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grâce, qu'une concession provisoire: il humilie et menace beaucoup plus qu'il ne garantit. La liberté des consciences serait au contraire une condition générale, honorable, irrévocable, de l'association politique. Mais au mot près, qu'on puisse en effet professer sans entraves et sans périls tout genre d'opinion religieuse ou non religieuse, cette justice a été jusqu'à présent si rare, qu'il sera permis de la considérer comme un bienfait.

NOTA. Notre prochain volume contiendra la suite de ces considérations; savoir:

S VI. Des gouvernemens qui donnent réellement des garanties individuelles.

§ VII. Des gouvernemens qui refusent expressément les garanties individuelles.

§ VIII. Des gouvernemens sous lesquels les garan ties individuelles, quoique déclarées, demeurent fictives, étant sans cesse annulées ou restreintes par luis d'exception ou de circonstances.

des

SIX. Comment les garanties individuelles peuvent s'établir dans un pays où elles ne l'ont jamais été.

Conclusion.

DES ÉLECTIONS PROCHAINES

EN FRANCE.

Lettre à un Électeur.

Vous nous demandez quels sont ceux d'entre vos concitoyens que vous devez appeler à notre prochaine législature, quelles sont les qualités que vous devez exiger d'eux : devezvous faire porter votre choix sur des hommes connus dans les sciences? devez-vous prendre des orateurs qui puissent vous protéger, et qui soient capables de réfuter les sophismes qu'on invoque toujours à l'appui des mauvaises mesures? Vous convient-il, au contraire, de chercher vos représentans parmi des agriculteurs, des manufacturiers, des commerçans ou des banquiers considérables, parmi des hommes auxquels leur fortune donne une grande importance personnelle?

Ces questions, dont la solution peut paraître facile aux esprits qui se dirigent par quelques principes généraux qu'ils se sont faits, et qui ne tiennent aucun compte des besoins du moment, offrent de grandes difficultés, et il est

plus aisé de présenter des considérations générales les résoudre dans chaque cas par

pour

ticulier, que d'en donner soi-même une bonne solution.

La première chose dont vous devez vous pénétrer, c'est qu'il vous est impossible de vous faire une idée juste des qualités qui sont nécessaires à vos représentans, si vous ne commencez par vous faire une idée des travaux auxquels fls seront appelés à concourir pendant les cinq années que durera leur mission. Vos députés, vous le savez, ne doivent pas prononcer sur les actes administratifs de telle commune, de tel canton ou de tel département en particulier; ils doivent prononcer sur des actes d'administration générale, c'est-à-dire sur la législation de la France; et, pour qu'ils puissent prononcer sur sa législation, il faut qu'ils connaissent ses besoins. Un homme qui n'aurait que des vues particulières sur les besoins de son département pourrait être un bon préfet ou un excellent solliciteur; mais il ne pourrait agir qu'individuellement, et par conséquent il ne serait bon à rien en sa qualité de député.

Vous direz peut-être qu'il est absurde d'exiger d'un électeur qu'il se fasse une idée des besoins généraux d'une nation, et qu'il connaisse

et

les qualités nécessaires à un législateur, dans un pays où on le considère comme incapable de se faire une idée des besoins de sa commune, et de connaître les qualités nécessaires à un officier municipal. Nous n'avons pas à examiner si c'est là une contradiction; si c'en est une, soyez convaincu qu'elle cessera bientôt qu'on finira par reconnaître ou que vous devez nommer vos administrateurs particuliers, ou que les préfets et les ministres doivent nommer vos députés. Peut-être est-il déjà quelques individus qui ont reconnu au moins tacitement que ces deux sortes d'élections devaient être faites par les mêmes les mêmes personnes.

Le droit d'élire des députés ne pouvant pas, à notre avis, être séparé du droit d'élire des administrateurs municipaux, puisque ce dernier droit est une garantie essentielle à l'exercice du premier, ce que vous devez chercher avant tout, c'est que la chambre des députés ait d'abord la volonté de demander le rétablissement des administrations communales ou départementales, et, en second lieu, la capacité nécessaire pour apprécier l'organisation qui en sera sans doute proposée par le gouvernement.

Des administrations locales, composées de membres à la nomination des citoyens, sont

nécessaires en outre pour rendre aux provinces leur existence politique : aujourd'hui il n'en est aucune qui soit quelque chose par elle-même ; il n'en est aucune qui puisse prendre la moindre résolution sur ses intérêts particuliers, ou simplement former une demande ou exprimer un vœu : toutes ses volontés lui viennent de Paris. Quand les Romains eurent conquis les Gaules et qu'ils se furent mis à les exploiter à leur profit, ils laissèrent au moins aux villes l'élection de leurs administrateurs ; il est cruel de penser que, dans un siècle de lumières, nous n'avons pas pu conserver des institutions dont nos ancêtres jouissaient dans des temps à demi barbares et sous la domination des empereurs romains. Ce n'est pas seulement pour rendre aux provinces leur existence et pour empêcher que toute la France ne soit concentrée dans Paris, que le rétablissement des administrations municipales et départementales est nécessaire ; c'est pour que la stabilité puisse enfin se trouver quelque part, et que la France entière ne soit pas l'éternel jouet des factieux, des oppresseurs ou des intrigans. Nous paraissons aujourd'hui fort éloignés des horreurs de 1793, de l'oppression violente du gouvernement impérial, ou des persécutions et des fureurs de 1815. Nous

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