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bien loin de ce terme heureux; et pour y parvenir, il faut, et des efforts et de la persévérance.

› L'administration militaire réclame des dispositions législatives sur la comptabilité, les revues, la solde, les masses et les marchés. La commission s'en occupe. Le rétablissement des masses, de l'aveu du ministre de la guerre, produira une économie de trente millions. La publicité des marchés est le vœen de tous les hommes probes; des traités conclus, résiliés, cassés, modifiés et renouvelés dans l'ombre, provoquent des soupçons fâcheux, et appellent la défiance. Un. peuple libre a le droit de suivre de l'oeil l'emploi de ses contributions; et les opérations mystérieuses ont rarement les faveurs de l'opinion.

Le rapporteur annonce ensuite que le montant des dépenses de la guerre, qui devait être pour l'an vii de 298 mitions, ne sera que de 262, attendu que les républiques batave et cisalpine paient 36 millions pour l'entretien des troupes françaises qu'elles ont à leur service. Ainsi, comme la dépense de l'an vi a été de 341 millions, il en résulte qu'il y a pour l'an vii une diminution de près de 80 millions.

La commission propose le projet suivant :

• ART. Ier L'état de l'armée, pour l'an vii, est maintenu au pied de guerre.

» II. Les dépenses pour l'ordinaire et l'extraordinaire sont réglées à la somme de 262,581,902 f.»

-On verra bientôt quel fut le résultat de la proposition de Chabert. Pour le moment nous allons suivre l'histoire des travaux financiers de l'assemblée.

Villetard, rapporteur de la commission, présenta le budget des recettes pour l'an vii le 22 thermidor. Il proposa de fixer les revenus de la manière suivante :

Contribution foncière, 210 millions. Contribution personnelle, 30 millions. - Enregistrement, 80 id. Greffes, 10 id.

- Timbre, 50 id. - Amendes, droits divers, 2 id. - Hypothèques, 8 id.- Patentes, 20 id.-Douanes. 10 id.-Poste aux lettres, 10 id.-Droit sur les voitures publiques, 1 id. - Taxe des

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Droit de garantie de l'or, 1 id.

Salines et

routes, 30 id. marais salans, 30 id.-Poudres et salpêtres, 500 mille francs.Tabacs, 10 millions. Loterie, 10 millions. Revenus des forêts, 25 id. Revenus des domaines nationaux, 20 id.- Vente du mobilier, 10 id. - Rentes foncières, 20 id. Créances sur les pays conquis, 10 id. Reprises sur les comptables, 22 millions 500 mille francs. Total, 600 millions.

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Parmi les impôts proposés, il y en avait un nouveau que lė souvenir des anciennes gabelles rendait particulièrement odieux; c'était l'impôt sur le sel. On espérait en tirer 30 millions en mettant un droit de dix centimes par livre. La question de cet impôt fut longuement débattue; elle occupa un grand nombre de séances; il fut enfin repoussé. On remarqua Lucien Bonaparte parmi les opposans; il se fit distinguer par une énergie de langage qu'on trouvait rarement parmi les députés de cette époque.

Pendant qu'on discutait l'impôt sur le sel, vint un rapport sur les dilapidateurs. Nous en donnons l'analyse :

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Duplantier de la Gironde, au nom de la commission chargée d'atteindre les dilapidateurs, fait dans cette séance le rapport qui a été lu en comité secret. La commission, dit l'orateur, inaltérable dans son travail,comme dans sa haine contre ces ennemis de la morale publique, sondera d'une main hardie la profondeur de l'abîme qu'ils ont creusé sous nos pas. Elle a vu les maux présens; elle s'est occupée de leurs remèdes. Ces maux sont sans nombre. Il n'existe aucune partie de l'administration publique où l'immoralité et la corruption n'aient pénétré. Vous voulez atteindre les coupables, aucune considération particulière ne vous arrêtera. Vous êtes responsables de toutes les atteintes portées à la morale publique. Une plus longue indulgence vous rendrait complices de ces hommes que la voix publique accuse. Ils seront frappés du haut de leurs chars somptueux, et précipité dans le néant du mépris public, ces hommes dont la fortune

colossale atteste les moyens infâmes et criminels qu'ils ont employés à l'acquérir.

› Lá bureaucratie est devenue un pouvoir qui brave tous les au tres. En vain, l'union qui règne entre le corps législatif et le directoire, doit assurer l'exécution des lois; les employés des bureaux en décident autrement, et leur inertie coupable, lorsqu'il s'agit d'exécuter la loi, équivaut au veto royal. Ainsi ceux que l'erreur a fait mettre sur la liste des émigrés languissent dans l'attente de leur radiation, tandis que les coryphées des conspirateurs ont à peine senti les effets de la loi du 19 fructidor. N'at-on pas vu des surveillances se vendre dans les bureaux du ministre de la police? Chaque jour on entend dire que l'or seul peut faire ouvrir les cartons des bureaux des administrations et des ministres. Veut-on obtenir justice, il faut payer tant à tel employé, tant à la maîtresse de tel autre, etc. La corruption et l'immoralité sont à leur comble: aux maux extrêmes il faut de grands remèdes.▸

Le rapporteur les propose dans un projet qui porte en substance, 1° qu'aucun citoyen exerçant des droits qui lui ont été soit médiatement, soit immédiatement délégués par le peuple, aucun fonctionnaire civil et militaire, aucun agent de la République, aucun individu attaché aux administrations et aux tribunaux civils et militaires ne peut être fournisseur, ni employé dans les bureaux des administrations des vivres, hôpitaux, etc., ni fermier de contributions, ni intéressé dans les fermes, ni agent, ni caution;

2° Que ceux qui seront dans ce cas seront tenus, dans le mois, d'opter;

3° Que tout fonctionnaire, etc., qui n'aurait pas opté dans le délai déterminé, sera pani de la dégradation civique, destitué de son emploi, et déclaré incapable de servir la République;

4° Que tout ce qui sera dû à ce fonctionnaire sera confisqué au profit de la République;

5o Que tout fonctionnaire, etc., qui sera convaincu d'avoir reçu

des présens en argent, denrées et effets, quand même il ne les aurait pas exigés, sera puni des peines portées en l'art. 3 ;

6° Que tout citoyen qui aura sollicité, donné, offert de l'argent, etc., sera puni d'une amende qui ne pourra être moindre que 150 fr., et d'un emprisonnement d'un mois au moins et de six mois au plus ;

7o Que par la présente il n'est dérogé en rien aux peines que le code des délits et des peines prononce contre les voleurs des deniers publics. - Impression et ajournement.

- Que l'on juge de l'effet public de pareilles dénonciations. L'excès des impôts, la création des droits-sur les sels, avaient donc pour résultat dernier de combler un déficit dont l'origine était la dilapidation.

Les finances ne formaient pas, pendant ces premiers mois, la seule occupation de l'assemblée. On y entendait retentir des plaintes sur les assassinats qui se commettaient encore dans le midi, et l'on décrétait à ce sujet des messages au directoire. Celui-ci, malgré l'espèce de dictature dont il était environné, paraissait donc aussi incapable d'administrer que de calculer? Le général Jourdan faisait un rapport sur la conscription militaire. D'après son projet, elle comprenait tous les Français en état de porter les armes depuis l'âge de vingt ans accomplis jusqu'à celui de vingt-cinq révolus. On calculaît qu'elle ne mettrait pas moins d'un million d'hommes à la disposition du pouvoir. Cette masse était divisée en cinq classes; on devait en faire la répartition entre les corps de l'armée, de manière seulement à les maintenir au complet fixé; et, après cinq ans de service, les soldats devaient être remplacés par les conscrits entrant dans la première classe.

- Ce projet fixa l'attention de l'assemblée pendant plusieurs séances. Le dernier article fut adopté le 4 fructidor, mais la discussion donna lieu à de singulières révélations. Briot déclara à la tribune que dans un espace de temps assez court, du 1er pluviose au 1er ventose an v on avait délivré plus de quarante mille congés ; il demanda en conséquence que les congés accordés fussent soumis à une révision. Le ministre de la guerre, Scherer, inculpé, se

hâta de répondre, par la voie des journaux, que dans le même temps on en avait délivré seulement douze mille cinq cent soixantedix-neuf. Mais l'accusation resta, et, quoi qu'elle ne frappât pas Scherer lui-même, puisqu'il n'était pas encore ministre à l'époque fixée, elle n'en tombait pas moins sur l'administration.

Le conseil des cinq-cents prit encore l'initiative dans une affaire d'administration intérieure, beaucoup moins importante en apparence, mais qui intéressait vivement les habitudes nationales. Malgré le nouveau calendrier, le peuple suivait toujours l'ancien; il fêtait toujours le dimanche, et le culte catholique qui avait encore lieu dans beaucoup d'églises le maintenait dans cet antique usage. Les zélés reformateurs républicains voyaient ces choses avec peine; ils voulurent donner force et vigueur au calendrier républicain; ils proposèrent diverses mesures coërcitives à ce sujet; ils voulaient empêcher tout travail les décadis. Ils éprouvèrent une forte résistance; on leur opposa la liberté, le droit de chacun; Lucien Bonaparte leur montra qu'ils étaient intolérans et plus despotes que les successeurs même de Mahomet. La proposition n'eut pas de suites. Elle fut ajournée.

Cependant dans les questions secondaires d'administration où il y avait lieu à opposition celle-ci n'obtenait pas toujours la majorité. Il est remarquable même qu'elle la réunissait ou l'emportait seulement dans les cas où elle pouvait arguer de l'immoralité du pouvoir exécutif. Ainsi, le 8 fructidor, Berlier, rapporteur d'une commission chargée de présenter un projet sur les délits de la presse, vint proposer de déclarer que l'attribution accordée par la loi du 19 fructidor au ministre de la police sur les journalistes et les feuilles publiques cesserait dans trois mois. En ce moment, en effet, il n'existait plus en réalité de liberté de la presse. La crainte de subir une suppression semblable à celles que le directoire avait prononcées avait produit sur les feuilles publiques un effet pareil à celui de la censure. On se bornait à donner les séances du corps législatif, et à quelques nouvelles ; encore, dans ce genre de narrations, on n'osait pas tout dire. On se gardait de faire mention des choses qui pouvaient déplaire

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