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trouve dans mon lit, accablé d'un si funeste rêve, et tout surpris de voir qu'il est grand jour. Au même instant mon valet de chambre m'apporte le Modérateur et le Journal des Maires qu'on me fait l'honneur de m'envoyer gratis je lis les pacifiques écrits, et je reste convaincu que nous vivons sous l'administration la plus paternelle, dans le meilleur des mondes possibles, et que nous avons toutes les garanties qu'un homme sage peut désirer.

Si nous vivions du temps des Séjan, je me serais bien gardé de vous raconter un rêve où se trouvent réunies tant d'inepties et tant d'iniquités, tant d'extravagances et tant d'horreurs je me serais rappelé que, sous ce fameux ministre, une malheureuse femme, pour 'avoir rêvé et pour avoir eu l'imprudence de raconter son rêve, avait été mise en jugement, et condamnée à mort par le tribunal correctionnel de Rome. Mais nous vivons sous une police libérale, sous une justice qui ne l'est pas moins ; et, si tant de garanties ne suffisaient pas pour me rassurer, je lirais les pamphlets ministériels, et je dormirais tranquille.

Je suis, etc.

CREDIBILIS.

PENSÉES SUR LES ÉLECTIONS.

que

ON a quelquefois, essayé de prouver à des électeurs que, par honneur et par intérêt, ils ne devaient donner leurs voix qu'à des candidats de leur département. Cette opinion peut être appuyée sur de bonnes raisons; elle peut l'être aussi sur de fort mauvaises. Ce qui est important pour des électeurs, ce n'est pas leurs députés soient nés dans tel ou tel lieu, c'est que leurs intérêts soient convenablement défendus. Quand le sang des protestans coulait à Nîmes, un député qui n'était pas du département du Gard, et que les électeurs de ce département n'avaient pas nommé, a seul osé prendre la parole pour les opprimés; mais quelle a été, dans cette circonstance, la conduite des députés de ce pays? leur a-t-il șussi d'être du département pour s'intéresser à la cause des opprimés? ›

Les électeurs de tous les pays doivent bien se convaincre qu'il n'y a point de gloire à nommer un sot, un intrigant ou un homme avide

de places ou de pouvoir, de quelque pays qu'il soit. Il vaut mieux pour eux prendre dans un des départemens voisins, ou plus loin, s'il est nécessaire, un député qui exprime leurs vœux et leurs opinions, et qui soit ainsi leur véritable représentant, que de prendre à leur porte un homme incapable soit de former une résolution, soit de dire un mot en leur faveur, ou un homme qui serait capable de les vendre et qui les ferait parler autrement qu'il ne leur convient. En élisant au loin un député qui les défende et qui les honore par son caractère et par ses talens, ils font peut-être la satire des éligibles de leur pays; mais, s'ils prennent parmi eux un homme indigne ou incapable d'être leur député, ils font tout à la fois la satire des éligibles et celle des électeurs.

Lorsqu'un député arrive à la chambre, il n'est pas le représentant du département qui l'a élu : il est le représentant de la France entière. Son devoir est de défendre les intérêts de tous les habitans du territoire, parce que son vote compte également pour tous. Les électeurs d'un département sont donc moralement responsables, envers tous les autres départemens, des suites que doivent avoir les nominations auxquelles ils sont appelés à concourir. La

chambre des députés, prise collectivement, devant convenir à la nation considérée aussi collectivement, tout électeur, avant que de voter, doit se faire cette question: Si tous les électeurs de France étaient appelés à donner leurs voix dans ce collége, la majorité se réunirait-elle en faveur du candidat qui me demande la mienne? L'électeur qui ne peut pas faire une réponse affirmative à cette question, ne doit pas donner sa voix à celui sur lequel elle a été faite : car, si le candidat qui serait élu par chaque collége électoral ne convenait pas à la majorité de la nation, la chambre serait nécessairement mauvaise, puisque dans ses délibérations, chaque département n'aurait jamais pour lui que deux ou trois voix.

Mais, , pour que chaque collége électoral eût le moyen de choisir les candidats qui conviendraient le mieux à la France, il faudrait d'abord que, dans chaque département, on fit la liste des hommes qui remplissent les conditions prescrites par la loi pour être élus, et qui ont la capacité et le désir d'être députés : il faudrait ensuite que tous les noms fussent réunis sur une seule liste, et envoyés ainsi réunis dans chaque département. On devrait indiquer dans cette liste, les noms, prénoms, âge et demeure des

candidats, leur profession, l'état de leur fortune, et surtout les titres qui les rendent dignes de la confiance publique. Quelques erreurs seraient commises sans doute, mais la rectification n'en serait pas long-temps attendue. On pourrait s'en rapporter, à cet égard, aux amourspropres, aux petites rivalités et aux prétentions des individus. Par ce moyen, nous aurions la statistique de nos richesses en fait d'hommes d'état, et nous ne verrions jamais arriver à la chambre des députés que des hommes déjà connus de la France entière.

Comme en France il n'y a point de fonctionnaires qui soient à la nomination du public, des hommes très-capables et très-dignes d'être députés ne sont souvent connus que d'un petit nombre d'électeurs. La majorité se trouve alors obligée de voter de confiance, ce qui est toujours sujet à beaucoup d'inconvéniens. Voici ce qu'il conviendrait alors de faire. Les électeurs qui connaissent particulièrement le candidat, doivent, en lui manifestant l'intention de le porter, lui demander par écrit une déclaration des mesures et des principes qu'il entend soutenir à la chambre : si sa déclaration est satisfaisante, il faut que les électeurs lui donnent la plus grande publi

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