reprendra pas son attitude de statue du passé contemplant dans son immobilité le mouvement de la vie moderne tournoyant à ses pieds?

CH. DE MAZADE.

Histoire des Assemblées politiques des Réformés de France (1573-1622), par M. ANQUEZ.

Chaque temps a ses lieux-communs, développés d'abord avec acharnement, puis brusquement remplacés par d'autres, aussi fêtés, et souvent tout contraires. On peut dire de nous tous collectivement ce que M. Ballanche disait d'un de nos contemporains, très vif dans chacune des opinions qu'il a successivement traversées : « C'est un homme qui change souvent d'idée fixe. » Une des idées fixes de notre temps, mais dont quelques heureux symptômes semblent annoncer le discrédit prochain, c'est d'affirmer que la France n'est pas faite pour la liberté, attendu qu'avant 1789 elle n'en a jamais joui, ni même n'a essayé d'en jouir. Bien des gens se laissent patiemment démontrer ce paradoxe; leur patriotisme, trop modeste, ne s'en effarouche nullement, et c'est avec une résignation parfaite qu'ils se jugent indignes de ce qui fait la dignité des individus comme celle des nations. Il est aisé pourtant de dissiper cette erreur, et c'est ce qu'on a fait, l'histoire à la main. On n'a pas eu de peine à montrer successivement dans l'institution des communes, dans les tentatives du XIVe siècle et du xvie, de nobles efforts, trop vite étouffés, mais qui ont laissé des traces et des exemples, qui ont eu même un moment de succès. C'est une réponse de ce genre que vient de publier M. Anquez sous ce titre : Histoire des Assemblées politiques des réformés de France.

Dans ce solide et intéressant travail, l'auteur embrasse l'histoire des assemblées politiques des protestans pendant une cinquantaine d'années, c'està-dire depuis la Saint-Barthélemy jusqu'à la suppression de ces assemblées en 1622. Sans doute, avant et après ces deux dates, les protestans se sont réunis pour s'entendre sur leurs intérêts communs et pour résister aux persécutions; mais c'est pendant cette période seulement que leurs assemblées ont eu une portée générale et présenté un remarquable caractère politique. En effet leur organisation est franchement libérale: ce point est à noter; on a dit et répété que le protestantisme avait été aristocratique; la forme de ces assemblées est un démenti formel à cette assertion toute gratuite. Elles ont un double caractère qui manque aux états-généraux, la périodicité d'abord, et surtout la fusion des trois ordres. Les délégués qui y siégent sont pris «parmi les plus propres et capables de quelque qualité qu'ils soient. »> Tout ce qui intéresse la cause est décidé à la simple majorité des suffrages. C'était un essai de gouvernement représentatif. Sans doute, et le savant historien le remarque avec raison, il n'y faut pas voir une tentative d'organisation politique que les protestans eussent la volonté formelle d'étendre à tout le royaume. Cette espérance était évidemment celle de quelques-uns d'entre eux; si l'on en croit Vieilleville, la conspiration d'Amboise n'avait pas d'autre but: on trouva sur le chef du complot, le capitaine La Renaudie, « un papier dont le premier article portait que le but des huguenots était de faire observer les anciennes coutumes de France par une légitime assemblée des

états.» Les écrits d'Hotman et d'Hubert Languet indiquent les mêmes tendances. Néanmoins pour la majorité des assemblées, il est évident que leur organisation politique était toute de circonstance, bornée à leur parti, et quoi qu'on ait pu dire, nécessitée par les événemens. C'était, dit-on, établir un état dans l'état; c'était rompre l'unité française, cette précieuse unité, idolâtrie permanente de nos politiques, et à laquelle on a sacrifié tant d'idées justes et généreuses, sans parler du sang versé. Si cette constitution politique d'un parti était un mal, à qui la faute après tout? La Saint-Barthélemy, toute récente, excusait un peu ces précautions des protestans, et on ne voit pas qu'ils eussent d'autre moyen de prévenir le retour possible d'une pareille journée.

Cette histoire, écrite avec une impartialité sévère, une science calme et étrangère à toute préoccupation systématique, contient plus d'une leçon dont nous pourrions encore profiter. Le Journal de Daniel Chamier, publié par M. Charles Read, est un service rendu à la même cause. Chamier a été activement mêlé aux événemens dont M. Anquez a fait l'histoire générale : sa biographie et son journal nous montrent tout le détail des misères dont l'énergique conviction des protestans dut triompher. Le journal de Chamier est le récit écrit par lui-même et pour lui seul d'un voyage qu'il fit à Paris, afin d'obtenir d'Henri IV de nouvelles garanties pour les églises réformées. Le Béarnais s'y montre tantôt menaçant, tantôt câlin, mais jamais net. Sa réputation classique de franchise était depuis longtemps fort entamée par les publications diverses qu'on a faites autour de son nom. Peut-être trouvait-il, dans les événemens de ce temps et dans les passions irritées et exclusives qui l'entouraient, une excuse pour ces habiletés si compliquées; mais il faut avouer qu'on nous avait fait de lui un tout autre portrait. Quant. à Chamier, on l'y voit tout à la fois ferme et modéré, habile et loyal, scrupuleux dans les petites choses comme dans les grandes, et notant avec soin ses dépenses pour la couchée et la disnée, au milieu des préoccupations si graves dont il était chargé et dont il porta dignement le poids. C'était un bon homme et un héros, car il mourut sur la brèche, au siége de Montauban, d'un boulet reçu en pleine poitrine. Avant la publication de ces documens, recueillis par le savant éditeur avec une piété consciencieuse, M. Prévost-Paradol, ici même, l'annonçait comme un véritable service rendu à l'histoire. Cette publication est quelque chose de plus peut-être, et la morale aussi peut y gagner; il y a dans une telle vie, si simple et si forte, des enseignemens dont les plus humbles existences peuvent et doivent faire leur profit. On ne saurait trop encourager ces utiles études : elles nous font pénétrer plus avant dans l'histoire du xvre siècle, si riche en vertus énergiques et en généreuses tentatives, le vrai grand siècle celui-là, et qui recevra ce nom de l'histoire, quand on saura préférer les époques viriles aux époques simplement brillantes, et estimer à leur juste valeur les grandes actions unies aux grandes pensées.

EUGÈNE DESPOIS.

V. DE MARS.

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