Page images
PDF
EPUB

core un peuple? Une multitude composée des débris d'une vieille nation qu'on reconnaît à certains signes avoir existé autrefois, et qui, par un acte de suicide sans exemple, s'est efforcée de se tuer elle-même et de s'abolir : voilà au juste ce que c'est aujourd'hui que le peuple français. » (P. 4 et 5).

La destruction de la vieille France, c'est-àdire, des anciennes institutions, des anciennes coutumes, enfin de tout ce qui a été détruit par la révolution, est, au jugement de l'auteur, une des catastrophes les plus déplorables. « Ah! s'écrie-t-il avec douleur, si, en 1789, l'assemblée qu'on appelle Constituante,se fût contentée de mettre le feu à la ville de Paris, et de proche en proche à Saint-Denis, à Versailles, à Lyon, à Rouen, à Toulouse, la France pouvait survivre à cette rage insensée..... Quelque perte qu'il éprouve, un pays qui a conservé ses anciennes mœurs, ses anciennes institutions, ses anciennes lois, est, par cela même, plein de vie.... Mais un pays qui a abattu tout son ancien édifice social, un pays renégat de ses anciennes institutions et de ses anciennes lois ; un pays qui a perdu tout son moral, en conservant seulement son matériel; un tel pays a beau figurer parmi les peuples, il n'est pas

moins détruit à mes yeux que la fameuse Thèbes aux cent portes, dont les ruines frappèrent de stupeur notre armée dans les déserts de l'Égypte.» (page 3 et 4).

La révolution opérée par l'assemblée constituante ayant été pour la France une catastrophe plus terrible que ne le fùt jadis l'invasion des peuples barbares, il n'est aucun sacrifice qu'on ne doive faire pour détruire le peu qui nous reste de l'ouvrage de cette assemblée célèbre, et pour rétablir cette vieille France, dont la perte est si amèrement déplorée par tous nos loyaux gentilshommes. Il faut à tout prix rétablir les anciennes lois, les anciennes mœurs : il le faut, quand même cela exigerait que toutes nos villes fussent réduites en cendres. Ce rétablissement, plus précieux que toutes les richesses du monde et que l'existence de plusieurs millions de citoyens, est commandé par l'intérêt de l'Europe, par l'intérêt de la légitimité, par les droits et par les intérêts des gentilshommes auxquels se rattache le sort du genre humain, et même par l'intérêt de ceux qui n'appartiennent pas à la caste nobiliaire.

M. de Montlosier croit en effet que les principes de la révolution se sont répandus dans toute l'Europe, et qu'ils finiront, si l'on n'y

met ordre, par y généraliser les bouleversemens et les catastrophes de la France. «< On assure, dit-il, que nous ne sommes pas loin de ce dénoûment. De toutes parts les colléges, les universités, les académies, sont en marche contre les anciennes institutions, c'est-à-dire, pour parler un peu plus clairement, contre les anciens droits et les anciennes propriétés; et, pour parler encore plus clairement, contre toutes les anciennes inégalités. »

Ailleurs, M. de Montlosier observe qu'à mesure que les événemens s'éloignent, une partie de la nation se relève et la révolution avec elle. Il assure que, si ce mouvement est abandonné à lui-même, elle se relèvera de plus en plus, jusqu'à ce qu'elle se soit replacée au niveau de 1793. « Le mouvement que je signale ici, ajoute-t-il, n'est pas seulement propre à la France, c'est celui de toute l'Europe. Selon la conduite du gouvernement, la France préservera l'Europe de cet abîme, ou bien elle l'y entraînera. »

La légitimité se trouve également intéressée au rétablissement de l'ancienne France et de l'ancien peuple français. M. de Montlosier pense que le char légitime de Louis XVIII ne saurait marcher sur un essieu tout révolution

naire; et que l'ancien peuple, c'est-à-dire, le peuple des gentilshommes, est seul attaché au maintien de la légitimité. Il conjure, en conséquence, les puissans d'aujourd'hui de ne pas laisser le trône dans la position où il se trouve. « Si nous avions un roi nouveau, dit-il, il serait convenable de reprendre beaucoup de choses de la France ancienne. Avec un roi ancien c'est indispensable.

[ocr errors]

Enfin, le peuple nouveau est lui-même inté ressé à relever le peuple ancien ou la noblesse. «En la relevant aujourd'hui pour vous, dit M. de Montlosier, vous êtes sûr qu'un jour elle ne se relèvera pas pour elle. En la relevant par votre force, vous préviendrez les suites d'un triomphe qui s'opérerait par la sienne. » Il faut donc que le peuple français, pour prévenir ce qui lui arriverait si la noblessé se rétablissait par elle-même, so hâte de lui donner lui-même l'existence. C'est ainsi qu'on prévient en effet les ravages de la petite vérole; pour se garantir du mal, il faut sé l'inoculer.alons

Le rétablissement de l'ancienne France et de l'ancien peuple étant jugé nécessaire, il faut examiner en quoi ce rétablissement consiste; nous verrons ensuite par quels moyens on peut l'opérer. Mais comme la France nouvelle pour

rait ne pas accepter gracieusement le destin qu'on veut lui faire, il est nécessaire de prendre d'abord ses précautions. « Quand un cheval vigoureux vient à s'abattre et à s'engager dans les traits, dit M. de Montlosier, que faitesvous? vous le contenez d'abord vigoureusement; sans cela il brise tout. La nation française a été de même abattue par la révolution. Depuis vingt-cinq ans, elle se démène avec violence, et ne peut parvenir à aucune situation fixe. S'emparer d'abord de ses mouvemens pour avoir le temps de la dégager, la remettre ensuite dans sa véritable place: voilà ce qu'il faut effectuer. »olanteq

Lorsque la France aura été liée et garrotée, et qu'on se sera ainsi rendu maître de ses mouvemens, il faudra la conduire sans détours au but qu'on se propose, et la remettre dans sa véritable place. Car ce qui exciterait le plus la méfiance, ce serait, dit l'auteur, un retour simulé, et néanmoins progressif, vers les choses anciennes, de manière que l'ensemble de la nation ne pût savoir avec précision, ni où on va, ni où on s'arrêtera. Une marche franche qui marque l'intention et le but n'inspirera aucunes alarmes au contraire, elle des dissipera.

M. de Montlosier pense donc qu'il faut en

« PreviousContinue »